En dix pages, une exceptionnelle théorie poétique du gamer rimbaldien.
Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/11/15/note-de-lecture-
avec-des-lucioles-on-peut-faire-des-couilles-francois-betremieux/
Avec des lucioles on peut faire des couilles », surgi en janvier 2021 en plein bouleversement lié à la pandémie de Covid, est la deuxième publication de l'incubateur de création poétique 10 pages au carré. Si l'on connaissait surtout jusqu'ici
François Bétremieux pour son infatigable travail de passeur de textes auprès des libraires (tant de beautés découvertes grâce à lui, alors même que sa propre écriture, celle de « Mais qu'est-ce qu'ils ont branlé avec les nuages ? » en 2014, par exemple, m'avait échappé jusqu'ici !), on sera ici saisi par sa façon ô combien incisive d'établir, en 10 pages qui constituent la marque de fabrique de la collection, une véritable mise en résonance poétique de la «
Théorie du gamer » de
McKenzie Wark, et d'en exposer d'un seul souffle toute la puissance intime et politique, retravaillée dans une visée ad hoc et, pour le coup, machiavélique.
Gestion de l'effectif et du style de jeu de l'équipe de football de Manchester United (
David Peace n'étant pas si loin), survie et progression dans l'Amérique malsaine de la guerre d'Indépendance (les
Wu Ming de «
Manituana » peuvent rôder), développement à tout prix de sa propre civilisation ou de son propre empire, évitement d'un devenir-zombie putatif en singeant de son mieux une brute proto-fasciste, retentissement de l'appel du devoir, assomption de ce qu'il peut y avoir d'éventuellement grand dans le vol de voiture (comme nous l'aurait suggéré
Samuel Archibald),… : un jour, le jeu vidéo est réputé devoir s'arrêter, car « On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans », et alors, psychofaçonné – en ne le sachant pas toujours – par les centaines d'heures de gameplay pas tous si innocents, vient le temps de l'éternelle mélancolie adulte et salariée – à moins que, avec
François Bétremieux, une apothéose rimbaldienne ne s'invite presque logiquement, avec ses « pétales rouges au côté droit ».
10 pages au carré est une maison associative créée en 2020 par
Ariane Lefauconnier et Flora Monnin pour encourager et imaginer de nouveaux modes de diffusion de la jeune poésie contemporaine. Avec déjà dix titres à leur catalogue (je vous ai déjà parlé ici d'une autre de leurs créations, le «
Je crois que je viens de mourir » d'
Arthur Scanu), tous à 5 euros, on ne peut que leur souhaiter longue vie et vous inciter toutes et tous à vous procurer sans tarder de tels coins si joliment, magiquement enfoncés dans le risque de la grisaille trop résignée.
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