Citations sur Une bonne raison de se tuer (101)
L'attendrissement, est le meilleur ennemi du courage.
Le tenant entre ses mains, et le soupesant, elle songe que les armes sont la maladie de l'Amérique : elles font des victimes innocentes beaucoup plus qu'elles n'administrent une bone justice, tirent le plus souvent au hasard et ne règlent en rien le problème de la criminalité, aggravent même une situation déjà dramatique, mais peu importe, nul ne peut s'en passer, chacun exige de pouvoir en posséder une. Elles sont devenues le symbole absurde de la liberté individuelle. Aujourd'hui, Laura oublie ses préventions. Pour elle, le pistolet n'est que le moyen d'accomplir sa volonté.
c'était dans le regard, certains matins, quelque chose d'approximatif, une légère vitrification, une sorte de flou, une absence aux autres, une manière de ne pas être là, de s'évader. Samuel voulait y voir la propension de son fils à la rêverie quand il s'agissait, vraisemblablement d'un sombre désir de fuite.
Elle se fourvoyait. C’est une violence de s’arracher au monde, même si le monde est hostile. Une violence de se détacher des proches, même s’ils sont indifférents. Une sauvagerie.
Elle se dit que cela ne fait pas d'elle une bonne candidate au suicide. Elle s'imagine que les gens qui se tuent le font parce qu'ils sont plongés dans de profondes dépressions et cherchent à y échapper, ou qu'ils affrontent des épreuves insurmontables, des coups du sort tellement atroces qu'ils ne peuvent y survivre. Elle suppose qu'ils ont voisiné trop longtemps avec l'obscurité, ou la violence, ou la désolation. Elle ne peut pas prétendre s'être approchée de leurs abîmes. Et cependant, elle a choisi de mettre fin à ses jours. Elle en conclut qu'on peut vouloir cesser de vivre simplement parce que la vie est fade.
Je n'ai pas eu le choix, pardon.
Le café est un théâtre, pense-t-elle tout à coup, frappée par l'évidence. Avec son décor et ses comédiens. Et même si les comédiens changent et que les textes ne sont jamais identiques, c'est bel et bien toujours la même pièce qu'on joue. Sans parvenir à le formuler, elle songe que cet éternel recommencement réunit l'éphémère et l'immuable.
Samuel Jones n'est peut-être qu'un pauvre type, qui a cherché à se fabriquer un destin et n'y est pas arrivé. Un pauvre type qui a espéré des firmaments, des clartés et se retrouve au milieu de gravats, dans une sorte de grisaille que seuls le rugissement de l'océan et l'éclat du soleil parviennent encore à lui dissimuler.
L'océan c'est la turbulence, c'est aussi l'interminable, l'inintelligible, l'inattaquable. Une pureté qui gronde. Une immensité qui gouverne. Un horizon qui se déchaîne.
Un jour, il lui a dit qu'il pourrait écrire son histoire à elle, "l'histoire de Laura Parker", ce sont les mots qu'il a employés et elle a haussé les épaules, répliqué qu'elle n'avait pas d'histoire et il lui a dit qu'elle se trompait, que tout le monde avait une histoire, et que ceux dont l'histoire était la plus intéressante étaient ceux à propos de qui on ne détectait rien à l'oeil nu. Il a dit qu'il ne peignait pas les choses, mais au-delà des choses, que pour lui un nageur était déjà un noyé. Il a précisé que la phrase n'était pas de lui, mais qu'il la reprenait à son compte. Depuis, Laura se demande si l'écrivain français a compris qu'elle est en train de se noyer.