Le journalisme était toute sa vie. Elle n’était pas prête à troquer sa liberté pour un mari. Ses aventures amoureuses n’avaient jamais dépassé le seuil de quelques mois. Dans ses moments de doute, elle considérait que l’homme idéal n’existait pas. Lorsque l’espoir balayait ses bleus à l’âme, elle pensait tout simplement qu’elle ne l’avait pas encore rencontré.
Ses yeux bleus avaient la beauté et la pureté des lacs de montagne. Son teint légèrement hâlé évoquait sa vie en plein air. Elle se sentait un peu perdue dans cette immense confusion des genres et impolie de le dévisager ainsi. Il n’était pas dans sa nature de se laisser prendre ainsi au dépourvu ni de tomber sous le charme du premier venu.
Le mathématicien avait accès aux démonstrations et aux résultats. Le pythagoricien apprenait que « Tout nombre est engendré par Un, comme toute chose ». Le chiffre un représente l’essence de Dieu. Les nombres sont donc des étapes vers l’Unité. L’initiation consistait à se rapprocher du Grand Être en lui ressemblant, en dominant les choses par l’intelligence, c’est-à-dire en devenant actif, et non passif comme elles. Pythagore définissait pour chaque chiffre un principe et une force active sur l’univers.
Le temps était passé sans que son cœur de femme ne soit touché autrement que par les vers des poètes, jusqu’au jour où elle avait rencontré un lecteur assidu qui allait devenir son mari. Elle avait trente-cinq ans, il en avait vingt-trois. La différence d’âge avait fait jaser les habitués de la librairie. Lorsqu’elle fut enceinte, les mauvaises langues n’eurent plus rien à se mettre sous la dent.
Le maire jouait la diva. Nichas trouvait cette situation insupportable, considérant qu’un élu devait respecter les horaires de ses rendez-vous. Il était au service de la nation, pas l’inverse. Les politiciens avaient une fâcheuse tendance à oublier cette évidence. L’amnésie qui les frappait tous, entre deux élections, le mettait en rogne.