[ Extraits du journal de la princesse Ankh ]
29 juin 1371 ( avant Christ )
J'ai 8 ans. Mon trésor ! que j'avais presque oublié, tellement il y a de choses à faire et à découvrir, ici à Akhet-Aton ! Mais je me rappelle que j'ai commencé à écrire mes secrets le jour de mes 7 ans. Ce soir, je recommence. j'ai reçu :
du pharaon [ Akhénaton ] : une lampe ornée de l'ankh, qu'on lit " encens ",
de la reine [ Néfertiti ] : une épingle à cheveux en or et lapis-lazuli,
du roi Aménophis : un bol de fruits confits au miel ( j'en raffole ! ),
de la reine Tiyi : une poupée peinte, avec des bras et des jambes articulées ( elle est magnifique : je l'ai appelée Toût, comme le bébé de bonne-maman Tiyi,et elle m'a embrassée, très contente. Ils ne viennent pas assez souvent à Akhet, je lui ai dit. ),
de bon-papa Ay : un scarabée d'argent.
de bonne-maman Tey : un bracelet d'argent.
Bon-papa Aménophis et bonne-maman Tey ne sont pas venus. Il ne viennent jamais. Ils aiment mieux rester chez eux, à Thèbes ou à Khentmin. C'est dommage.
Je vais aussi écrire nos surnoms, ce sera très amusant, plus tard, si on les a oubliés :
Méryt ( 10 ans ) : " La Cheftaine ". Papa l'appelle aussi " Petite Reine ". Elle dit qu'elle veut se marier avec Smenkha-Ré ( qui a déjà 12 ans, lui ). Qualités : maligne, travaille vite et aime diriger. Défaut : prétentieuse.
Méket ( 9 ans ) : " Nuage ", " Rêveuse " ou " Douce-douce ". Elle est souvent dans la lune, maman l'appelle alors " Miel de lune " ou " Lune de miel ". Cela lui va tout à fait bien. Qualité : gentille, douce. Défauts : endormie ( et distraite, alors " ).
Moi ( 8 ans aujourd'hui ) : " Chatte-fouine " ou " Petit Coq " quand j'énerve maman ( ou les autres ). Qualité : curieuse ( papa est enchanté que je lui pose toujours des tas de questions ; maman, parfois ça l'agace ). Défauts ( ? ) : bavarde ; Méryt me traite souvent d' " Arrogante " ; Méket parfois de " Casse-pieds " et d' " Embêtante " si je l'asticote pour qu'elle joue avec moi et que ça ne l'intéresse pas.
Néférouaton ( 4 ans ) : " Soleil-soleil ", parce qu'elle est toujours de bonne humeur, elle rit tout le temps. ( Mais quand elle pleure, elle hurle ! - quel vacarme ! ),
Néférouré ( 3 ans ) : " Coquine ", " Friponne ", " Petit singe ", " Loustique " ; elle a une frimousse qui fait qu'on rit dès qu'on la voit, et elle court partout, grimpe sur les lits, les chaises, les petites tables et tous les tabourets, toujours en mouvement. Je crois que j'étais un peu comme ça quand j'étais petite.
Sotpé ( 2 ans bientôt ) : " Poupon " - elle est trop petite, je n'écris rien, elle ne parle pas et on ne sait pas ce qu'elle pense.
Toutes les six, on a la tête en forme d'œuf ( gros bout derrière, menton en pointe ), comme papa ; mais pas du tout autant qu'on nous représente en peinture ou en sculpture - c'est papa qui a demandé à Bek de nous faire comme ça ( voilà une des choses que je lui ai demandées, et il me l'a dite, bravo moi ! ) pour qu'on nous reconnaisse tout de suite. Est-ce que c'est beau ? Moi je m'aime bien, mais je suis habituée. Semkha-Ré nous appelle " les têtes d'œufs "- l'idiot, il ne s'est jamais regardé ?! Il est juste pareil ( à peine un peu moins peut-être, et encore, c'est parce qu'il se met des perruques nubiennes . . . ).
( . . . )
[ 18 ans plus tard ]
11 mars 1353
Chère Néférouré, petite sœur délicieuse que j'ai tant négligée !
Les funérailles du roi ont été une épreuve épouvantable, bien pire que tout ce que je pensais pouvoir souffrir dans mon cœur.
Mais ma petite sœur - avais-je vu qu'elle avait 20 ans et qu'elle t'aimait aussi tellement, ô mon Aimé mort par ma faute ? - m'a soutenue. Elle m'a dit des choses douces et belles. Elle a laissé dans la tombe, parmi les dix mille trésors que nous entassions pour toi en pleurant, la petite boîte que tu lui avais fait faire et donner quand nous nous sommes mariés - pauvres enfants, pauvres enfants ! Tu avais huit ans, et elle dix . . . et du haut de mes quinze ans, je n'avais pas vu votre amitié . . . ( ou si mal ).
Merveilleuse Néférouré qui ne me hais pas ! Sais-tu comme j'ai été émue et broyée par tes larmes si pures ?
Merci, merci, ma sœur mon amie !
. . .
Sans toi je serais seule sous le Disque implacable et noir.