L'auteur, le livre (131 pages, 2013, 2010 en VO) :
Mais oui, après les polars d'
Indriðason, il y a bien une autre littérature en Islande : voici
Bergsveinn Birgisson avec
La lettre à Helga, une lettre d'amour, un monologue, que l'éditeur présente assez justement comme l'étrange confession amoureuse d'un éleveur de brebis islandais.
Birgisson est spécialiste en littérature médiévale scandinave (mais n'est-ce pas le propre de tous les islandais ?!), et il est le dépositaire des histoires transmises par son grand-père qui fut, comme le héros du livre, éleveur et pêcheur dans le nord-ouest de l'île.
On aime beaucoup :
On aime la belle langue (et sans doute la belle traduction) qui donne à ce monologue toute sa musicalité qui réussit à transformer cette lettre d'amour en une véritable saga nordique.
On aime les anecdotes savoureuses qui fleurissent tout au long de ce récit truculent et qui lui donnent une saveur toute particulière (celle de l'urine fermentée peut-être ?!!!).
On aime l'immersion dans un siècle d'histoire sociale de l'Islande et on se passionne pour cette découverte de la vie authentique des éleveurs islandais qui alimentaient la Norvège en gigots d'agneau. C'est un peu comme une invitation à visiter les coulisses des polars d'
Indriðason et consorts.
L'intrigue :
Le vieux Bjarni Gíslason de Kolkustadir, sentant venir sa mort prochaine, entreprend de vider enfin son coeur et de rédiger une longue missive à celle qui fut la belle Helga, celle qui fut l'amour de sa vie, mais un amour qui n'aura pas eu lieu puisque tous deux étaient déjà mariés autrement.
C'est donc déjà une très belle histoire d'amour, même s'il s'agit d'un amour malheureux, avec des descriptions souvent assez crues !
Mais si Bjarni n'a finalement pas réussi à rendre ses femmes heureuses, il était aussi [contrôleur cantonal des réserves de fourrage] : le lecteur se retrouve donc embarqué dans la traversée romanesque de près d'un siècle d'histoire islandaise, un siècle d'agriculture dans un pays rude aux hommes et aux bêtes qui y sont nés.
Un lecteur comme invité à visiter l'arrière-pays des polars d'
Indriðason et consorts dont on se régale depuis quelques années.
Un siècle d'une histoire faite de bouleversements dont l'incontournable épisode islandais des [soldats d'occupation américains] sic.
Le lecteur pourra ainsi assister aux [seules prémices visibles du socialisme] à l'islandaise.
Et puis ce passé, sans doute un peu idéalisé par notre jeune auteur, est propice à toutes sortes d'anecdotes savoureuses et truculentes, des histoires de ce temps jadis où [quand les femmes se shampouinaient à la pisse, leur chevelure longue et épaisse resplendissait].
Et puis encore cette constante autour des histoires, des récits, des livres, de la poésie et des sagas nordiques qui fait de l'Islande une nation d'écrivains et de lecteurs où (pour citer un proverbe local) [la moitié de la population lit ce que l'autre moitié s'efforce d'écrire].
Sans doute, quelques esprits chagrins trouveront à redire aux scènes de sexe un peu crues, aux odeurs de pisse un peu entêtantes, ou même à l'idéalisation d'un passé simple où tout était mieux qu'au présent.
Pour celles et ceux qui aiment les brebis et le tabac à priser.