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sur 2582 notes
Flash info : « À Blanquefort, hier soir, un homme a tué son épouse de 17 coups de couteau sous les yeux de sa fille à leur domicile ». Info triste et banale, après une mine horrifiée et une pause de quelques secondes, nous reprenons nos activités normales. Un féminicide, comme tant d'autres, comme celui d'avant-hier, comme celui d'hier, comme celui de demain. Une longue litanie, un décompte sans fin.
Des anonymes, des Madame Toutlemonde, notre voisine, notre amie, notre collègue, notre soeur, nous-mêmes, elles sont toutes là, parmi nous, indétectables, invisibles car elles ne disent rien ou parce que nous ne voulons pas les voir ? La femme propriété de l'homme, chosifiée, que l'homme tue lorsqu'elle annonce vouloir le quitter. Comment pourrait-il accepter qu'elle échappe à son contrôle, qu'elle ait une vie sans lui, une indépendance, un quelconque libre-arbitre ?
Le père a tué la mère dans un accès de rage et de fureur, mais bon qu'y pouvait-il, le père, une fois de plus, elle n'avait pas eu les bons gestes, pas donné les bonnes réponses… Alors les coups sont tombés, un peu plus fort que d'habitude peut être.
Cessons avec ce mythe absurde du crime passionnel, si on aime encore un tant soit peu, on laisse partir, on pardonne, jamais on ne tue.
Philippe Besson rencontre un jeune homme dans une librairie lors d'une présentation d'un de ses livres. Ils vont nouer une amitié, il faudra plusieurs rendez-vous avant que le jeune homme n'ose lui avouer le drame de sa vie : son père a tué sa mère. Cette histoire bouleverse Philippe Besson, qui va prendre le sujet à bras le corps et va s'intéresser, non à la victime elle-même, mais aux invisibles, aux victimes collatérales : les enfants … Que se passe-t-il quand Papa a tué Maman ? Quel abime, quel gouffre sous leurs pieds ? Qui pour les secourir, les aider ? Peut-on se relever, se reconstruire après une telle épreuve ?
Pour une Charlize Theron qui a assisté à quinze ans au meurtre de son père par sa mère en état de légitime défense, et semble (je dis bien semble) avoir surmonté l'épreuve, combien seront brisés à vie (surtout que la plupart du temps c'est le meurtrier qui reste en vie et non la victime des violences conjugales).
Avec délicatesse, Philippe Besson nous partage les confidences du narrateur, le fils aîné qui n'était pas sur les lieux lorsque le drame s'est déroulé et découvre petit à petit comme un membre extérieur à la cellule familiale ce qu'à vécu sa petite soeur Léa, dans la maison, qui, de cocon protecteur s'est muée peu en peu en maison de la terreur et de l'horreur.
Le fils homosexuel, danseur à l'Opéra, qui se rêvait en Billy Elliott, quitte ce père méprisant dès qu'il le peut à l'adolescence. Ce père ravi de se débarrasser de ce fils pas comme les autres, qui n'a pas su endosser le costume attendu de virilité.
Dans cette histoire, l'homme qui va répondre présent avec douceur, du mieux qu'il peut, qui est là, c'est un homme d'une autre génération, le grand-père maternel, confronté au meurtre de sa fille. Comme son petit-fils, lui non plus n'a rien vu, n'a pas réussi à la sauver, alors qu'il travaillait à ses côtés dans le bureau de tabac. À eux deux, cet homme âgé et son petit-fils, vont montrer une autre virilité, protectrice et enveloppante, un rai de lumière dans cette noirceur. le grand-père a profondément aimé son épouse, sa fille, sa petite fille, son petit-fils tel qu'il est. le frère va se dévouer pour sa soeur et sacrifier une partie de son avenir pour elle.
Je ne dérogerais pas à la règle, la règle du coup de coeur. Mais ce coup de coeur là fait mal, il résonne dans la tête comme une gifle. Gifle de violence et de haine qui nous scinde en deux d'impuissance et de révolte. On se retrouve révulsé devant le droit français qui conserve au père meurtrier son autorité parentale sur ses enfants et peut continuer à gérer leur vie de sa cellule. Ces enfants laissés à eux-mêmes, sans structure prévue pour les accueillir. Que se passe-t-il quand il n'y a pas un membre de la famille pour les accueillir ?
L'impensable des scellés apposés sur la maison familiale pendant tout le temps de la procédure judiciaire, un an voir plus. A la douleur de la perte de la mère, vient s'ajouter la perte de toutes ses affaires, vêtements, jeux, jouets, repères. La rupture avec l'enfance est brutale, totale, d'une violence inimaginable.
Pour couronner le tout, on découvre complètement effaré que personne une fois les scellés levés ne prend pas la peine de nettoyer la scène de crime, ce qui incombe alors aux proches voire aux enfants eux-mêmes lorsqu'enfin la maison leur est rendue …
Philippe Besson a l'espoir que dénoncer ces aberrations permettra d'y remédier, et on ne peut qu'y souscrire.
Un livre difficile à refermer, j'ai été aimantée par l'histoire de ce jeune homme jamais nommé. Jamais nommé pour qu'il soit plus proche de nous, qu'il nous soit encore plus difficile de le mettre à distance, et c'est finalement avec une part de nous-même que nous avons rendez-vous quand nous ouvrons le livre.
Superbe couverture ornée de quatre coquelicots, une fleur apaisante liée au souvenir et symbole de consolation. Quatre fleurs de tailles différentes, chacune symbolisant un membre de la famille avec trois d'entre elles étroitement enlacées…
M. Besson vous avez dit écrire car l'écriture vous permet de vivre d'autres vies. Pari réussi, pour vous comme pour moi …
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Magnifique critique de PetiteBichette lue un matin avant d'aller dans le centre de ma ville. Passage à la librairie, je n'hésite pas, j'achète ce livre. Comme d'habitude, je ne résiste pas à la tentation de commencer le livre dans le bus qui me ramène chez moi. J'ai lu 3 pages, 3 pages bouleversantes, violentes, dures qui me laissent dans l'incapacité de continuer de lire dans le bus.
3 pages d'un coup de fil d'une soeur (13 ans) à son frère (19 ans) pour annoncer l'horreur : "papa vient de tuer maman". 5 mots glaçants.....
.
Féminicide, emprise, possession.... tous ces termes peuvent convenir. Mais ici on s'intéresse aussi et surtout à des survivants, les enfants de ce couple. Un frère, une soeur, qui vont devoir affronter l'horreur. Horreur qui se matérialise par des détails tellement matériels : trouver un hébergement (la maison étant sous scellés), organiser les obsèques et découvrir que le père ne perd pas l'autorité parentale sur sa fille cadette mineure....
Et puis progressivement affronter cette réalité : leur mère est morte sous les coups de leur père.... Comment survivre ? Pourquoi ? Quelqu'un aurait-il pu empêcher cet assassinat ?
L'effondrement psychologique, le procès.... Chaque étape est décrite. le livre est dur, rempli de ces détails qui font le quotidien, qui rappellent qu'une page est tournée....
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J'ai lu ce livre en apnée, suffoquant à certaines pages. Obligée d'interrompre ma lecture régulièrement, entre chaque chapitre, respirer et reprendre....
Un livre nécessaire mais très très douloureux.....
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A noter la citation de Simone de Beauvoir qui ouvre le livre : "Ce qu'il y a de scandaleux dans le scandale c'est qu'on s'y habitue".....
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POIGNANT

Je dois d'emblée vous prévenir que ce roman est dur, très dur psychologiquement. Donc si vous avez envie de soleil et de détente, ce n'est pas celui sur lequel il faut mettre la main... Par contre, c'est un roman à lire et qui se dévore d'une traite.

Philippe Besson nous raconte un féminicide non pas du point de vue de la femme mortellement batture, ou de l'agresseur, mais bien du point de vue de ceux qui restent.
Maman est morte... Papa a tué maman.
Deux adolescents perdent d'emblée leurs deux parents. Leur mère adorée, tombée sous les coups de leur père. Et leur père, le meurtrier, celui qui perd ce "statut" de père, celui qui a détruit sa femme mais aussi ses enfants.

Restent toutes ces questions souvent sans réponse que l'on se pose. Les "pourquoi", les "comment n'ai-je rien vu?"

Et quoi après ? La souffrance, la dépression de celle qui a assisté à la mise à mort, l'abandon, l'avenir brisé, la résilience, le procès.

Réapprendre à vivre. Tout simplement.

C'est une lecture dont on ne sort pas indemne, et à plus forte raison quand on pense que la réalité sordide de beaucoup de gamins qui ont vécu ça est encore plus difficile. Non, ceci n'est pas un fait divers.
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Ceci n'est pas un fait divers aborde le féminicide sous un angle original, l'impact sur la vie des enfants. Un roman un peu trop court pour être profond, mais cette lecture reste importante pour penser à ceux que les médias n'évoquent jamais, mais dont la vie est brisée.

Le papa de Léa vient de tuer sa maman. Léa appelle immédiatement son frère et ils vont affronter ensemble la suite. Pour eux, ce n'est pas la fin de quelque chose, mais le début d'une nouvelle vie, l'ancienne a été fracassée.

J'ai aimé l'angle adopté, le récit. Il n'y a aucun voyeurisme, mais, jour après jour, la vie et les réactions des deux enfants. J'ai aussi aimé que Philippe Besson décrive les doutes des personnages : qu'est-ce qu'ils n'ont pas vu ? Auraient-ils pu faire quelque chose ? Sûrement, oui, mais ce n'est pas si simple, celui qui a vu quelque chose, a de tels doutes qu'il n'a rien fait, doutes dont la défense s'emparera : un homme éméché ? La nuit ? À distance ? Allons, ce n'est pas sérieux. Quant à la gendarmerie…

Le roman se déroule à Blanquefort, dans les environs de Bordeaux, mais cela a peu d'importance, cette histoire pourrait se passer n'importe où, n'importe quand, et, jamais, jamais, on ne sait ce qu'il advient des enfants, s'ils ont surmonté leur traumatisme. La réponse de Philippe Besson est claire : non.

Merci à NetGalley et aux éditions Julliard pour cette lecture.

Lien : https://dequoilire.com/ceci-..
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Ce roman m'a tellement émue que j'ai dû attendre un peu avant de livrer mon ressenti. Et quand un trop-plein d'émotions me submerge, je préfère m'exprimer en poésie. Pourtant, dans cette histoire de violence conjugale et de féminicide, inspirée de la réalité, aucune place pour la poésie,ou seulement celle du désespoir, de la colère, du vide...

Tu as dix-neuf ans et tu danses à l'Opéra
Ta vie est à Paris, bien loin de ta famille
Et surtout de ton père ses colères, son mépris
Pourtant ta tendre maman, ta soeur, tu les aimes
Ce jour noir et sanglant va écraser vos vies
Désespoir sidéral, et ce terrible manque
Horrible sentiment de culpabilité
Cette haine viscérale pour un père meurtrier
Ta petite soeur se terre et doucement se meurt
Comment l'aider et croire encore à la lumière?
Comment se recréer pour une vie entière?

J'ai aimé l'angle choisi par l'auteur,faisant entendre les voix des enfants, victimes eux aussi de la violence paternelle, victimes de cette mort qui anéantit tout. On ose à peine imaginer ce qu'ils vivent. Philippe Besson, par ses mots justes et déchirants dans leur sobriété, a su montrer leur désespérance.




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Lorsqu'un meurtre est commis dans une famille réputée sans problème, on parle de la victime, on parle du ou de la coupable. Et moi, je me demande souvent ce qu'il advient des enfants, comment ils surnagent dans cet enfer qui les engloutit vivants. Philippe Besson s'est posé les mêmes questions et dans Ceci n'est pas un fait divers, il apporte un éclairage saisissant. Cet ancien DRH en entreprise est devenu un écrivain prolifique, auteur d'une vingtaine de romans lui ayant valu plusieurs prix littéraires.

Ceci n'est pas un fait divers est un roman, une fiction en forme de récit, de témoignage personnel d'un jeune homme imaginé par l'auteur. Ses parents et sa soeur Léa, treize ans, vivent dans une banlieue populaire de Bordeaux. Il a dix-neuf ans et est installé à Paris pour ses études. Il reçoit un soir un appel téléphonique de Léa : « Papa vient de tuer maman ». C'est là que tout commence.

L'acte en lui-même a été d'une brutalité effrayante : dix-sept coups de couteau, du sang partout. Terrifiant pour Léa, qui a tout vu. La suite de l'histoire est très triste. On anticipe aisément l'effet dévastateur qui en résultera pour cette très jeune fille. On imagine le choc, le chagrin des deux enfants, leur double deuil, la perte d'une mère et la perte concomitante d'un père.

On partage les sentiments polymorphes de culpabilité ressassés par le jeune narrateur : n'avoir pas été présent pour empêcher l'irréparable, avoir laissé sa petite soeur seule face au drame, ne pas avoir décelé les signes annonciateurs, ou ne pas les avoir compris, ou ne pas avoir osé réagir… Même examen de conscience pour les proches, les voisins, qui n'ont rien vu, ont fait mine de ne rien voir ou relativisé ce qu'ils ont vu…

Suivent les procédures administratives, la reconnaissance du corps, les interrogatoires de police, l'instruction et le déroulement du procès. En découvrir les impacts affectifs, psychologiques et pratiques est accablant. Je n'avais pas pensé aux contraintes judiciaires de pose de scellés sur le domicile, scène du crime, qui reste strictement inaccessible pendant les mois d'enquête : impossibilité incroyable de récupérer le moindre effet personnel ! Sans oublier, le moment venu, la levée de ces scellés, la restitution des clés et la redécouverte des lieux en l'état où ils étaient après les perquisitions, sans remise en état ni nettoyage, les traces du meurtre toujours présentes, des taches de sang noirci…

La mort de femmes sous les coups de leur compagnon ou de leur ex font aujourd'hui les gros titres de l'actualité. On en dénombre plus de cent chaque année en France. C'est suffisamment important pour mériter d'être qualifié de phénomène de société et non plus de simple fait divers.

Certains pourraient prétendre qu'au regard de l'existence de quinze millions de couples, cela reste statistiquement exceptionnel. Et ils en concluraient que le profil du mari meurtrier est probablement lui aussi exceptionnel. Eh bien non, il s'agit d'un homme ordinaire, une grande gueule, sans vraies compétences, remâchant avec rancoeur sa médiocrité. Marié à une femme trop bien pour lui, il avait le sentiment insupportable qu'elle pourrait lui échapper. Pour préserver sa domination de mâle en péril, il ne lui restait qu'à provoquer des scènes de ménage de plus en plus violentes, jusqu'à…

L'écriture est d'une sobriété de bon aloi, ce qui n'empêche pas le livre d'être émouvant.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Cela pourrait commencer comme un fait-divers, « Femme assassinée par son mari à coups de couteau, sous les yeux de leur fille ». Deux minutes pour lire l'article, deux minutes pour s'indigner, et c'est tout.
Philippe Besson adopte ici le thème « à la mode », si ce mot n'est pas trop incorrect ni insultant : le féminicide.
Et il a raison, car il le fait avec toute la profondeur, toute la psychologie possible.

Nous entrons dans le coeur du grand frère, celui à qui la petite soeur a téléphoné juste après le drame : « Papa a tué maman ». Phrase terrible provoquant une onde de choc qui n'en finira pas, qui n'en finira jamais.
Heure après heure, nous suivons le cheminement de la pensée et des actes du frère qui s'inquiète tellement pour sa petite soeur…et il a raison !
Les premiers jours sont décrits avec minutie, puis les premières semaines, puis un an après, puis deux ans après, le tout parsemé de retours en arrière sur la jeunesse des parents, leur rencontre qui n'aurait jamais dû se produire.

C'est terrible, c'est douloureux au-delà de l'imaginable. Et comme ce n'est pas un fait-divers, j'ai été soulagée de refermer le livre.
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Un roman poignant !

Cette histoire inspirée de faits réels nous parle d'un sujet d'actualité : le féminicide.
Philippe Besson traite ce sujet sensible d'une main de maître puisqu'il décrit des faits tragiques et dramatiques sans pour autant chercher à arracher les larmes du lecteur.

Ce récit est touchant puisqu'il ne relate pas simplement l'histoire de la victime. Il laisse la voix aux enfants, à ceux qui restent, ceux qu'on appelle plus communément les « victimes collatérales ».
Ici, le grand frère de dix-neuf ans s'exprime à la première personne. Tout au long du roman on va suivre le cheminement de ses pensées suite au terrible et indélébile appel de sa cadette qui prononcera : « Papa vient de tuer maman ».

On est alors plongés dans un marasme sans nom, où les questionnements se multiplient.
Pourquoi et comment l'irréparable a-t-il pu se produire ? La culpabilité de ne pas avoir été là, de ne rien avoir vu venir…
Dans quel genre d'avenir peut-on vivre après cela ?
Dorénavant, quelles relations peut-on avoir avec le père, le meurtrier ?
Tous ces sentiments sont décrits de façon bouleversante.
Est-il possible de s'en remettre après un drame pareil ?
L'auteur soulève des points auxquels on ne pense pas forcément. Il montre à quel point une famille se voit brisée et déchirée après cette tragédie. Les enfants perdent leurs repères puisqu'ils n'ont plus de parents, plus de foyer car ce dernier se trouve être la scène de crime.
Après l'annonce du décès, on suit pas à pas leurs démarches « obligatoires » à accomplir telles que les interrogatoires par exemple, mais aussi leur tentative de tenir le coup au quotidien pour se reconstruire.

Une lecture remarquable qui fait prendre conscience des lourds dommages causés par ce sujet de société.
À lire !
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Sa petite soeur Léa l'appelle au téléphone, elle lui dit ; « Papa vient de tuer maman. » Léa a 13ans, lui dix-neuf. Il a pensé : ça devait arriver ! Leur mère a été lardée de coups de couteau. Pourquoi son père l'a-t-il tuée, comment il a pu en arriver là ?

Philippe Besson traite dans ce roman du douloureux sujet des féminicides. Mais il l'aborde du côté des victimes collatérales : les enfants. Son langage est sobre, sans fioriture, il évoque la genèse du crime : un homme qui veut asseoir son pouvoir, sa domination qui estime que sa femme lui appartient, qu'elle est son bien, sa chose. Il désire l'empêcher par tous les moyens de reprendre sa liberté. Philippe Besson nous interroge sur l'aveuglement des proches, des voisins, tous ceux qui n'ont pas vu ou pas voulu voir les signes annonciateurs de ce drame. Et puis il y a le personnage de la petite Léa, son enfance va être anéantie en quelques secondes, sa vie ne sera plus normale. Elle va se replier sur elle-même, devenir sauvage. Comment survivre avec un tel traumatisme, avec le manque ? C'est à travers les yeux du fils aîné que nous traversons cette histoire, portée par une écriture sensible et pleine de pudeur qui donne encore plus de force au récit.

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Plaqué au sol !
Cloué !
Ce roman (ouf, c'est un roman) vous cueille avec force et violence dès le premier chapitre !
Cueilli je suis, coupé net, à la racine, décapité…des pieds.
C'est si brutal que l'on ne croit pas au roman, jamais, mais au récit, toujours.
C'est trop ‘véridique' pour avoir été seulement pensé, uniquement intellectualisé !
C'est jeté, craché, giclé, vomi mais avec style !
Et quel style.
 
A Paris, le narrateur, 19 ans, reçoit un appel téléphonique de sa jeune soeur de 13 ans, en province (pire, en banlieue de Bordeaux), qui lui dit, le souffle coupé : ‘papa vient de tuer maman'.
 
Ce sera un énième feminicide pour la presse, la police, mais sûrement pas un fait divers pour lui, comme le clame le titre. (Et cela n'en est pas un non plus puisque c'est un roman)
 
C'est fort, très fort.
 
Il prend le train à Montparnasse pour rejoindre la scène du crime qu'il ne sera pas autorisé à fouler, scène insoutenable vers laquelle il se dirige en convoquant ses souvenirs pour y chercher les indices qui auraient pu laisser deviner une tragédie en devenir.
 
Il y en avait.
Il ne concevait de les envisager.
 
Encore moins envisageable que sa soeur ait pu assister au meurtre, a l'assassinat, à…la mise à mort.
Quatre sonneries de téléphone et la vie bascule, s'enfonce vers des profondeurs abyssales.
 
Comment imaginer qu'un jour il serait amené à accompagner sa soeur au commissariat pour qu'elle y décrive le son des dix-sept coups de couteau que son père a sauvagement asséné à sa mère, comment imaginer ?
 
Comment imaginer les attitudes diverses des connaissances et des anonymes abasourdis par un tel drame, si proche de chez soi ?
 
Comment imaginer ce qui resterait gravé de cette journée hors du commun : des détails insignifiants ou des faits importants ?
 
Comment ?
 
Comment se met-on dans la tête d'un jeune de dix-neuf ans pour produire un texte fictif si introspectif ?
 
Comment ?
 
C'est si crédible, si cruellement crédible !!
Crédible quand il cherche, ce jeune homme plongé en pleine tragédie, à retracer la vie de ses parents, une vie qui ne l'a pas plus intéressé que cela jusqu'à présent mais qui pourtant, recélait depuis longtemps les racines du mal qui finira par l'emporter.
 
Une reconstitution, pas seulement du crime, de l'assassinat, mais de la vie, plus globalement, une vie banale faite de rancoeur et de ressentiment, les meilleurs terreaux ou germe la violence ordinaire si trivialement banale  !
 
Un roman qui appuie sur une triste réalité : une femme meurt sous les coups de son compagnon tous les trois jours en France !
 
Après la sidération viendront le temps de l'enquête et de ses révélations, celui des pesantes démarches administratives, celui des obsèques puis le temps trop long de la justice. Mais celui qui va s'installer de façon durable, c'est le temps du traumatisme, un temps infini pour tous ceux qui ont été ébranlés par cette tragédie.
 
Avec une absolue pudeur mais aussi une rare minutie, Philippe Besson nous livre un récit bouleversant de réalisme et nous secoue dans le tambour fait du crane de ce pauvre jeune homme débordé par le raz de marée de ce non-fait-divers et actionne sans ménagements  le programme essorage, rincés, nous l'étions dès le premier chapitre.
 
Le linge sale se lave en famille, paraît-il ! L'auteur, ici, n'a pas jugé utile de mettre de l'assouplissant !
 
Un coup de coeur !
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Ceci n'est pas un fait divers (Philippe Besson)

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