Son téléphone sonne, il répond à la dernière seconde, un peu stressé. Pourtant, c'est sa petite soeur qui l'appelle mais elle le fait rarement car ils se parlent surtout quand il revient à la maison parfois le week-end. Alors il décroche. Pas de son. Il dit son prénom, Léa, puis un souffle. Un murmure qui dit qu'il vient de se passer quelque chose. Quoi ? « Papa vient de tuer maman . »
C'est ainsi que commence le roman, que les larmes montent et que je comprends que cette lecture ne va pas me laisser indemne. Un féminicide n'est en effet pas un fait divers ni un crime passionnel comme on a pu le dire pendant des années mais un crime, tout court. Froid, violent, irréversible. Un crime de possession, comme je l'ai lu il y a peu. Si tu n'es pas avec moi, tu ne seras plus.
Là où
Philippe Besson diffère de ce que j'ai pu lire auparavant c'est qu'il se concentre sur l'après et surtout sur les victimes collatérales de ce drame, les enfants. Évidemment que nous sommes choqués quand de tels crimes sont perpétrés, évidemment que l'on pense à la famille, aux souffrances subies pendant des années auparavant mais après ? Est-ce que l'on pense à l'après ? Est-ce que l'on imagine ce que c'est quand on a treize et dix-neuf ans et que notre père vient de tuer notre mère ? Comment vit-on avec cette souffrance, ce vide et comment se reconstruit-on ? D'ailleurs, est-il possible de se reconstruire ? Tellement de questions qui n'ont pas réellement de réponses car même si les histoires se ressemblent, elles sont vécues par des êtres humains, tous différents à leur manière.
« Ceci n'est pas un faits divers » est un livre bouleversant car il est impossible de rester de marbre devant une telle histoire, surtout quand on la sait inspirée de faits réels. Et on s'attache à cette soeur et ce grand frère, tellement. J'aurais aimé pouvoir remplir le vide dans leur coeur, j'aurais voulu les faire sourire, juste une fois. Mais je n'oserais pas leur dire qu'un jour, ça ira mieux. Même quand j'aurais envie d'y croire très fort. Car comment je peux savoir comment on vit après une horreur pareille ?
Même si le thème est tragique, l'auteur ne tombe pas dans le pathos ni l'espoir à outrance. Il dépeint les choses avec une justesse et une sincérité touchantes et nous montre la vie avec toutes ces nuances. Ni noir ni blanc, plutôt un immense camaïeu de gris. C'est un roman qui est nécessaire car même si le sujet est connu de tous, il n'est pas encore assez reconnu, traité, soutenu. Beaucoup ferment encore les yeux ou se bouchent les oreilles pour ne pas entendre les cris, prétextent un contretemps pour ne pas prendre les plaintes, disent que ça va être la grande cause du gouvernement et finalement, elles continuent à mourir sous les coups d'un conjoint, d'un mari ou d'un ex qui ne supporte juste pas un « non ». C'est inadmissible. C'est pourquoi il faut écrire, lire, partager des histoires comme celles-ci, peut-être pour réveiller certaines consciences et mettre fin un jour à ces crimes.