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3,69

sur 116 notes
Je ne vois ici que des critiques positives, or ,moi, ce livre m'a profondément déplu, malgré une certaine qualité d'écriture (technique bien connue de l'entrelacement : chaque personnage parle à son tour). Mais l'ouvrage ruisselle de haine, aucun personnage n'est sympathique, disons même que tous les personnages sont odieux. Certaines scènes sont forcées et relèvent d'une imagination malsaine, cf. celle de la bonne soeur avec son crucifix, ou la scène d'antropophagie militante. de plus, il ne faut pas prendre le roman pour une peinture véridique de l'Algérie coloniale, l'auteur est né après l'Indépendance et le pays qu'il imagine ressemble plus au Sud esclavagiste de "La case de l'oncle Tom" qu'au pays que j'ai connu, pays difficile, certes, où la vie pouvait être très dure, où le racisme affleurait souvent, mais dans le respect (et oui ! ça paraît contradictoire, mais ça ne l'est pas complètement), la dignité et une certaine multiculturalité qui subsiste encore chez les survivants de cette époque.
Je sais qu'on "ne fait pas de bonne littérature" avec de bons sentiments, mais en fait-on avec juste de mauvais ?
D'ailleurs, j'avouerai que, pour les mêmes raisons, je n'aime pas Céline non plus.
P.S. Pour des témoignages lucides sur l'Algérie coloniale, lisez plutôt : " Une enfance singulière" de Fadela M'Rabet, "Une éducation algérienne" de Wassyla Tamzali ou, plus romancé, mais absolument délicieux "Mon frère ennemi" de Djilali Bencheikh. Côté colons, "Rio Salado", d'Andrée Montero, n'est pas mal non. plus
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La vie de colons sur trois générations dans une région berbère. Au domaine de Montaigne, il vaut mieux être bien vu, et obéir au doigt et au l'oeil sinon humiliations et violence vous remettent sur le droit chemin. Les Saint André gros propriétaire terrien se comportent avec suffisance et mépris. Belezi à travers cette famille, montre comment la page de l'Algérie reste une blessure douloureuse. Plus on avance dans ce roman, plus le chant funeste de la fin de la colonisation se fait entendre.
Les Saint André comme de nombreux colonialistes recevront le juste retour de leur comportement. Une fois, le point de non-retour atteint les personnages connaitrons à leur tour le déracinement et l'humiliation. Un grand roman choral, écrasant comme un soleil d'Afrique. Et pour ma part, la découverte d'un auteur qui maitrise de façon impressionnante un récit qui résonne comme un chant funèbre.
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Depuis plus de cent ans, la famille Saint-André règne en maître sur son immense propriété.
Le domaine de Montaigne, en Algérie est leur fierté.
Leurs multiples employés doivent leur obéir au doigt et à l'oeil, sinon, c'est la cravache.
Mais voilà que l'Algérie se révolte, et c'est la guerre.
L'histoire est racontée par les membres de la famille,
la mère, arrogante et fière
le père, bon vivant mais impitoyable
Claudia, la fille cadette, partie en France pour protéger ses enfants
Marie-Claire, sa soeur qui finit ses jours dans un couvent en Bretagne
Antoine, le fils, mort torturé par les paras
Fatima, l'employée qui, entre autres, a élevé les rois enfants et est corvéable à merci
Chacun part dans ses souvenirs, ses délires, ses désirs.......
Les chapitres se succèdent sans s'interrompre, sans que l'on sache au départ qui raconte.
Outre l'histoire, qui raconte la vie des colons et des algériens, c'est le style qui est remarquable dans cette histoire.
Certains peuvent ne pas aimer, c'est inhabituel, tellement peu conventionnel, personnellement j'ai adoré.
C'est comme une grande chanson aux multiples couplets qui s'enchaînent, aux refrains lancinants.
Une longue mélopée qui se déroule et nous enveloppe.
Des phrases répétées qui entraînent de plus en plus loin.
Une musique de mots.
C'est tout sauf un roman linéaire.
Le seul point qui m'ait un peu dérangé, c'est le côté caricatural de tous les colons méprisants et impitoyables et de tous les arabes exploités, maltraités.
Ce fut certainement majoritairement le cas, mais j'ose espérer qu'il y eut des exceptions.
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Un grand domaine en Algérie française. Trois générations s'y succèdent, prenant tour à tour la parole : il y a d'abord la figure du père, Ernest, honni et craint par ses enfants et par sa femme. Qu'il soit vivant ou mort, tout tourne autour de lui ; d'ailleurs les voix mêlées de ceux qui l'ont côtoyé se renvoient toutes à son corps, dans le cercueil. Personnage maudit, « devenu riche par la simple opération du mariage », passant plus de temps au lupanar qu'à s'occuper de sa descendance, celle-ci ne le pleure pas vraiment. Il y a sa femme, Hortense, blessée par les tromperies, qui ne peut se résoudre à quitter le domaine. Enfin, les trois enfants apportent leurs voix à ce sombre discours ainsi que leur bonne à tout faire, Fatima.

L'autre grand personnage, c'est le domaine de Montaigne, vaste propriété avec ses vignes, ses champs, ses oliveraies, appartenant à la famille de Saint-André, construit dans la haine et la brutalité : « C'est dans le sang de ta grand-mère et celui de ses assassins que Montaigne s'est construit, et c'est dans le sang des colons et celui des arabes que l'Algérie est devenue française, pas autrement, alors c'est dans ce sang toujours prêt à couler qu'il fallait vous tenir pour garder le pays ».

C'est l'amère nostalgie de ce domaine perdu qui pousse, trente ans plus tard, les héritières du patriarche à faire renaître un petit Montaigne dans un appartement du quartier Saint-Gabriel à Marseille. Elles redécorent le lieu, créent des liens de vassalité avec leur employée d'origine algérienne, montrant toute leur rancoeur et rejoignant par là-même l'avis du père détesté.

Faut-il voir en ce domaine meurtri une métaphore de l'Algérie Coloniale tendant vers sa fin ? En figure du père dominateur, une France incarnée ? Peu importe : Mathieu Belezi a composé dans ce livre le cantique funéraire de l'Algérie française, nouant aux distorsions familiales romanesques la fin historique de ce pays colonisé, et offre avec ces personnages une superbe symphonie. Chacun possédant sa propre incarnation, une étrange litanie se crée entre les différentes voix, tantôt chargées de haine, tantôt d'amertume, et les morts se relèvent, évoquent leur vie, hantent les vivants. La beauté du texte vient de ce mélange de voix ; de chant, de poésie. La construction est particulière, liée à l'absence de points, aux phrases hachées, scandées à l'envi, loin de déranger la lecture.

On l'aura compris, C'était notre terre n'est pas un roman sur la guerre d'Algérie, ni un témoignage. L'écrivain conte avec subtilité l'histoire d'une famille de colons. C'est la saga d'une famille broyée par les meules impitoyables de l'Histoire. L'auteur ne juge pas, n'excuse rien, n'épargne personne.

Apre, douloureux, le roman choral de Mathieu Belezi se lâche difficilement. Les personnages sont terriblement humains, terriblement poignants, lâches et cruels, haïssables et attachants, viscéralement attachés à leur pays, et leurs monologues résonnent encore dans la tête bien après avoir posé le livre.
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La présence française en Algérie et la guerre qui a abouti à son indépendance restent au XXIème siècle des questions sur lesquels les avis sont très partagés. En effet, beaucoup de Français (surtout les jeunes) sont malheureusement ignorants et indifférents à ce sujet. Une autre partie de l'opinion publique, suivant l'opinion d'historiens et de journalistes progressistes, ont définitivement jeté l'opprobre sur les Pieds-Noirs et sur l'armée française, en "oubliant" les atrocités du FLN. Enfin une majorité de rapatriés, dont la mémoire est fixée sur leur pays natal et sur le traumatisme de 1962, restent très amers et fustigent le parti-pris des Métropolitains à leur encontre.
Comment parler sereinement de ce drame, au cours duquel tout le monde a fait du mal à tout le monde ? C'est presque impossible; je n'ai jamais lu un ouvrage écrit à ce sujet qui me satisfasse entièrement. Mais la moindre des choses, me semble-t-il, est de donner la parole à tous les protagonistes et surtout d'éviter des jugements de valeur (a posteriori !) trop catégoriques.

Qu'en est-il du roman de Mathieu Belezi ? D'abord, l'auteur a choisi de mettre sur le devant de la scène des grands propriétaires terriens qui sont des caricatures des "gros colons" méprisants et brutaux vis-à-vis des indigènes, sûrs de leur bon droit. Certes, ce genre de personnages, passablement odieux, a réellement existé dans "l'Algérie de Papa"; mais ils ne représentaient qu'une minime fraction du peuplement d'origine européenne. S'il en était resté à ces figures, l'écrivain aurait apporté de l'eau à un moulin qui - selon moi - ne tourne pas rond. Heureusement, Mathieu Belezi a su introduire dans son roman d'autres figures, très différentes, qui viennent nuancer le tableau. Par exemple, dans le livre, l'un des fils de la famille aide le FLN - mais il ne faut pas s'y tromper: il n'est qu'une exception rarissime, absolument pas représentative de la population des Pied-Noirs. Par ailleurs, la domestique (kabyle) de la maison des maitres joue (assez tardivement) un rôle dans le roman et apporte son point de vue très intéressant, sortant des polémiques franco-françaises. Enfin, l'auteur n'occulte pas les abominations commises par tous les belligérants, y compris le FLN, et je lui en sais gré. Si on cherche la petite bête, on peut noter que le romancier ne donne pas une grande place aux "petits Blancs" des villes d'Algérie, qui formaient pourtant une grande partie des Pieds-Noirs et dont une bonne partie votait à gauche avant le début des hostilités. Malgré cela, je pense sincèrement que Mathieu Belezi a réussi à donner une image presque exhaustive de ce que fut cette société (trop) passionnée et de cette période brûlante, qui ont disparu corps et bien dans un passé oublié ou occulté.
Mais ce livre a encore un autre grand intérêt, déjà souligné à juste titre par d'autres commentateurs: son style, lyrique, incantatoire, donc visant à l'empathie. Personnellement je ne suis pas du tout porté sur ce genre d'écriture et, au début du livre, j'ai beaucoup renâclé. Mais j'ai fini par accepter ce lyrisme, qui donne une très vive couleur à ce pays de soleil et de violence - très loin des schémas intellectuels pré-fabriqués que certains projettent sur la présence française en Algérie.
Donc, oui: en conscience, j'ai aimé ce livre que je trouve à la fois remarquable et juste.
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Un livre très dur sur la guerre d'indépendance de l'Algérie où tout le monde en prend pour son grade, des colons aux Algériens en passant par l'OAS et le FLN. Tous ont considéré que leur idéologie, quelquelle soit justifiait de tuer des hommes, violer des femmes et massacrer des enfants, la lecture de ce roman très cru est parfois éprouvante. Egalement dur à lire, l'avalanche de préjugés de l'époque puisque le livre décrit essentiellement le point de vue des colons français, futurs pieds noirs en France. J'en ai connu quelques uns dans ma vie personnelle, je dois dire que j'ai reconnu beaucoup de choses, hélas.
En revanche j'ai beaucoup apprécié le style de l'auteur. Sa ponctuation et ses majuscules absentes et ses longues phrases à répétitions vont curieusement très bien avec le sujet du roman.
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J'ai beaucoup aimé ce roman qui nous raconte une Algérie aux deux visages : celui des colons, riches ,arrogants, indifférents, orgueilleux, et celui des serviteurs algériens, pauvres, soumis, opprimés.
Roman polyphonique où s'expriment 6 personnages, le père, la mère, les 3 enfants (dont un embrassera la cause du FLN) et la domestiques kabyle pour raconter la fin de l'Algérie française.
C'est l'histoire de la décolonisation douloureuse, des départs plein de rancoeur et d'amertume, qu'aucun baume n'apaisera jamais.
Un roman dur, âpre, magnifique.
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Ce roman raconte l'histoire d'une famille de colons, Hortense et Ernest Jacquemain, leurs trois enfants et la domestique. « C'était notre terre quand je dis que c'était notre terre, je veux dire que nous ne l'avions pas volée, que nous en avions rêvé au temps de nos ancêtres, et que l'Etat français nous avait permis de concrétiser nos rêves en nous vendant une bouchée de pain six cent cinquante-trois hectares de bonne terre africaine » : ces premiers mots contiennent déjà tout le rêve puis la passion qui lie ces colons à leur terre, à ce domaine de Montaigne qui se construit déjà sur le meurtre et le sang. Au fil des chapitres qui donnent successivement la parole aux 6 personnages de cette histoire, on voit se dérouler les différentes phases de l'histoire, la domination coloniale, la prise de pouvoir des Algériens, la fuite des colons, la fin de l'Algérie française. le roman est extrêmement bien écrit, dans une écriture ample, basée sur des reprises de phrases comme des litanies, souvent sans ponctuation, mêlant les époques. Les personnages sont haut en couleurs, à la fois attachants, par exemple Hortense, attachée de manière absolument viscérale à cette terre d'Algérie, ou Claudia, petite fille qui, même devenue grande, souffre d'un père qui ne l'a quasiment jamais regardée, et insupportables, en particulier Ernest Jacquemain, ignoble colon raciste et sexiste. Rien ne nous est épargné, dans une langue souvent très crue, des exactions commises à la fois par le FLN (auquel le fils, Antoine, s'est rallié) et par les colons. Certaines scènes sont même à la limite du supportable mais ont le mérite de montrer à quel point cette histoire est complexe et sanglante. Je cite ces propos d'un journaliste du Monde, à mon avis très juste sur ce livre : « C'était un roman de tous les dangers, cette saga d'une famille de colons français en Algérie. Mathieu Belezi courait le risque d'aller à l'excès dans le sens du titre, C'était notre terre, et de succomber à une nostalgie du joli temps des colonies. Ou au contraire d'ignorer les blessures que la guerre d'indépendance, fût-elle juste, avait infligées à ceux qui étaient nés sous ce soleil, aimaient les collines, les vallées, les oueds et se sentaient chez eux sous les acacias et les palmiers. »

Un livre coup de poing… et coup de coeur à la fois.
Lien : https://dautresviesquelamien..
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S'il y a un livre qui m'a chamboulée à la fin de l'année 2012 , c'est bien celui-là.
Parce que ce roman raconte l'histoire d'une famille de colons, les de Saint-André, propriétaires terriens qui vivent et règnent en maîtres sur l'immense domaine de Montaigne. Six personnages interviennent à tour de rôle: le père, la mère, Claudia (la fille cadette), Marie-Claire (la fille ainée), Antoine (le fils) et Fatima, la servante (la seule voix algérienne du récit).

Le père, Ernest, est violent, dénigre sa femme et ses enfants pour s'enivrer de whisky et de prostituées. Il tient le domaine d'une main de fer et n'hésitera pas à aller tuer tous les "fellaghas" qu'il pourra, quand les premiers affrontements auront lieu. La mère, Hortense, est une femme dure, aigrie, remplie de suffisance; elle se croit au dessus de tout et de tout le monde, elle est étouffée par la haine. Claudia, la soeur cadette, est celle qui entame le récit. Elle n'arrive pas à faire le deuil de l'Algérie, malgré son âge avancé et toutes les années passées en France. Marie-Claire elle, déteste l'Algérie. Soulagée de l'avoir quittée et être devenue bonne soeur dans un couvent en Bretagne, la vieillesse la rattrape pourtant. Pour Antoine, le fils, qui s'est engagé dans la lutte armée du côté des algériens, c'est un choix qui prend la forme d'une revanche sur sa famille. Il les méprise; surtout son père et sa mère, qui représentent à ses yeux le symbole même de la colonisation dans ce qu'elle a de plus injuste, de plus barbare. Enfin, c'est la voix de Fatima, la servante qui est là depuis presque toujours, que l'on entend, et toute son abnégation, son dévouement jusqu'au-boutiste.

En ce qui concerne l'écriture, j'ai trouvé la narration très originale; certains personnages nous parlent depuis l'au-delà, les temps se mélangent, et les lieux aussi. C'est un roman polyphonique, mais la multitude des portraits ne perturbe pas du tout le lecteur, car chaque personnage s'exprime à tour de rôle, et la parole de chacun est bien identifiable. L'écriture est puissante, haletante; certaines phrases sont d'une longueur hallucinante mais nécessaire, comme une course contre la vérité, comme le souffle d'un vent du désert, comme la marche de l'histoire, que l'on ne peut arrêter. Car l'histoire de l'indépendance se joue, avec son cortège de violences, d'attentats, de massacres, d'injustices de touts bords. C'est le début de l'OAS et du FLN, des morts des deux côtés, des actes irréparables.

Je dois avouer qu'il me fut très difficile de lire ces discours de haine et de racisme forcéné de la part de pieds-noirs. J'ai été dérangée mais malheureusement, peut-être le fallait-il. Au risque de paraitre très naïve, j'ai sincèrement eu du mal à penser que des Français vivant aux côtés des Algériens depuis 160 ans pouvaient avoir un tel mépris au fond d'eux, et pourtant L Histoire a prouvé qu'il y en avait un certain nombre qui pensaient ainsi (j'espérais juste qu'ils aient été très minoritaires). Peut-être est-ce aussi à cela que sert la littérature. A bousculer nos certitudes, à nous mettre mal à l'aise, à écrire une vérité que l'on ne veut pas voir. Je pense que les blessures ne peuvent cicatriser qu'avec le temps, mais aussi en écoutant les différents points de vue. Il y a toujours une part de bon et de mauvais en chaque homme et si Mathieu Belezi insiste surtout sur le mauvais, je songe, amère, en refermant ce livre, à la détestation que m'inspirent la plupart des personnages, aux cicatrices toujours ouvertes entre nos deux pays, et aux années qu'il faudra encore pour apaiser les plaies, à défaut de les panser.

Un ouvrage dur donc, âpre parfois, mais qui restera longtemps dans ma mémoire...

http://manoulivres.canalblog.com/archives/2013/01/05/26075216.html
Lien : http://manoulivres.canalblog..
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La maison de maitre, élégante se dresse au centre du domaine qui s'étend à perte de vue. Tout autour, des abris sommaires hébergent l'abondante main d'oeuvre qui travaille à la prospérité de l'exploitation. Image harmonieuse des temps passés et du Sud : ce pourrait être l'Amérique d'avant la guerre de sécession, l'Afrique du sud de l'apartheid, la ferme de Karen Blixen en Afrique. Non : Mathieu Belezi nous emmène au domaine de Montaigne dans les montagnes kabyles, au temps de l'Algérie Française et de la décolonisation. Et le tableau n'est plus idyllique. le maîtres exploitent une main d'oeuvre locale servile et maintenue dans l'ignorance. de leur côté, veules et débauchés, autoritaires et plein de la bonne conscience de leur supériorité, source de la prospérité du domaine, ils n'ont pas vu venir le drame inévitable qui éclate avec la guerre civile, l'abandon des politiques, les dérives de l'OAS, les horreurs des attentats et des massacres. On lit cela dans les livres d'histoire. Mais l'auteur nous le fait vivre de l'intérieur, avec une force singulière, dans les récits alternés de chacun des acteurs du drame. La famille éclate dans l'épreuve. La douleur qui habite chacun, y compris les domestiques attachés aux enfants, se transforme insensiblement en un chant désespéré qui trouve d'étranges résonances, et accompagne l'exil et la mort.

Cette construction symphonique est la marque singulière de ce roman. L'auteur combine les témoignages opposés d'une même réalité. Son oeuvre, d'une grande force, fait comprendre, de l'intérieur, le déchainement d'une violence nourrie trop longtemps de l'injustice et du mépris. La société des hommes conduit à l'enfer lorsqu'elle oublie ses règles élémentaires et que les maximes de la République (liberté, égalité fraternité), exportées hors de l'hexagone, sont défigurées en slogans mensongers. Ce roman, qui fait ressentir si fort le désarroi et l'amertume de ses protagonistes, donne aussi à réfléchir sur le drame qui lie encore ces deux pays - la France et l'Algérie- qui ont tant de mal à regarder en face leur passé.

Ce livre a été "Le coup de coeur des lecteurs" du Prix du livre de poche 2010 (section "Littérature").
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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