Profanes

C'étaient des moments heureux .Voilà .
Ces moments ont existé .Ce bonheur qui a été vécu, rien ne peut faire qu'il ne l'ait pas été.

Il avait peur de ne plus savoir aimer qu'à distance. Est-ce qu'on peut perdre la faculté d'aimer tout près de soi ?

Quand la pluie s'est-elle mise à tomber? Aucun de ceux qui ce matin-là peuplent la grande maison ne s'en est rendu compte. C'est une pluie d'été, très douce. Elle enveloppe les arbres du jardin d'un brouillard fin. On les distingue encore mais les couleurs, les formes, sont voilées.
Le grand salon est empreint d'une lumière ouatée. Un gris très clair.

Attendre que le jour décline.
Depuis longtemps la nuit est devenue ma vie préférée. L'obscur me soulage.
Les choses de la vie s'arrêtent, simplement, puisqu'il fait nuit. Et j'ai la sensation que moi aussi je peux m'arrêter. Un peu.

Il dit alors sa découverte de ces visages postés au bord de la mort, nus de tout désir d'être regardés par des vivants. Peints pour la tombe. Hélène l'écoute. Il dit qu'il avait vu ses premiers portraits du Fayoum au musée de Toronto. Qu'il y en a un peu partout dans les grands musées du monde mais que les premiers, c'était là, dans le pays de sa femme, qu'il les avaient vus. Qu'ensuite il avait cherché les autres, dans d'autres pays, à chaque vacances et que sa femme trouvait ça morbide. Il parle comme pour lui-même, lentement. Il dit que c'était tout sauf morbide.
"Vous comprenez, il se dégage de chacun de ces visages peints pour personne, une solitude et une humanité sans fard. Profonde. Seule la mort peut "dévisager" un être de cette façon. Avec cette simplicité."

Est-ce que la vie n'est pas la seule louve à faire entrer dans bergerie ?

Réunir, ce n'est pas juste faie asseoir des gens dans la même pièce, un jour. C'est plus subtil. Il faut qu'entre eux se tisse quelque chose de fort.

Ce n'est pas la vie parfaite qui peut m'enseigner. J'ai retourné les Évangiles.
Je veux l'enseignement des vies imparfaites. Le seul qui vaille.

Aucune foi, aucun dogme, ne protégera. Vif nous sommes et morts nous serons. C'est tout. Et c'est assez.

Quand je n'ai plus de refuge, je vais dans les mots. J'ai toujours trouvé un abri, là. Un abri creusé par d'autres que je ne connaîtrais jamais. C'est rassurant, de penser cela. C'est peut être la seule chose qui me rassure vraiment.