D'emblée, la couverture indique le renversement des valeurs : la femme a pris toute la place, au point que l'homme en est réduit à une frêle silhouette, écrasé par un monument à talon haut. Cette BD au titre évocateur,
Mâle occidental contemporain, se veut donc l'illustration de ce changement : la femme a pris le pouvoir.
Et c'est ce que constate amèrement Thomas, le personnage principal de la BD, au cours de ses approches diverses et variées de la gent féminine. A la recherche d'une partenaire, il se fait jeter sans discontinuer, allant de déconvenues en déconvenues. le scénario est amusant (et un peu répétitif) de ce point de vue : Thomas passe de rencontres en rencontres, sans jamais conclure :
- il drague une gothique qui préfère les « beaux », raté.
- il a rencart avec une personne rencontrée sur le net, pas de chance, sa silhouette n'est pas très ressemblante avec la photo de son mur…
- il décide de rejoindre une copine à une manif pro féministe, il se voit affublé d'un faux pénis… Il s'infiltre dans les réunions politiques, passe sans état d'âmes du PS à l'UMP, sans succès (mais les auteurs font un sacré clin d'oeil au débat récent sur le mariage gay).
Puis Thomas s'attaque à une artiste de ses connaissances, vraiment pas de pot elle est déjà casée/pacsée avec son ancienne prof des beaux-arts !
Décidément, que d'échecs ! Et pourtant des possibilités, il en a, le mignon Thomas. Mais dès qu'une femme lui montre qu'elle est libre, il préfère prendre la poudre d'escampette ! C'est vrai que souvent, ces femmes modernes font peur. Et font penser à des robots qui n'ont peur de rien, et surtout pas de choquer. Elles osent déclamer leurs désirs tout cru, souvent très crus d'ailleurs, et c'est certainement cela qui le fait fuir.
Bon, j'arrête de tout raconter, place à mon analyse de cette BD détonante, un rien suffisante. D'abord je veux dire que je me suis bien marrée à lire les aventures de ce pauvre MOL? à le voir se prendre claques sur claques. Mais au fur et à mesure, je me demandais comment tout cela allait finir. Et c'est là que tout bascule car la fin est étonnante, Thomas se prend une dernière grosse claque avant de s'envoler dans le ciel de Paris, avec son alter égo féminin. L'envol vers une autre vie, sous d'autres cieux, plus cléments sans doute.
Le scénario de Bégaudeau est drôle, caustique et fait souvent mouche mais sa vision de la femme est hélas trop souvent réductrice : les personnages féminins sont toujours décalés, violents, ironiques à l'image de la voisine de Thomas qui le provoque sexuellement mais le laisse mariner dans son désir. Certes l'histoire est ancrée dans un temps ancien, mais tout nous renvoie à l'époque actuelle. J'ai fini par prendre pitié de Thomas, mince et frêle jeune homme qui se retrouve à repasser des chemises à la suite d'un speed dating. La dérision, d'accord, l'humour noir, ok mais on finit par se lasser s'il n'y a que cela, si l'on ne peut pas se raccrocher à un peu d'espoir, si Thomas ne peut remonter par le haut. Tiens finalement c'est cela qui survient : Thomas s'envole, à la recherche d'un peu d'air, d'aération sentimentale, d'un nouveau souffle. Ouf !
Dans ce marasme amoureux contemporain, les dessins de
Clément Oubrerie sont délicieux, ses couleurs aussi, élaborées avec Philippe Bruno. Je me suis régalée avec cet album (au petit format) mais je ne suis pas vraiment objective car j'ai adoré sa série sur Picasso, trois albums parus à ce jour, des petits bijoux. L'alliance d'Oubrerie qui oppose la douceur de certaines planches à la vivacité intello et pessimiste de Bégaudeau est réussie. Mais je reste sceptique sur la représentation de la femme, trop caricaturée pour être réaliste, trop martiale pour être vraie. Sur le sujet crucial des relations entre les MOC et les FOC, j'attendais davantage. Quoi ? Je ne sais pas, de la profondeur, de l'analyse au lieu d'en rester au cynisme de ces échanges sans queue ni tête (c'est le cas de le dire !). N'en subsiste qu'une lecture intéressante, amusante, distrayante mais hélas loin d'être essentielle.
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