Rentrée littéraire 2013 des éditions Zulma .
Laure Leroy, directrice générale des éditions Zulma vous présente sa rentrée littéraire avec les romans de Daniel Morvan, "Lucia Antonia, funambule", et de Bergsveinn Birgisson, "La lettre à Helga", à paraître le 22 août. Rentrée littéraire 2013. http://www.mollat.com/livres/birgisson-bergsveinn-lettre-helga-9782843046469.html http://www.mollat.com/livres/daniel-morvan-lucia-antonia-funambule-9782843046476.html Notes de Musique : "The Gasoline Brothers - Hungover Boxing Day" by coverclub.nl (http://coverclub.nl)
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Ce que je veux dire, c'est que pendant qu'on regarde les nuages, il ne se passe rien d'autre, et c'est peut-être bête à dire, mais ça me plaît de plus en plus de regarder les nuages. C'est alors comme si quelque chose d'une autre nature se produisait. On échoue à terre comme un bout de bois et on respire plus légèrement dans un autre temps. L'esprit devient prodigieux et rien ne nous vient à l'idée. On n'a peut-être pas besoin de voir défiler mille ans de splendeurs comme dans les livres ou les films, mais seulement une seconde d'une autre sorte de temps, comme ça. L'espace de quelques instants, ça vous est complètement égal que votre vie soit un échec total. Quand vous regardez les nuages.
Il n'y a sûrement que moi par ici qui sache où se trouvent les Mamelons d'Helga et, à ma mort, j'emporterai ce lieu-dit dans la tombe. Ces éminences, sur le versant sud de la hutte de Göngukleif, sont comme le moulage terrestre de tes seins, en plus grand bien sûr, mais leur forme - cette pente douce en dessus et le renflement abrupt en dessous - a dû être modelée sur ta gorge par les mains mêmes du Créateur. Combien de fois ne me suis-je couché là, sur les Mamelons d'Helga, dans la brise solaire de sud-ouest, la tête entre tes seins, avec l'impression d'être au creux de tes bras.
Il me semble parfois que mon esprit a, comme l'oiseau, essayé de prendre son envol pour échapper au quotidien laborieux de la vie terrestre et que j'ai, tout comme lui, tenté de planer dans le ciel des poètes à la faveur de mes écrits indigents. Si les dieux me l'accordent, c'est justement comme ça que je m'envolerai vers toi finalement, sur les ailes de la poésie.
L'homme peut faire de grands rêves sur un petit oreiller.
Quelle est la différence entre un objet fabriqué maison et un autre qui sort de l'usine ? Le premier a une âme et l'autre non. Car celui qui fait quelque chose de ses mains laisse dans son ouvrage une partie de lui-même.
Je contemple la toile d'araignée dans le coin de la fenêtre où un rayon de soleil miroite sur le dos vert d'une mouche. Mais je ne la vois pas, je ne vois rien du tout. Sauf tes hanches blanches et brûlantes, la faim de tes veines et tes seins braqués sur moi depuis les rondins des murs de la grange. Je te vois devant moi et partout, avec "la force de connaissance" comme on désigne l'instinct des ovins dans les vieux fascicules d'élevage.
[...] et je compris que le mal, dans cette vie, ce n'étaient pas les échardes acérées qui vous piquent et vous blessent, mais le doux appel de l' amour auquel on a fait la sourde oreille [...].
Mon issue de secours à moi, c'est la vieille porte de la bergerie de feu mon père, celle que le soleil traverse par les fentes, en longs et fins rayons par les planches disjointes. Si la vie est quelque part, ce doit être dans les fentes. Et ma porte à moi est désormais tellement faussée, branlante et déglinguée qu'elle ne sépare plus vraiment l'intérieur de l'extérieur. Devrais-je mettre au crédit du charpentier ce travail bâclé ? Car toutes ces lézardes, ces interstices, laissent passer le soleil et la vie.
Je me souviens avoir dit que les sociétés humaines étaient comme des pommes. Plus elles sont grosses, moins elles ont de goût.
(P74)
Tous les hommes font des fautes. Sinon ils ne seraient pas des hommes.