C'était le bon vieux temps… le temps où il n'y avait encore qu'une télévision par foyer. Combien de batailles, combien de conflits à l'arme blanche se sont déroulés autour de ce monument à la gloire du divertissement ? La télévision concentrait encore tous les fantasmes d'une génération soucieuse de connaître la promotion audiovisuelle, ainsi Père Bidochon atteignant le septième ciel à cette idée :
« Moi, simple Robert Bidochon, passer dans l'émission de Patrick Saladier… Que de chemin parcouru !! »
A croire que cela ne lui suffit pas de passer dans les planches dessinées de Binet…
Raymonde, devant ce déferlement de soumission télévisuelle, représente plutôt la droiture –vertu par manque de vice plutôt que vertu lucide ; désintérêt pour le monde projeté à travers l'écran de la télévision plutôt que rejet conscient de la tyrannie audiovisuelle. En parlant de tyrannie, d'ailleurs, Binet fait fort et pousse à outrance l'insanité des programmes télévisés. Bulletins d'informations sadiques qui se concentrent sur la rediffusion des accidents les plus glauques (« C'est pour te dire où est en train de rouler la tête du pilote ! Sinon, on n'y voit rien dans toute cette fraction de seconde !! »), émissions de divertissements qui ne mentent pas sur leur considération du spectateur (« J'espère que vous êtes un sacré paquet de cons à nous regarder et que vous serez encore plus de cons la prochaine fois… ») ou happenings furieux improvisés chez de pauvres citadins insouciants (en particulier nos Bidochon), la télévision semble avoir déraillé mais à bien y réfléchir, elle n'est pas si surréaliste que ça. Binet s'inspire de nos programmes télévisés les plus connus (et les plus crétins) pour imaginer quelle serait leur évolution possible dans la voie d'un décervelage accru.
Tyrannie du zapping oblige, on passe d'une histoire à une autre comme d'un match de foot à un film à l'eau de rose. Toutefois, Binet triomphe là où la télévision réussit rarement : dans la cohérence. Après avoir tenté d'atteindre le bonheur télévisuel en tant que simples spectateurs, Raymonde et Robert vont se rapprocher du climax audiovisuel en se glissant parmi le public d'un plateau, en participant à un débat télévisé, en jouant à un quizz sponsorisé –ceci jusqu'à ce qu'ils finissent par devenir eux-mêmes victimes de cette télévision qui ronge l'intimité de leur couple.
« Comme la vie serait plus belle si les télés nous rendaient l'amour qu'on leur porte !! »
Heureusement, ce n'est pas encore le cas (peut-être demain, qui sait ?) et en attendant, Binet et le lecteur peuvent se foutre de la tronche des Bidochon comme
Michel Drucker et ses invités se foutent de la nôtre (ceci n'étant, bien sûr, qu'un exemple gratuit pris parmi tant d'autres).
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