L’enfance n’est qu’un souvenir brûlant.
C'est curieux d'ailleurs : il y a des lieux, comme ça, auxquels on n'a jamais prêté une attention particulière, dont on n'a pas imaginé une seconde qu'ils auraient la moindre importance dans nos existences et qui, par le hasard des circonstances, sont voués à occuper une place à part.
Elle aurait aimé pouvoir dire à Arthur [son fils] combien elle l'aime, combien il lui maque, combien elle est fière de lui. Elle dit : "Bon, je vais te laisser. J'ai du rangement à faire".
Au fond, elles sont comme des soeurs, ces deux-là, des soeurs cabossées se réconfortant dans les moments difficiles, sans pourtant jamais évoquer leurs difficultés.
L’océan, c’est autre chose. C’est la turbulence, c’est aussi l’interminable, l’inintelligible, l’inattaquable. Une pureté qui gronde. Une immensité qui gouverne. Un horizon qui se déchaîne. (p. 26)
Il faut bien un début. Quelque chose qui ouvre l'histoire, quelque chose comme la première image d'un film. Sur cette image, on voit une femme endormie , dans une chambre où le matin arrive.......
Samuel Jones n'est peut-être qu'un pauvre type, qui a cherché à se fabriquer un destin et n'y est pas arrivé. Un pauvre type qui a espéré des firmaments, des clartés et se retrouve au milieu de gravats, dans une sorte de grisaille que seuls le rugissement de l'océan et l'éclat du soleil parviennent encore à lui dissimuler.
On ne décide pas de se tuer, comme ça. Ou bien, si on le décide sur un coup de tête, on le fait aussitôt, on se précipite dans la rue et on se jette sous la première voiture, ou on allume le gaz et on respire à pleins poumons, à pleins poumons, ou bien on s'ouvre les veines dans un bain bien chaud et on attend que la mort survienne, ou encore on avale un tube de médicaments, plusieurs tubes, n'importe lesquels, ceux stockés dans l'armoire de toilette, on avale les comprimés à pleine bouche et on s'endort lourdement, on plonge dans un coma dont on ne revient pas. Là, rien de tout ça. Elle s'est dit : je vais mourir. Et elle a ajouté, en secret : je ferai ça demain. Comme s'il n'y avait pas une urgence absolue, comme si elle pouvait laisser passer vingt-quatre heures.
Samuel contemple devant lui les rouleaux du Pacifique.
Il ne se lasse pas de ça, le fracas de l'océan, les lames de fond, les vagues toujours recommencées, l'écume comme une éruption volcanique où l'eau aurait remplacé la lave. Il n'y a pas de spectacle plus prévisible pourtant, pas de mouvement plus répétitif, mais c'est un éblouissement permanent, une joie qui ne faiblit pas. Avec le temps, c'est devenu une accoutumance et cette accoutumance lui procure une forme d'apaisement.
Et puis, elle file. Elle s'en va dans l'automne pacifique, happée par le bitume. Elle devient une silhouette, comme dans ces photos saturées par le soleil.