Peut-on aimer à soixante-dix ans ? Peut-on, plus précisément, tomber amoureux, aux deux sens du verbe "pouvoir" : posséder encore les facultés physiques et mentales nécessaires, car il en faut, aimer consume beaucoup d'énergie, et avoir le droit, à cet âge qui nous rapproche inexorablement de notre fin, de laisser grandir en nous un sentiment que la mort risque d'interrompre brutalement ? La réponse est nuancée, variable selon les individus et variable aussi en intensité : difficile d'imaginer des sexa voire septuagénaires vivre des amours flamboyantes comme au temps de leurs vingt ans ; comme leurs cheveux, elles seraient plutôt grises, ces passions... Et dans ce cas, sont-ce encore des passions ?
Le narrateur, prof d'histoire à la retraite, fait la connaissance, lors d'une réunion de la société savante dont il est membre, d'une femme, Nicole, qui semble conjuguer élégance et esprit. Lui est de gauche, célibataire endurci, elle est veuve, héritière d'une propriété viticole dans la région de Cognac et à ce titre plutôt conservatrice. Peu à peu, une relation en pointillés va se nouer entre eux, longues périodes calmes succédant à de brèves retrouvailles à la fois ardentes et raisonnées. Mais, comme chacun sait, les histoires d'amour finissent mal, en général.
Un second roman est inclus dans le premier : Nicole, à qui son père, en plus de ses vignes, a légué une vaste bibliothèque balzacienne, apprécie l'auteur de la Comédie humaine, ce que le narrateur a du mal à comprendre. Pour tenter de saisir ce qui, dans l'oeuvre
De Balzac, charme Nicole, et donc pour mieux la cerner elle, le héros entreprend de résumer et de réécrire avec les mots d'aujourd'hui "
Le curé de village", mélodrame dans lequel la religion – et l'amour – joue un rôle essentiel. L'essai est plutôt réussi mais j'aurais préféré que l'auteur conçoive une adaptation complète, ancrée dans le XXIe siècle, comme est enracinée en Charente l'histoire de Nicole et du prof retraité. Cette imbrication de deux histoires actuelles, sans doute plus ardue (la mortification au moyen d'un cilice n'est plus guère à la mode de nos jours), aurait éliminé le côté didactique de l'exercice bien que, j'en conviens, le statut d'enseignant du héros rende parfaitement cohérent le choix adopté par l'auteur.