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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ainsi parlait ma mère - Rachid Benzine - Éditions du Seuil - Roman - lu le 24 avril 2022.

"A l'heure où j'écris ces lignes, j'ai désormais 54 ans et elle...quatre-vingt-treize"

Un roman, sans doute, mais probablement avec une part de vrai. Rachid Benzine est enseignant, tout comme le narrateur. L'auteur est tellement au plus près du possible qu'il y a certainement une part de vécu dans cette histoire.

Dernier d'une fratrie de quatre garçons, célibataire, le narrateur dont on ne connait pas le prénom ni le nom, ni ceux de sa mère d'ailleurs, a fait le choix de s'occuper d'elle, elle a 78 ans et ne peut plus rester seule.

L'histoire se déroule à Schaerbeek, commune de Bruxelles, dans un petit deux pièces. Il la soigne, la lave, la nourrit, bref, la prend en charge complètement.

Il lui lit inlassablement La peau de chagrinDe Balzac, choix étonnant de lecture de la mère, analphabète qui ne se lasse pas d'écouter son fils lui faire la lecture. Venant d'un petit village marocain, cette mère analphabète a pourtant assuré une éducation et une morale sans faille à ses enfants, non sans souffrance, car elle a été humiliée bien souvent.

"Jusqu'à un passé très récent, ma mère ne nous a jamais rien dit des souffrances qu'elle a endurées" page 21

"On guérit d'un coup de lance mais on ne guérit pas d'un coup de langue" page 63

Ces quatre phrases disent à elles seules toutes les blessures qu'elle a eues.

Au fil des jour, au fil des pages, on se rend compte que ce fils découvre vraiment qui est sa mère, cette femme qu'il ne connaissait pas, à travers leurs échanges quotidiens et aussi ceux qu'ils avaient au sujet du livre La peau de chagrin, seul livre dont elle voulait entendre la lecture.

J'ai découvert avec ce fils, une femme, une mère qui avait de grandes qualités de coeur et de respect des autres.

Ce qui l'irritait le plus, "c'était la vulgarité. Pas la vulgarité dans le langage, cela la heurtait mais ne la touchait pas vraiment. Non, c'était la vulgarité du mépris s'incarnant dans la puissance qui la heurtait" page 65

Et puis, cette fin du roman, magnifique :
"Je ne sais pas si ma mère a été une bonne mère. Ou simplement une mère qui a fait ce qu'elle a pu. Avec ce que Dieu lui a donné comme connaissance, comme amour, comme courage. Comme patience aussi. Je sais juste que c'est la mienne. Et que ma plus grande richesse en cette vie est d'avoir pu l'aimer"

Ainsi parlait ma mère de Rachid Benzine est un splendide hommage à sa mère. Lu d'une traite dans le train m'emmenant en visite chez mon fils. 91 pages d'amour, de dévouement et de sagesse.

A lire sans aucun doute.
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Rachid Benzine est islamologue et chercheur associé au Fonds Ricoeur. J'avais grandement apprécié la clarté et l'intelligence de son le Coran expliqué aux jeunes. Je le découvre écrivain avec ce premier roman acheté suite à son lumineux passage dans La Grande Librairie.

Qu'est-ce qui fait qu'un livre si petit par le nombre de pages et si modeste - de prime abord - par le sujet abordé ( un hommage à la mère ) résonne et bouleverse jusqu'à tendre vers quelque chose de terriblement universel ? Sûrement sa délicate justesse et une simplicité teintée d'évidence qui le rend accessible tout en étant précis dans le propos et ce, sans facilité.

Sans doute l'auteur a-t-il mis beaucoup de lui dans ces pages. Mais cela ne suffit pas pour toucher. Par le choix de la fiction plutôt que du récit autobiographique à la première personne, il parvient à sublimer le réel car sa sincérité affleure à chaque phrase. Les émotions qu'il décrit sont vraies et lui permettent d'aborder des thèmes très forts avec finesse : l'intégration, la relation filiale, la honte sociale, la puissance de la littérature, le vieillissement des corps et la fin de vie.

Le narrateur est un enseignant d'une cinquante d'années, célibataire, sans enfant, qui vit seul avec sa vieille mère dépendante : il prend soin de celle qui a pris soin de lui avant qu'elle ne le quitte. Cette dernière est illettrée, lui a réussi et est désormais un transfuge de classe. Cette fracture culturelle, la honte sociale qui en découle, je l'ai rarement lue aussi bien rendue.

Et c'est très beau lorsqu'il explique comment sa mère lui échappe, elle l'analphabète qui réclame la lecture orale sempiternelle de la Peau de chagrinDe Balzac, obsessionnellement. Il ne la comprend pas, pense qu'elle ne comprend rien à ce texte subtil et sensuel, comme si son analphabétisme disqualifiait son expérience, sa connaissance de la vie, forcément supérieure à la sienne.

Et c'est très touchant de voir comment un livre permet de créer un monde commun entre un fils et une mère qui n'ont rien en commun à part l'amour qu'ils se portent. La fin est bouleversante et clôt magnifiquement un texte limpide, pudique et juste qui fait réfléchir à sa propre histoire.
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C'est une chronique de Laurent81 (merci !) qui m'a donné envie de lire ce roman (roman ? une large part autobiographique c'est évident). de l'auteur j'avais aimé Voyage au bout de l'enfance. Touchant et marquant.
Je crois que je vais pouvoir utiliser les mêmes qualificatifs pour ce Ainsi parlait ma mère. Touchant et marquant. Peut-être encore plus. Il s'agit ici d'une formidable lettre d'amour d'un fils à sa mère. Une lettre de reconnaissance d'un enfant qui a eu parfois (trop souvent ?) honte de sa mère. Et qui a eu honte d'avoir honte.
Honte d'une mère illettrée, qui ne comprenait que si peu le français.... Honte d'une petite bergère marocaine venue en Belgique et qui a passé une vie d'esclave pour nourrir et faire vivre ses 5 fils. Une vie humble, respectueuse et ouverte aux autres. Une femme digne et méritante.
.
J'ai trouvé la déclaration à sa mère merveilleuse, mais j'ai été encore plus touchée par cet aveu, cette honte enfouie mais présente, très émouvante et tellement vraie.
Un très beau texte à lire.
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Grâce et émotion.... pour un très bref texte qui exprime la quintessence de l'amour maternel et filial....mais aussi un malaise, une culpabilité d'un fils qui , en dépit de ses intenses attachement et reconnaissance filiaux... reconnaît avoir mésestimé et parfois méprisé ses parents, émigrés marocains dans les années 50...Parents.analphabètes... mais dont la maman, veuve trop jeune va , coûte que coûte, élever ses 5 garçons ... Mère Courage à qui l'écrivain, le cadet , rend un vibrant hommage et reconnaît sa propre suffisance
d' "intellectuel sorti du rang"... Je me permets de transcrire l'extrait choisi pour le quatrième de couverture...qui synthétise au mieux ce récit très intime, chargé d'une intense émotion...

« Vous vous demandez sans doute ce que je fais dans la chambre de ma mère. Moi, le professeur de lettres de l'Université catholique de Louvain. Qui n'a jamais trouvé à se marier. Attendant, un livre à la main, le réveil possible de sa génitrice. Une maman fatiguée, lassée, ravinée par la vie et ses aléas. La Peau de chagrin, De Balzac, c'est le titre de cet ouvrage. Une édition ancienne, usée jusqu'à en effacer l'encre par endroits. Ma mère ne sait pas lire. Elle aurait pu porter son intérêt sur des centaines de milliers d'autres ouvrages. Alors pourquoi celui-là ? Je ne sais pas.
Je n'ai jamais su. Elle ne le sait pas elle-même. Mais c'est bien celui-ci dont elle me demande la lecture à chaque moment de la journée où elle se sent disponible, où elle a besoin d'être apaisée, où elle a envie tout simplement de profiter un peu de la vie. Et de son fils. »

Il est question d'Amour d'un fils à sa mère, c'est le noyau dur, central, mais il est aussi narré la douleur de l'exil, de l'exclusion, de l'injustice sociale... où les enfants de parents émigrés , pauvres, sans les bases de l'instruction, lorsqu'ils réussissent, sont écartelés entre la fierté, et la culpabilité d'avoir trahi leur milieu...

"La culture scolaire exclut autant qu'elle intègre et les parents étrangers en sont les premières victimes."

Mais ce que je retiens avant tout c'est la lumière absolue de l'amour de ce dernier fils, resté célibataire, pris par son métier d'enseignant mais aussi pour assumer la présence et l'accompagnement de sa maman vieillissante et affaiblie à qui il doit tant et tant... !

"Au bout du compte, c'est bien la confiance naïve que ma mère me témoignait qui m'a poussé à devenir meilleur. Pour en être digne. Face à une telle sincérité et à une telle innocence, on ne peut ni mentir ni tricher. Je lui dois cette leçon." (p. 46)

.... et pour achever d'exprimer mon émotion totale vis à vis de ce texte... je trouve "fantastique" cet immense "pied de nez" qui nous offre une sacrée leçon.... comme quoi l'amour des mots, des histoires se passent des classements sociaux et de leur iniquité... C'est merveilleux que le fils-écrivain ne comprenne pas que sa mère, illettrée, adore ce roman De Balzac, "La Peau de chagrin"... L'essentiel absolu... au final est que la complicité, l'amour du fils et de la mère se retrouvent autour de cette oeuvre littéraire....que l'émotion et l'intellect ne fassent plus qu'un, spontanément, sans rime ni raison !!...
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Roman ou nouvelle? Un hommage d'un fils envers sa mère ou mieux un message d'amour tout en simplicité et pudeur.
J'ai complètement été transportée par ce petit livre lu d'une seule traite. L'amour est constamment présent alors que la vie n'a pas été facile. L'auteur a 7 ans quand son père décède sous une palette de livres et sa mère doit assurer l'avenir de ses 5 fils. Elle fera des ménages. Une vie dure mais jamais cette femme ne se plaint.
Certains passages m'ont davantage marquée comme ces karaokés maison où toute la famille a sa tâche bien définie pour aider leur mère à pouvoir chanter ou encore, le concert de Sacha Distel où cette mère est invitée à monter sur scène par le chanteur, j'imaginais la joie de cette femme invisible aux yeux de tous et qui est acclamée par un public. Plus triste, ce passage à la poste où une grosse larme roule sur sa joue suite aux paroles méprisantes d'une autre dame. Mais elle reste digne et courageuse et pourtant, je crois que la vie ne l'a pas épargnée. Surprenante aussi, quand elle informe ses fils que si l'un d'eux était homosexuel, elle l'accepterait.
Un portrait touchant d'une mère aimée par son fils. J'en suis encore émue en rédigeant cet avis.
Alors, belle lecture!
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C'est un très court texte
magnifique de bout en bout.
Un hommage vibrant à
une mère courage et amour.
Le fils, transfuge de classe,
grâce à cette maman illettrée,
veille sur ses derniers jours.
Il lui rend sa dignité, souvent malmenée
par sa vie de femme de ménage
timide et laborieuse.
Effacée, au service et soucieuse des autres,
"elle a nettoyé du sol au plafond
la surface de la terre".
Elle veut avant tout "ne déranger "personne.
elle décroche le meilleur pour ses cinq fils
au prix d'attentions constantes.
La télévision change sa vie,
elle aime le répertoire des années 70.
Ses enfants l'entrainent toute la semaine
pour qu'elle puisse chanter le samedi soir
devant les émissions de variétés.
Ce passage est un vrai bonheur !
Balzac sera là pour veiller
sur ses derniers moments
avec "La peau de chagrin ",
qu'elle connaît par coeur
pour l'avoir écoutée et
réécoutée sans fin
sur cassette, et puis lue par son fils..
Là aussi, accrochez vous c'est du magnifique!

Cette déclaration d'amour filial est bouleversante




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Un coup de coeur pour ce petit livre!
un peu d'humour, beaucoup d'émotion, une langue simple; voilà un livre comme je les aime: court mais dense.
Ce célibataire endurci consacre sa vie à ses cours et à sa mère qui a plus de 90 ans. Lui et ses frères se sont toujours moqués de l'accent de leur mère, immigrée du Maroc en Belgique. Veuve trop tôt, elle a élevé seule ses cinq fils: le narrateur est le plus jeune, les autres ont fondé leurs familles: tous se sont un peu moqués de l'illettrisme des parents et de leur façon de parler français avec une syntaxe spéciale et un accent très marqué.
Curieusement, elle découvre La peau de chagrinDe Balzac et va en demander la lecture des centaines de fois, vigilante à l'exactitude des mots comme les jeunes enfants. Elle écoute sur cassette jusqu'à l'usure mais elle préfère que ce soit son fils qui le lui lise.
Des passages très émouvants et pudiques sur les soins à la mère. Un amour filial très touchant.
Une belle découverte (après le passage à la GL)
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Court roman, nouvelle ? Peu importe, ce livre est magnifique. En à peine une centaine de pages, l'auteur nous met, de par son récit, face à ce que nous avons vécu ou vivrons tous un jour, la perte d'une mère.
Pas de pathos, de déchéance physique, juste une relation remplie d'amour et de respect pour cette mère vieillissante que le narrateur veille, accompagne et se souvient.
L'a-t'il vraiment connue ? Au fil des jours, des mois, il entrevoit certains pans de sa vie dont elle n'a jamais parlé, par pudeur, parce qu'elle, maman marocaine ne pouvait avoir pareille relation avec ses fils. Elle a toujours été la Mère Courage, ne renâclant devant rien pour le bonheur de ses fils, ne parlant que peu le français, mais dont tous les gestes, les actions entreprises, les boulots au rabais sont autant de preuves de son attachement viscéral envers eux.

Un très beau roman sur l'amour filial, l'accompagnement de parents vieillissants, la bienveillance, le don de soi.
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Il prend soin de sa mère âgée qui se meurt doucement et il se souvient. Un hommage filial particulièrement émouvant.
Kabyle, illettrée, veuve très jeune, elle a élevé seule ses fils en faisant des ménages. Malgré les humiliations subies, elle ne ressent aucune rancune ; au contraire, toujours soumise, humble et digne. Et sa joie de vivre se manifeste par son goût pour la chanson française.
Et pourtant, il reconnaît qu'elle lui faisait honte. C'est lui maintenant qui a honte en lisant à haute voix, pour elle, La Peau de Chagrin.
Difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux...
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Magnifique petit roman qui nous raconte une tranche de la vie d'une femme, une mère, immigrée, vivant un peu déboussolée dans un pays ayant d'autres repères que les siens et qui s'accroche à ses devoirs et à ses rêves.
Il y a aussi son fils cadet, qui, comme ses frères - et comme quasi tous les adolescents- ne s'aperçoit de l'abnégation de sa mère et de son égoïsme à lui que des années plus tard.
C'est ce petit dernier, maintenant adulte, qui nous raconte sa mère et qui se consacre totalement à elle quand elle arrive au bout de sa vie.
Le livre de Rachid Benzine est empreint d'humanisme, de bon sens, d'émotions et d'amour. Il se lit très vite et bouleverse profondément. Je l'ai trouvé très "vrai".
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