Et si je vous parle aujourd'hui de cet arbre, c'est que les mauvaises graines s'attaquent aux matelots. Pas aux capitaines...
Ils me gardaient à l’abri des abordages et pendant les escales. Je ne m'en plaignais pas.
Ils me nourrissaient de mets délicats. Ils me couvraient des plus belles étoffes. Le vieux chinois m’effeuillait, m'ébourgeonnait, m'ébranchait, m'écimait, m'éclaircissait, m'écorçait, m'élaguait.
A mesure que l'arbre se tordait et se pliait, un bien être infini m'emplissait.
Planté dans la coque d'un vieux vaisseau, enchâssé entre les mâts brisés et les cordages, se dressait un arbre superbe et fier. [...] Les racines de l'arbre plongeaient dans les entrailles du bateau et avaient depuis longtemps soulevé et vrillé planches et madriers. Les branches avaient arrachés les vergues, tranchés les haubans et s'élançaient vers le ciel, immenses.
Entre les rafales salées, les déferlantes, le souffle de la tourmente, le brouillard liquide, entre le vacarme de l'océan et celui du ciel, un arbre gigantesque nous narguait.
Mais les deux matelots qui, comme moi, avaient écouté l'histoire d'Amédée le Potier ne touchèrent jamais la terre ferme. A cause d'un petit arbre qui leur poussa chacun sur la tête et que je ne réussis pas à tailler convenablement. Je ne suis pas chinois. Et si je vous parle aujourd'hui de cet arbre, dit O'Murphy en tapotant sa casquette de la main, c'est que les mauvaises graines s'attaquent aux matelots. Pas aux capitaines.
A vingt ans, on ne peut pas savoir ce que sont presque soixante années de vie. J’en ai plus de deux cent et mon âme ne peut le supporter.
Des branches, un tronc, la mer.
La mer, un tronc, des branches.
Voilà qui défilait devant nos yeux ronds.
De haut en bas et de bas en haut au rythme de la houle.