Les quadragénaires sont sur Facebook. Ma génération, c'est plutôt Instagram ou Snapchat, mais les vieux ils sont tous sur Facebook.
Plus stressé que jamais, j'ai roulé comme un barge jusqu'à la Maison des Pins.
Je n'avais aucune envie de rentrer, mais j'avais besoin de passer mes nerfs sur quelque chose et, en l'occurence, c'est le vélo qui a trinqué : à mon arrivée, j'ai carrément cru voir de la fumée se dégager des pneus!
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J'ai toujours détesté ce jeu - le Dr Maboul. Je suis maladroit, et hypocondriaque.
Je me suis assis à côté d'elle, mais je n'ai rien dit. Je ne savais pas quoi dire. Elle s'est collée contre moi, câline, protectrice. J'ai aperçu le bleu violacé sur son avant-bras et la culpabilité m'a déchiré le ventre.
– Pardon pour tout à l'heure, ai-je finalement murmuré. Je ne voulais pas te faire mal. j'ai eu peur, c'est tout. Mais je suis vraiment désolé.
– Je sais. Moi aussi, j'avais peur. Avant.
– Qu'est-ce qui a changé ?
– Je la connais, maintenant. C'est mon amie. Elle est drôle.
J'ai regardé Jeanne, sidéré. Un léger sourire flottait sur ses lèvres. Elle a poursuivi :
– Elle n'est pas méchante, tu sais. Elle veut juste qu'on l'aide.
En attendant, à force de pédaler jusqu'à Cabrières, je vais finir avec les cuisses de Lance Armstrong... Je vois le tableau d'ici: "Malo, le cinglé aux cuissots."
Ma vie est foutue.
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... nous avons fini par arriver à la fameuse Maison des Pins, une bâtisse biscornue en pierre grise, avec deux niveaux de toit sur lesquels la pluie ruisselait joyeusement. Sophie appelle ça un “mas provençal”. Sur le moment, moi, j’ai vu la baraque de Psychose, tant elle m’a paru hostile sous cette pluie torrentielle.
Jeanne a recommencé, à trois heures pétantes. Cette fois, c'est moi qui suis arrivé le premier. Hier soir mon père et Sophie ont, je crois, un peu picolé ; je sais que ça leur arrive de temps en temps, je n'ai pas quatre ans et demi.
Peut-être sont-ils déprimés de voir le bordel dans le living ?
En ce qui me concerne, je suis bien content que cette horrible pièce soit impraticable, ça me fait des vacances.
Quoi qu'il en soit, ma sœur hurlait comme une possédée.
Mais quand j'ai allumé, elle s'est tue d'un seul coup
Je n'ai jamais aimé les vieilles pierres et les chemins forestiers, je suis un type élevé à la pollution, au bitume, au skate et aux platanes. (Page 13)
Mon mur repeint en blanc, ses vieux papillons roses. Mes quinze ans, ses cinq ans. Ma mère morte, sa mère vivante. Pauline entre nous, quelque part. Morte-vivante.
« Il s’agissait d’œuvres de ma sœur que je n’avais jamais vues – vraisemblablement les feuilles arrachées au grand cahier rose. Je me suis extirpé du placard, j’ai épousseté mon bras, un peu dégoûté par les moutons de poussière et les toiles d’araignée, puis je me suis assis contre le mur pour étudier les dessins. Les décrire est assez difficile, mais une chose est sûre : Jeanne avait dessiné la maison dans les bois. Le trait était grossier, les couleurs criardes. Mais il s’agissait bien de « la ruine ». Le premier figurait l’extérieur, le manoir couvert de végétation. Le deuxième représentait la pièce principale : le lustre écrasé, la cheminée en pierre, la trace de fumée en forme d’entonnoir. Ce croquis-là était particulièrement effrayant, car une plèche indiquait clairement la cheminée : mais cette flèche n’avait pas été tracée par ma sœur. Elle était beaucoup trop droite, trop franche. Précise et imprécise à la fois, car – je sais, c’est dingue, je suis dingue – on aurait dit qu’elle avait été tracée avec du sang. Un index, trempé dans du sang. Sur le troisième et dernier dessin, il y avait une forme au milieu de la pièce, visiblement une silhouette humaine. La forme était longue, fine et blanche. L’impression de déjà-vu m’a glacé le sang ».
p. 125 – 126
Citation choisie par Nanas