Tout est dans le titre : un féminicide ne doit , ne sera jamais un fait divers. Pourtant mon correcteur d'orthographe souligne ce mot de petits pointillés rouges , il ne le reconnait pas, ne propose rien à la place. Féminicide.
Philippe Besson écrit ici un livre important que je referme avec un cocktail de sentiments étranges et contradictoires.
Je me dis d'abord que c'est un très beau livre, qu'il me concerne éminemment , écrit par un homme pour l'homme que je suis , que cette résonance trouve sa source dans une éducation patriarcale et que j'aurai peut-être pu être ce père , ce père qui va tuer sa femme sous les yeux de sa fille. Dans ce "peut-être" se lovent colère , culpabilité, stupeur et incompréhension.
Le féminicide est un abominable fait de société et
Philippe Besson nous propose de s'emparer de son texte pour l'examiner soigneusement malgré l'horreur et , il faut bien le dire, la banalité du mal, la banalité du maux.
L'histoire nous est racontée du point de vue du fils ainé, à la première personne du singulier, quelques années après le drame.
Ce dispositif est saisissant car le jeune adulte parle d'abord du drame , tente de renouer avec ses émotions avec finesse et précision ( et là, la plume de Besson excelle), puis nous embarque avec lui dans l'avant-drame.
Et puis ce travail de décorticage émotionnel et de remémoration pose La question, Les questions:
Est-ce que j'aurai pu éviter cela ?
Est-ce que nous aurions pu éviter cela ?
Les pages 130 ( le rôle de la police) et 176 ( le rôle sociétal) sont, de ce point de vue édifiantes.
Comme le dit si justement Sandrine @HundredDreams dans sa belle critique, il s'agit de la chronique d'une mort annoncée.
Ah oui le narrateur , c'est loin d'être anecdotique , a été marqué dans son parcours de vie par Billy Elliot. Là je n'en dis pas plus.....car il danse et il faut danser avec lui.
J'ai trouvé ce livre d'utilité publique. Sans pathos ni voyeurisme, il nous rappelle que quelque soit le milieu social, la configuration familiale, les données psycho-généalogistes ( qui peut dire qu'un de ses ancêtres n'a pas tuer sa compagne ?)etc... le féminicide rôde.
Et il n'est pas encore nommé ...
Merci à Babelio et aux éditions Julliard pour, sur ce coup là, avoir été privilégié.