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sur 2406 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Papa vient de tuer maman. »

À l'inverse du « happy-end » américain, Philippe Besson livre une grosse claque d'entrée en débutant son nouveau roman par ces cinq mots qui retiennent immédiatement toute l'attention du lecteur. Une phrase courte, percutante et lourde de sens, prononcée au téléphone par une gamine de treize ans qui vient d'assister à l'innommable qui se cache derrière ces cinq mots. À l'autre bout du fil, la vie du grand frère de dix-neuf ans vient de basculer. C'est lui qui encaisse l'onde de choc qui accompagne cette phrase, qui va remonter le fil de sa vie pour chercher les indices qui permettraient d'expliquer l'inexplicable, qui va sauter dans le premier train afin de recoller les quelques morceaux qu'il reste de cette famille volée en éclats et qui va se transformer en narrateur afin de mettre des mots et surtout des sentiments sur cet événement qui, pour lui, est tout sauf un simple fait divers !

À l'instar de David Lelait-Helo dans son excellent « Je suis la maman du bourreau », Philippe Besson se glisse dans la peau des victimes collatérales d'un crime. Tandis que le médecin légiste examine le corps de cette mère tuée de dix-sept coups de couteau par son mari, Philippe Besson se livre à l'autopsie de sa famille, décortiquant les prémices et les conséquences du drame avec une précision quasi chirurgicale. Des signes précurseurs, allant d'une jalousie excessive à de la violence psychologique, aux répercussions du drame, en passant par l'escalade des violences conjugales et les lâchetés de ceux qui ne sont pas intervenus, Philippe Besson fouille le passé et analyse le présent, pointant non seulement du doigt ce fait de société qui alimente trop souvent la page des faits divers de l'actualité, mais sortant surtout de l'ombre ces victimes invisibles dont on ne parle pas : ces proches traumatisés, endeuillés et meurtris à jamais !

Ce qui me séduit à chaque fois dans les romans de Philippe Besson, c'est l'élégance de sa narration, qu'il combine cette fois à l'intelligence de ne pas en faire trop, de ne pas rechercher les effets de style afin de décrire ce sujet délicat avec pudeur et grande justesse. Laissant de côté les envolées issues de ses propres tripes qui m'ont tellement séduit lors de ses ouvrages plus intimes, l'auteur de « Arrête avec tes mensonges » pose ici ses mots avec grande délicatesse sur les blessures d'un autre. S'imposant des limites à ne pas franchir, des libertés à ne pas saisir, comme une sorte de retenue qui s'impose vis-à-vis de ce récit inspiré de faits réels qu'il désire conserver au plus près de la réalité tout en se l'appropriant avec brio, Philippe Besson s'attaque au féminicide d'une plume alliant sobriété et sensibilité.

Non, le féminicide n'est pas un fait divers !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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1) Fait divers = Événement sans portée générale qui appartient à la vie quotidienne [Larousse].
2) Fait divers = Événement peu important mais faisant sensation et rapporté dans les journaux [L'Internaute]. 
3) Fait divers = Événement qui n'est pas politique, social, économique, ni culturel. Il est donc inclassable et rangé dans la rubrique « Faits divers » des journaux. On y trouve souvent des faits tragiques, comme des accidents, des meurtres, des vols ou des catastrophes [1jour1actu].

Le meurtre de sa femme est donc considéré comme un fait divers. Mais qu'en est-il pour les enfants, orphelins de mère et de père meurtrier ? Quand on est au coeur d'un tel drame, quand on est victime d'un tel drame, on est en droit de proclamer que ce fait n'est pas divers, loin de là...

Parce que le narrateur (dont on ne connaît pas le prénom) se refuse à être une victime invisible et silencieuse, à être une victime collatérale, il prendra son stylo pour écrire son histoire, ou plutôt leur histoire : la sienne, celle de sa petite soeur, celle de son grand-père, mais aussi celle de sa mère défunte, celle de son père meurtrier. Il raconte bien évidemment le drame, celui qui l'a rendu orphelin... le deuil, le traumatisme... Les procédures funéraires et judiciaires... La petite Léa, sa soeur de treize ans, seul témoin du meurtre, qui part à la dérive... Il fouille le passé de ses parents... À défaut de pouvoir pardonner un acte impardonnable, il cherche des explications...

Apparemment inspirée de faits réels comme l'indique la quatrième de couverture, Philippe Besson nous livre une histoire tragique. Une histoire qui prend aux tripes. Une histoire qui ébranle. Une histoire qui ne laisse pas indemne.
D'autant que les événements se déroulent près de chez moi, dans des endroits que j'ai vus, visités ou souvent évoqués, ce qui ajoute davantage de réalisme qu'il n'y en a déjà.

Philippe Besson, en faisant témoigner son narrateur, évoque des sujets au coeur de l'actualité : il y est question de violences conjugales, physiques et psychologiques, de perversité narcissique, de féminicide, mais aussi de deuil et de reconstruction, de stress post-traumatique. Avec des mots pourtant simples, des phrases courtes, sans fioritures, il nous plonge dans un récit aussi immersif qu'il est dur et choquant. On a le point de vue des enfants, de l'acte meurtrier et surtout de l'après, et c'en est d'autant plus percutant, bouleversant.

"Ce n'est pas un fait divers", ce sont 208 pages que j'ai lues d'une traite, 208 pages qui m'ont secouée, 208 pages qui m'ont soufflé une bourrasque d'émotions diverses (chagrin, incompréhension, culpabilité, apitoiement, colère). 208 pages poignantes, bouleversantes.

Je trouve difficile de dire qu'on a adoré un livre qui raconte un drame, qui raconte une douleur irréversible, un deuil et une reconstruction quasiment impossibles, un pardon qu'on n'accordera jamais...

Reçu et lu dans le cadre d'une masse critique privilégiée, je remercie Babelio et les éditions Julliard pour la sélection et l'envoi de cet ouvrage que je ne suis pas près d'oublier.
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CECI N'EST PAS UN FAIT DIVERS - Philippe Besson - Roman - Editions Pocket - Lu en février 2024.

Ceci n'est pas un fait divers, en effet, comment peut-on qualifier de "fait divers" le meurtre d'une femme par son mari !

Je ne dévoile rien, dès la première phrase le lecteur sait à quel drame il va devoir faire face.

Léa a 13 ans, son frère 19 ans, Léa vit avec ses parents, son frère étudie la danse à Paris.

Le drame se joue en France à Blanquefort, dans une zone pavillonnaire.

Léa téléphone à son frère, il décroche, pas un mot, un long moment de silence, avant que Léa ne dise "papa vient de tuer maman"

17 coups de couteau, il s'est acharné le mari.

A partir de là, cette histoire n'est plus qu'un long cri de terreur, d'horreur, de désespoir, de colère, d'incompréhension, de regret et de questionnement restant sans réponse.

Commence alors l'enquête sous la férule du policier Paul Verdier, pas très humain dans sa manière d'enquêter, questionnaire de Léa, qui a assisté à la scène, du frère sur la vie de leurs parents, les scellées sur la maison dans laquelle près d'un an plus tard le grand frère est rentré et où la cuisine, lieu du meurtre, n'avait même pas été nettoyée ! Les ragots, les regards des gens.

Le grand-père maternel des deux enfants les prend en charge immédiatement, il tente tant bien que mal de leur rendre la vie plus douce. le grand frère renonce à son rêve de devenir premier danseur, Léa est présente aux cours mais absente dans sa tête. Elle bascule, son frère la fait entrer dans un hôpital psychiatrique parce qu'il ne sait plus quoi faire.

L'attente commence alors, Léa va-t-elle s'en sortir, Parviendront-ils un jour à accepter l'inacceptable ? Philippe Besson, avec son livre Ceci n'est pas un fait divers nous plonge dans l'innommable avec simplicité et pudeur, il raconte le long cheminement psychologique de ces deux jeunes plongés du jour au lendemain dans une épreuve qu'ils n'avaient jamais imaginée et qui ne vivront plus jamais "comme avant", ce traumatisme est inscrit au fer rouge dans leur chair, leur maman a été assassinée par leur papa.

Quand j'ai refermé ce livre, m'est venu devant les yeux le tableau d'Edvard Munch, le Cri, tellement expressif.

Pour vous faire une petite idée du nombre de féminicide j'ai fait quelques recherches sur Internet et voici les chiffres qui font froid dans le dos :

En France : en 2022 : 118 en 2023 : 94 - en 2024 depuis le début de l'année : déjà 14

En Belgique : en 2020 : 25 - en 2021 : 22 - en 2023 : 43

En Autriche : entre 2019 et 2020 : 319 - en 2021 : 26

En Italie : entre le 1er août 2021 et le 31 juillet 2022 : 125 - en 2023 : 24

En Espagne : au 31 août 2023 : 40 - en 2022 : 30

Le summum revient à l'Afrique : 20.000 suivie par l'Asie.

Les femmes et filles assassinées dans le monde en 2022 a atteint son plus haut niveau.

Je ne dis plus rien, ces chiffres en disent bien plus long que ce que je pourrais écrire.

J'ai mis deux semaines pour pouvoir écrire cette critique tant j'ai été bouleversée.


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« Ce qu'il y a de scandaleux dans le scandale
c'est qu'on s'y habitue. »
Simone de Beauvoir

*
Après avoir découvert Philippe Besson avec « Paris-Briançon », je n'ai pas hésité, malgré la dureté du thème, à accepter la lecture de son dernier roman : « Ceci n'est pas un fait divers ». Un grand merci à Babelio et aux éditions Julliard qui m'ont permis de découvrir et d'apprécier ce petit livre.

C'est avec beaucoup d'émotions que je le referme.

*
« Ma mère avait succombé à une mort violente. On croit toujours que la mort de ses parents surviendra tardivement, calmement, et quand on aura eu le temps de s'y préparer. On redoute la maladie. On écarte l'hypothèse de l'accident… On n'envisage jamais le meurtre. Jamais l'exécution... Elle était une femme menue quand mon père était une force de la nature. Face à lui, elle n'avait pas la moindre chance de s'en sortir. »

Dans ce récit inspiré de faits réels, Philippe Besson aborde avec une grande sensibilité, un fait de société : les violences conjugales et le féminicide. N'attendez pas un dénouement heureux. Tout commence par la fin, la mort d'une femme sous les coups de son mari.

L'auteur a choisi de l'évoquer en adoptant le regard de l'entourage, car au-delà des victimes, ce sont aussi de nombreuses vies qui sont bouleversées et qui doivent continuer à vivre après de tels drames.

En choisissant comme narrateur le fils ainé de cette famille, on entre doucement dans le foyer et l'intimité du couple, en apparence sans histoire.
L'auteur, en alternant souvenirs d'enfance et présent, reconstitue ainsi, petit à petit, la dynamique de la violence conjugale jusqu'au meurtre, tout en s'intéressant également aux répercussions sur la famille proche.

*
Certains coups de téléphone marquent une frontière entre l'avant et l'après, le bonheur et le deuil, la vie de famille et la solitude, la violence et l'incompréhension, la douceur d'une mère et l'absence.

« Papa vient de tuer maman. »

C'est avec ces mots que l'on entre dans ce récit.
Si une vie a été brisée ce jour-là par la peur et la rage d'un homme qui voulait à tout prix maintenir sa femme sous sa domination, elle a emporté également d'autres destins.
Comment se reconstruire, trouver un sens à son existence, sans se laisser ronger par la culpabilité, les remords et la souffrance ?

*
Il est délicat de trouver les mots justes pour aborder un sujet de société qui revient malheureusement beaucoup trop souvent dans l'actualité.

L'auteur ne cherche pas les effets de style ou l'intensité dramatique.
Dès les toutes premières lignes, nous connaissons l'ampleur du drame qui frappe cette famille girondine. La force d'évocation se révèle par la sobriété du style, par un récit à la première personne du singulier, par des phrases et des chapitres courts qui confèrent à la narration un rythme soutenu et une atmosphère oppressante, douloureuse.

*
Si chaque vie est unique, chaque histoire semble souvent se répéter :
la jalousie excessive, l'irritabilité, les violences physiques, l'emprise psychologiques de l'homme sur sa victime ; le silence, la solitude, la peur, la souffrance intérieure de la femme ; l'aveuglement, le déni, la culpabilité, le remords, le chagrin et la colère de l'entourage ; mais aussi la mauvaise prise en charge des plaintes pour violences conjugales et les failles de la justice.

Philippe Besson excelle à décrire les sentiments, les émotions. Il réussit avec beaucoup de subtilité et de pudeur à allier la complexité des liens familiaux et la profondeur psychologique des personnages pour évoquer cette violence sociale, les douleurs tues, les regrets et la culpabilité de ceux qui n'ont pas su voir à temps.
Tout cela m'a donné l'impression d'un immense gâchis, de vies gaspillées pour rien, me laissant un sentiment de tristesse pour ces femmes maltraitées qui souffrent dans le silence, pour tous ces enfants orphelins de mère, pour ces parents qui ne reverront jamais leur enfant.

« On ne pouvait pas imaginer l'imaginable… Rien n'est de ta faute. Rien du tout. »

Cette lecture est certes éprouvante mais salutaire pour nos consciences endormies. Les mots, sans pathos, sans apitoiement, sans voyeurisme, sans jugement, frappent comme un destin annoncé.

« Nous ne devions pas juger seulement un fait divers, mais un fait social. Nous ne devions pas parler d'une dispute conjugale qui aurait mal tourné, mais bien de l'aboutissement d'un continuum de violence et de terreur. Nous ne devions pas parler d'un meurtre, mais de la volonté d'un homme d'affirmer son pouvoir, d'asseoir sa domination. Et de l'aveuglement de la société. Et de la peur de nommer. »

Toutes ces morts innocentes, longtemps réduites à des crimes dits « passionnels », à des faits divers sont aujourd'hui des voix que l'on entend et écoute. Leur histoire compte pour qu'un jour, toutes les femmes soient respectées et ne soient plus les proies d'hommes possessifs et violents.
Pour qu'un jour, le féminicide ne soit plus considéré
comme un fait divers.

*
Pour conclure, Philippe Besson signe ici un petit roman brillamment écrit, extrêmement poignant, véritablement glaçant.
L'auteur a su débuter ce récit par un incipit fort et maintenir tout du long une tension en disséquant habilement le cheminement insidieux qui a conduit à cet acte odieux. Car tous les signes précurseurs étaient là.

Ceci n'est pas un fait divers.
Ceci est un roman sur des vies qui volent en éclat.
Ceci est un roman sur l'innocence perdue, le deuil, le chagrin, le combat difficile pour réapprendre à vivre et à se reconstruire sur les vestiges du passé.
Et au milieu de toute cette souffrance, ceci est un roman sur la résilience et l'amour fraternel qui permet de survivre à l'inconcevable, l'intolérable.

Un roman nécessaire pour mettre toute la lumière sur ces drames intimes qui se répètent beaucoup trop souvent.
Un très beau roman que je vous conseille.
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« Papa vient de tuer Maman », voici les mots que Léa, 13 ans, téléphone à son frère, 19 ans, un soir fatal.

Le tsunami submerge la fratrie Malzieu, le voisinage puis les gendarmes quand le commandant Pierre Verdier, découvre que Cécile avait déposé une main courante suite à des violences de Franck son époux, et qu'aucune suite n'a été donnée à ce « signal faible ».

Les « signaux faibles » n'ont pas manqué, mais ni l'ami de Franck surprenant une scène de ménage, ni Léa observant les violences quotidiennes, n'ont alerté quiconque. 17 coups de couteau ont tranché la question.

Comment Léa et son frère, malgré l'attention de leur admirable grand père, peuvent-ils se remettre d'un tel drame ?

Récit haletant, rédigé par le grand frère, d'une plume acérée, incisive, qui laisse le lecteur abasourdi et révolté.

Philippe BESSON publie un livre bouleversant sur un « fait divers » qui n'est, hélas, pas exceptionnel. Un roman qui mériterait 5 étoiles si les chapitres 45, 46 et 47 étaient correctement ordonnés car, rappelons le, en cours d'assises les débats s'achèvent par les plaidoiries des avocats des parties civiles puis par les réquisitions de l'Avocat général et enfin les plaidoiries des avocats de la défense.
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« On ne devrait lire que les livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? » Franz Kafka.

« Ceci n'est pas un fait divers » de Philippe Besson fait partie de ces livres qui vous secoue et vous « uppercute » à sa lecture. L'auteur m'avait déjà interpellé une première fois avec son « Paris Briançon ». Il récidive avec son dernier roman. Une descente aux enfers dont on ne peut sortir indemne.

« Papa vient de tuer Maman ». L'histoire commence avec Léa, 13ans, qui annonce par téléphone à son grand frère que leur père vient de commettre l'irréparable. Un grand frère qui va vouloir nous faire partager par l'écriture, cet énième féminicide qui va faire exploser sa famille. Un meurtre comme il s'en perpétue tous les trois jours dans notre pays et qu'on ne veut pas voir classer au rang de simple fait d'hiver.

Philippe Besson va décortiquer tous les sentiments, les émotions que l'on doit éprouver quand on perd sa maman de 17 coups de couteau… On passe de narrateur à acteur dans un maelstrom de d'images et de flash-back qui nous emmène loin, très loin à la limite de ce que peut supporter notre humanité. La violence des scènes, la dureté des propos, la dramatique des personnages, tout est à cran et exacerbé. du chagrin à la culpabilité, de la tristesse à la colère, du désarroi à la folie ; le drame va déchirer et détruire ces deux enfants en les propulsant sur la scène des faits divers. le deuil doit se faire alors en public car il n'y plus de place pour cette famille ordinaire qui va devenir malgré elle médiatique.

L'écriture de Philippe Besson est ultra précise. Sa prose reste pourtant élégante et lisible. Il utilise pour cela une écriture à la première personne qui nous permet de rentrer dans l'intimité des personnages et ainsi mieux s'identifier aux protagonistes de ce drame. Les chapitres courts permettent de pénétrer rapidement dans l'histoire. Mais la force de cet auteur est de rester dans la sobriété en évitant le pathos. Une certaine forme d'austérité qui va nous protéger et nous aider à continuer la lecture comme ses personnages qui continuent à vivre malgré leur immense malheur. Il possède ce ton sobre et juste nécessaire à la lecture d'un tel drame sans voyeurisme.

Le roman de Philippe Besson veut redonner une place importante aux enfants victimes d'un féminicide. A ces vies qui sont brisées brutalement. Pour Léa et son frère , la vie ou ce qui en reste appartient désormais au fait d'hiver. Comme le dit l'écrivain : Elle relevait de la police, de la justice, et nous n'avions plus notre mot à dire.

Je remercie les Éditions Julliard et Babélio pour cet envoi. C'est un roman pas facile mais vrai qui sait nous remuer les tripes. Un roman utile et nécessaire sur un crime qui doit cesser d'être un simple fait d'hiver pour enfin mettre un terme au macabre décompte qui endeuille notre société moderne : le meurtre de femmes pour la simple raison qu'elles sont des femmes.

« Léa affectionne les balades sur la plage. Et peut-être qu'elle sourira, pour me laisser croire qu'elle va mieux. Ou improvisera un pas de danse, « comme faisait maman ». J'aimerais tant voir ma soeur qui danse. »
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Elle s'appelle Léa. Elle a treize ans quand débute le roman.
Lui a dix-neuf ans. Il est le frère ainé, celui qui rêvait d'un destin différent. Depuis Billy Eliott, il voulait être danseur.
Celle qui n'apparaitra jamais vivante dans ce roman c'est leur maman. Elle avait décidé de partir. de quitter son mari, elle n'en a pas eu le temps.

Leur père, censé les protéger, est devenu un meurtrier.
Leur mère, toujours à leurs cotés, est morte poignardée.
Leur maison familiale, lieu de leur enfance, lieu de leurs souvenirs, est sous scellés et de toutes façons souillée à jamais.
« Papa vient de tuer maman »
Comment vivre après cela ?

L'auteur a croisé la route de ce jeune homme, au destin brisé par 17 coups de couteau. Il nous raconte ici son histoire et celle de sa soeur. Ils ne sont pas morts, mais ils sont aussi des victimes. Et celles-ci doivent continuer à vivre, ou plutôt survivre.
La victime n'est plus, le meurtrier est emprisonné, mais leur vie à eux a été aussi massacrée. Il ne dansera plus à l'Opéra, elle évitera les autres.
Comment vivre avec cela ?

Dans un roman à l'écriture sobre, aux phrases justes, sans un mot de trop (Lapsus ? j'avais tapé mort), Philippe Besson nous raconte l'après. Comment il faut trouver un nouveau logement . Comment il faut choisir le cercueil. Comment il faut vite convaincre le père de renoncer à son autorité parentale : Eh non, même si il est un assassin, même s'il a tué la mère de ses enfants, par défaut il reste le responsable des enfants mineurs.
Et puis essayer de reformer une famille avec le grand-père aussi effondré qu'eux.
« Maman a été enterrée juste à côté de sa propre mère. La place était celle que mon grand-père avait achetée pour lui-même vingt-cinq ans plus tôt quand il avait perdu son épouse, elle échoyait à sa fille, il la lui donnait, il réunissait dans le même caveau les deux femmes de sa vie. C'était tout à la fois effroyable et magnifique. »

Lui, le fils, était parti depuis cinq ans. Il essaie de comprendre, revient en arrière , analyse à rebours les signes et sait. Il a occulté, et devra vivre avec cela.
Léa, elle, était là, elle a assisté aux derniers instants de sa mère :
« Quand je me suis penchée sur ma mère, elle n'était pas morte. Il lui restait juste assez de force pour agripper mon bras… Elle a essayé de parler mais elle n'y est pas arrivée. Alors, comment vous dire… ses yeux ont parlé pour elle… Il y avait de la terreur dans ses yeux… Parce qu'elle avait compris qu'elle allait mourir. Parce qu'elle avait compris qu'elle ne serait plus là pour nous protéger. Finalement, elle a réussi à articuler le début d'une phrase : “Promets-moi de…” Juste après, sa tête a roulé, c'était fini… Et moi, je saurai jamais quelle promesse je dois tenir. »
Elle n'avait que treize ans.

Merci à NetGalley et aux éditions Julliard pour ce partage.
Une lecture difficile, mais nécessaire sur un sujet qui ne sera jamais trop traité , jamais trop dénoncé.

PS : Mon correcteur comme celui de l'auteur ne connait pas le mot Féminicide.

#Cecinestpasunfaitdivers #NetGalleyFrance
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Malgré le titre, l'histoire que nous conte Philippe Besson est de celles qui occupent les unes de la presse quotidienne. A ceci près que l'angle sous lequel elle est rapportée est original.

On l'apprend dès les premières lignes : lorsque le narrateur répond à l'appel téléphonique de sa jeune soeur âgée de treize ans, le silence qui précède la révélation contient déjà toute l'intensité du drame qui vient de se dérouler. « Papa vient de tuer maman».

Ces quelques mots, cette phrase si simple, si dépouillée est une bombe. Immédiate mais aussi à retardement.

Philippe Besson analyse avec une précision chirurgicale le déroulé des jours, semaines et années qui vont suivre le drame. Sans digressions, sans commentaires moralistes, sans fioritures romanesques, mais avec une sensibilité remarquable. C'est avec de vieux souvenirs familiaux qui resurgissent au fil des pages que l'on comprendra comment on en est arrivé à ce jour fatal.

Le thème est très actuel, et pourtant comme l'auteur le souligne, le traitement de texte qu'il utilise ne connaît pas le mot féminicide (le mien non plus d'ailleurs). le recours inutile, un an avant le crime, à la gendarmerie qui n'a pas évalué la gravité de la situation, la teneur des propos de l'avocat de la défense, tout cela suscite un sentiment d'injustice et donne envie de descendre dans la rue pour rejoindre les militants.

Réapprendre à vivre, c'est le combat perdu d'avance de ceux qui ont vécu le pire.

Merci à Babelio et aux éditions Julliard


204 pages Julliard 5 janvier 2023
Masse critique Babelio

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Pas un mot au bout du fil. Juste un souffle. Une respiration presque suffocante. Comme si sa soeur, Léa, venait de courir. S'il a reconnu son souffle, il ne peut s'empêcher de lui demander si c'est bien elle. Ce à quoi il n'aura pas de réponse. Il lui faudra quelques secondes pour lui murmurer que quelque chose s'était passé. Quelques secondes encore pour dire l'innommable, l'impensable, l'irréparable. « Papa vient de tuer maman. » Peu de mots qui, soudainement, tragiquement, font basculer son existence. Lorsqu'il apprend que sa petite soeur est encore dans la cuisine, avec leur maman, morte, il lui incombe aussitôt de se mettre à l'abri. Lui-même effaré, paniqué, dévasté lorsqu'il apprend que son père l'a fait exprès, il n'ose imaginer dans quel état peut être Léa. Dès lors, il prévient la police et décide de monter à bord du premier train pour Bordeaux...

Une mère morte, un père meurtrier en cavale et deux gamins qui devront faire face à cette horreur, cette calamité, ce drame dont on ne peut mesurer l'ampleur. Léa, à tout juste 13 ans, a été témoin. A vu, bien malgré elle, son père tuer sa mère. Comment surmonter et se remettre de cette tragédie ? Comment mettre des mots sur une chose aussi insensée, aussi inimaginable ? Si le narrateur, alors âgé de 19 ans, n'a pas été témoin de cette scène, il n'en reste pas moins aussi choqué, anéanti. Maintenant que les voilà tous les deux réunis, ils vont tenter de comprendre comment leur père a pu en arriver là. de mettre des mots, en faisant appel à leurs souvenirs, sur ce qui leur a échappé et qui était pourtant là, latent. Dès lors, à chacun d'eux de tenter de se relever, de s'inventer un avenir, chacun à leur manière, tout un chacun avec leur culpabilité, leur colère et leur chagrin. Ce récit, inspiré d'une histoire vraie, Philippe Besson l'habite avec une incroyable justesse, se mettant parfaitement dans la peau du narrateur. Les mots, pesés, mesurés, les émotions palpables, poignantes, tout sonne vrai et juste. Tout en pudeur et retenue, l'auteur donne voix, avec intensité, à ceux qui restent. Une voix tragique et inoubliable.
Remarquable...
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Flash info : « À Blanquefort, hier soir, un homme a tué son épouse de 17 coups de couteau sous les yeux de sa fille à leur domicile ». Info triste et banale, après une mine horrifiée et une pause de quelques secondes, nous reprenons nos activités normales. Un féminicide, comme tant d'autres, comme celui d'avant-hier, comme celui d'hier, comme celui de demain. Une longue litanie, un décompte sans fin.
Des anonymes, des Madame Toutlemonde, notre voisine, notre amie, notre collègue, notre soeur, nous-mêmes, elles sont toutes là, parmi nous, indétectables, invisibles car elles ne disent rien ou parce que nous ne voulons pas les voir ? La femme propriété de l'homme, chosifiée, que l'homme tue lorsqu'elle annonce vouloir le quitter. Comment pourrait-il accepter qu'elle échappe à son contrôle, qu'elle ait une vie sans lui, une indépendance, un quelconque libre-arbitre ?
Le père a tué la mère dans un accès de rage et de fureur, mais bon qu'y pouvait-il, le père, une fois de plus, elle n'avait pas eu les bons gestes, pas donné les bonnes réponses… Alors les coups sont tombés, un peu plus fort que d'habitude peut être.
Cessons avec ce mythe absurde du crime passionnel, si on aime encore un tant soit peu, on laisse partir, on pardonne, jamais on ne tue.
Philippe Besson rencontre un jeune homme dans une librairie lors d'une présentation d'un de ses livres. Ils vont nouer une amitié, il faudra plusieurs rendez-vous avant que le jeune homme n'ose lui avouer le drame de sa vie : son père a tué sa mère. Cette histoire bouleverse Philippe Besson, qui va prendre le sujet à bras le corps et va s'intéresser, non à la victime elle-même, mais aux invisibles, aux victimes collatérales : les enfants … Que se passe-t-il quand Papa a tué Maman ? Quel abime, quel gouffre sous leurs pieds ? Qui pour les secourir, les aider ? Peut-on se relever, se reconstruire après une telle épreuve ?
Pour une Charlize Theron qui a assisté à quinze ans au meurtre de son père par sa mère en état de légitime défense, et semble (je dis bien semble) avoir surmonté l'épreuve, combien seront brisés à vie (surtout que la plupart du temps c'est le meurtrier qui reste en vie et non la victime des violences conjugales).
Avec délicatesse, Philippe Besson nous partage les confidences du narrateur, le fils aîné qui n'était pas sur les lieux lorsque le drame s'est déroulé et découvre petit à petit comme un membre extérieur à la cellule familiale ce qu'à vécu sa petite soeur Léa, dans la maison, qui, de cocon protecteur s'est muée peu en peu en maison de la terreur et de l'horreur.
Le fils homosexuel, danseur à l'Opéra, qui se rêvait en Billy Elliott, quitte ce père méprisant dès qu'il le peut à l'adolescence. Ce père ravi de se débarrasser de ce fils pas comme les autres, qui n'a pas su endosser le costume attendu de virilité.
Dans cette histoire, l'homme qui va répondre présent avec douceur, du mieux qu'il peut, qui est là, c'est un homme d'une autre génération, le grand-père maternel, confronté au meurtre de sa fille. Comme son petit-fils, lui non plus n'a rien vu, n'a pas réussi à la sauver, alors qu'il travaillait à ses côtés dans le bureau de tabac. À eux deux, cet homme âgé et son petit-fils, vont montrer une autre virilité, protectrice et enveloppante, un rai de lumière dans cette noirceur. le grand-père a profondément aimé son épouse, sa fille, sa petite fille, son petit-fils tel qu'il est. le frère va se dévouer pour sa soeur et sacrifier une partie de son avenir pour elle.
Je ne dérogerais pas à la règle, la règle du coup de coeur. Mais ce coup de coeur là fait mal, il résonne dans la tête comme une gifle. Gifle de violence et de haine qui nous scinde en deux d'impuissance et de révolte. On se retrouve révulsé devant le droit français qui conserve au père meurtrier son autorité parentale sur ses enfants et peut continuer à gérer leur vie de sa cellule. Ces enfants laissés à eux-mêmes, sans structure prévue pour les accueillir. Que se passe-t-il quand il n'y a pas un membre de la famille pour les accueillir ?
L'impensable des scellés apposés sur la maison familiale pendant tout le temps de la procédure judiciaire, un an voir plus. A la douleur de la perte de la mère, vient s'ajouter la perte de toutes ses affaires, vêtements, jeux, jouets, repères. La rupture avec l'enfance est brutale, totale, d'une violence inimaginable.
Pour couronner le tout, on découvre complètement effaré que personne une fois les scellés levés ne prend pas la peine de nettoyer la scène de crime, ce qui incombe alors aux proches voire aux enfants eux-mêmes lorsqu'enfin la maison leur est rendue …
Philippe Besson a l'espoir que dénoncer ces aberrations permettra d'y remédier, et on ne peut qu'y souscrire.
Un livre difficile à refermer, j'ai été aimantée par l'histoire de ce jeune homme jamais nommé. Jamais nommé pour qu'il soit plus proche de nous, qu'il nous soit encore plus difficile de le mettre à distance, et c'est finalement avec une part de nous-même que nous avons rendez-vous quand nous ouvrons le livre.
Superbe couverture ornée de quatre coquelicots, une fleur apaisante liée au souvenir et symbole de consolation. Quatre fleurs de tailles différentes, chacune symbolisant un membre de la famille avec trois d'entre elles étroitement enlacées…
M. Besson vous avez dit écrire car l'écriture vous permet de vivre d'autres vies. Pari réussi, pour vous comme pour moi …
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