Le silence assourdissant des absents
Je remercie chaleureusement Netgalley et Audiolib pour m'avoir permis de découvrir ce magnifique récit.
C'est la première fois que j'écoute un livre, et je dois reconnaître que je m'y suis mise en « trainant les pieds » surtout après avoir vu qu'il y avait 14 heures d'écoute ! Mais très vite, la magie a opéré, et je me suis laissée porter par la voix de la comédienne
Ariane Brousse, en alternant par une lecture plus « traditionnelle ». Je pense que cette façon de faire a bien fonctionné, et m'a permis d'apprécier pleinement ma lecture.
Ce récit m'a captivée, littéralement happée… et j'en sors bouleversée.
C'est une carte postale qui est le point de départ de la quête menée par
Anne Berest, la quête de ses origines. Une simple carte postale, représentant l'Opéra Garnier, adressée à M Bouveris, où sont inscrits quatre prénoms : Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Reçue par les parents d'Anne, non signée, elle intrigue la famille mais elle termine dans un tiroir où elle est oubliée pendant plus de dix ans. Ce n'est que quand
Anne Berest attend son premier enfant qu'elle interroge sa mère, Leila. Ephraïm et Emma sont ses arrières grands-parents, Noémie et Jacques leurs deux enfants cadets, tous les quatre sont morts en déportation. L'aînée, Myriam, la mère de Leila, a survécu. Leila raconte à Anne l'histoire de la famille Rabinovitch, un vrai roman ! Juifs russes, ils fuient les pogroms et partent s'installer à Riga, puis en Palestine rejoindre le patriarche, avant de venir vivre en France où Ephraïm fera tout pour obtenir la nationalité française. Malgré les échos venus d'Allemagne tout au long des années 30, les Rabinovitch se croient en sécurité en France, jusqu'au bout, jusqu'au dernier moment où arrêtés par les gendarmes dans leur petit village de l'Eure, ils pensent rejoindre Noémie et Jacques (qui avaient subi le même sort quelques semaines plus tôt). Mais Anne veut en savoir plus : comment Myriam a-t-elle échappé au sort funeste de sa famille ? Et qui a écrit cette carte postale, et surtout, pourquoi ? Elle bouscule sa mère, la questionne, la force à fouiller dans ses archives, dans sa mémoire, dans tous les non-dits de Myriam. Car pour Anne, plus qu'une « «simple » enquête sur ses origines, c'est la quête de son identité, celle d'une femme juive, qui ne connaît presque rien aux rites religieux, une femme moderne et laïque…
Comme je l'ai dit plus haut, ce livre m'a passionnée, à différents niveaux.
Tout d'abord le contexte historique, celui de la seconde guerre mondiale et de ses prémisses ; une période qui m'a toujours intéressée. Je suis née en 1960, la guerre ne s'était terminée que quinze ans plus tôt, mes parents parlaient souvent de leur enfance au milieu de ce conflit, et ma grand-mère paternelle avait toujours une anecdote, une petite histoire qui s'insérait dans la grande Histoire. C'est dire si ces années noires étaient encore présentes à l'esprit de ceux qui l'avaient vécu. le récit des atrocités dont ont été victimes les Rabinovitch, comme plus de six millions d'autres, est terrifiant.
Anne Berest « utilise » un style très journalistique, factuel, détaché, qui ne laisse pas passer beaucoup d'émotions. J'ai lu que cela lui avait été reproché. Pour ma part, je n'en ai pas été gênée, et je considère que c'est, pour l'auteure comme pour le lecteur, une sorte de protection devant l'horreur…
Ce livre touche aussi à un sujet passionnant, celui de la psychogénéalogie-transgénérationnelle. Anne et sa soeur Claire portent toutes deux comme second prénom, l'une Myriam, l'autre Noémie. Les lettres que s'échangent les deux soeurs à ce sujet sont l'un des points forts de ce récit.
Enfin,
Anne Berest ancre aussi son récit dans l'actualité : la montée des populismes et celle de l'extrême droite, les relents d'antisémitisme, la religiosité et l'intolérance, l'indifférence …
A lire, à relire à écouter, à réécouter.
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