AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,26

sur 71 notes
5
3 avis
4
6 avis
3
4 avis
2
3 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 2 étoiles  
Après s'être consacré à Suzanne Grandais, artiste du muet morte dans un accident de la route, et à l'Inconnue de la Seine, dont le visage a hanté les artistes depuis le début du XXe siècle, Didier Blonde consacre ce nouveau livre à Leïlah Mahi après avoir découvert sa plaque au crématorium du Père Lachaise. Celle-ci est ornée d'une photographie, chose rare à l'époque, et ne porte qu'une date, celle du décès.

L'auteur s'attache sur 128 pages à décrire sa fascination pour ce portrait. Qui est cette femme ? Quand et où est-elle née ? Qu'a-t-elle fait de sa vie ? Comment est-elle morte ? Il se lance dans une longue enquête, se renseigne auprès du cimetière, des archives, cherche sur le Net, auprès des connaisseurs et à la Bibliothèque nationale… Il faut démêler le vrai du faux, quitte à renoncer à des légendes bien séduisantes… Leïlah Mahi serait née à Beyrouth à la fin du XIXe siècle et si le portrait photographique semblait évoquer une actrice aussi fatale que mystérieuse, elle se révèle être un écrivain dont les deux romans sont aujourd'hui introuvables. En lisant cet ouvrage, j'ai ressenti pour elle et ses mystères la même fascination un peu coupable que Didier Blonde, et le même questionnement associé : pourquoi se battre ainsi pour des morts dont plus personne ne se soucie ? Qu'est-ce que le destin fauché d'un artiste d'autrefois peut nous apporter aujourd'hui ? Pourquoi chercher, si longtemps après, des réponses ? La réflexion amorcée par l'écrivain sur le temps qui passe et, avec lui, l'effacement progressif des histoires et des identités est intéressante. Mais ne se fait-elle pas au détriment du personnage dont pourtant le livre porte le nom et le visage ?

Était-il possible de faire autrement ? Pas sûr… L'auteur nous parle assez rapidement des deux romans de Leïlah Mahi, En marge du bonheur et La Prêtresse sans dieu, sans vraiment développer leur contenu. En réalité, j'ai trouvé qu'il n'en exploitait pas le potentiel jusqu'au bout, d'autant plus qu'il semble reléguer assez vite les deux textes au rang de littérature médiocre. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à tiquer : j'ai rencontré ce jugement de valeur à de très nombreuses reprises lors de mon parcours de recherche. Il est déjà difficile de juger un livre contemporain : il suffit de voir les avis très divergents que l'on peut rencontrer sur la blogosphère au sujet de tel ou tel titre de la rentrée littéraire, les consensus sont rares. Pour un texte historique, la difficulté me semble accrue. Vous pourriez m'objecter qu'au contraire, l'histoire a fait le tri pour nous, ou que des spécialistes ont travaillé sur ledit texte pour en faire ressortir les aspects les plus remarquables… mais l'histoire littéraire ne fait pas tout. Elle a ses vainqueurs et ses perdants. Elle est, comme toute histoire, une construction, conditionnée par des représentations propres et au service de valeurs spécifiques. Par exemple, Molière ou Racine étaient étudiés en classe au XIXe siècle mais ce n'étaient pas du tout les mêmes pièces qu'aujourd'hui qui étaient valorisées : à critères différents, Panthéon modifié. Pourquoi avoir écarté si vite la destinée d'écrivain de notre personnage ? N'était-ce pas assez porteur pour la rêverie ? A lire Didier Blonde, on a l'impression qu'il aurait préféré découvrir une actrice, un mannequin, quelque chose de plus sulfureux, plus en accord avec la photographie qui nous est restée. Alors oui… Sans doute la qualité littéraire des oeuvres de Leïlah Mahi n'est-elle pas vraiment le sujet de ce livre. Didier Blonde a sûrement préféré évacuer la question pour mieux traiter de sa fascination personnelle pour cette femme. Mais la démarche ne m'a pas semblé aussi féconde qu'elle aurait pu l'être, et j'ai craint, à ce moment de la lecture, de voir Leïlah Mahi cantonnée, enfermée dans sa petite photographie sur plaque, comme si c'était tout ce qu'il restait d'elle.

Et puis c'est vrai qu'à y bien penser, on peut difficilement faire ouvrage plus personnel. Je ne sais si c'est un roman, si le narrateur est un double ou un calque de l'auteur, mais les effets de réel sont omniprésents, et le sous-titre, Enquête, nous invite à penser que la reconstitution est vraie. Cela mène hélas à beaucoup de mise en scène de soi, que j'ai parfois trouvé assez inutiles voire complaisantes. La question du deuil n'est pas mal traitée, mais j'ai trouvé que le texte restait en surface, comme s'il ne parvenait pas à choisir entre la rêverie personnelle ou l'enquête sur un personnage inaccessible.
Lien : https://gnossiennes.wordpres..
Commenter  J’apprécie          110
La Feuille Volante n°1052– Juin 2016
LEÏLAH MAHI 1932 – Didier Blonde – Gallimard.

Ce que c'est quand même que la hasard ! Lors d'une visite au cimetière du Père-Lachaise, le narrateur croise au columbarium une plaque funéraire avec une photo, celle d'une femme coiffée d'un turban, un nom, Leïlah Mahi et une simple date,12 août1932, celle de son décès sans doute. Cette pratique de l'incinération autant que celle de la personnalisation de sa sépulture n'étaient pas courantes à l'époque. le portrait de cette inconnue le fascine tellement, ses yeux en particulier, que cette rencontre va être le point de départ d'une quête un peu surréaliste. Elle devait être bien fascinante cette femme et lui sans doute bien seul, puisque cette unique photo, volée dans un cimetière, l'obsède au point que même le temps qui passe ne parvient pas à lui faire oublier ce sourire qu'il n'a pourtant jamais connu dans la vrai vie. Est-il possible qu'une femme morte puisse bouleverser à ce point un vivant ? Une enquête s'imposait d'autant plus qu'un halo de mystère et de secrets semblait l'entourer, qu'elle avait, lors de son passage sur terre, fasciné bien des hommes, une véritable icône, l'objet de bien des légendes, de bien des fantasmes et continuait même, post-mortem, d'agiter quelque pervers maniaque. L'auteur laisse aller son imagination un peu délirante et même parfois teintée d'érotisme  ... Avait-elle été une danseuse de cabaret, coiffée à la garçonne comme la mode de l'époque l 'y invitait, une « grande horizontale » scandaleuse des Années Folles au destin nécessairement tragique, morte jeune comme il se doit ? le hasard, toujours lui, lui révèle qu'elle était une « femme de lettre », auteure de deux bluettes qui n'ont pas passé l'épreuve du temps, publiées par un éditeur vite oublié… Son image obsédante a quand même réussi à traverser la subtile paroi des rêves de notre auteur mais ses investigations suscitent plus de questions qu'elles n'apportent de réponses.

Se promener dans les cimetières peut être un signe de curiosités culturelles, de volonté d'honorer les morts ou de leur rendre hommage, mais aussi la marque d'obsessions morbides plus contestables. Sa curiosité l'invite à ce qui ressemble à une enquête quasi-policière à la recherche d'un fantôme dans un Paris oublié et il avoue lui-même « J'enquêtais sur une rêve », «Je suis le détective de la mémoire », ce qui laisse largement la place à des longueurs dans le texte, à l'imaginaire, à la lassitude… Pourtant, cet auteur que je ne connais pas semble s'intéresser aux femmes énigmatiques, inconnues ou oubliées depuis longtemps et que la mort a fauché trop tôt. Était-ce pour mieux se faire connaître lui-même ? Après tout pourquoi pas puisque le Jury Renaudot lui a décerné en 2015 le « prix de l'essai », précisément pour ce livre ! Est-ce une volonté à peine avouée de se confronter à la mort qui nous attend tous, d'y faire peut-être échec ? Allez savoir !

J'ai lu cet ouvrage assez mince avec une grande curiosité, non pas tant à cause de la personnalité de cette femme qui méritait sans doute de retenir l'attention de l'auteur, mais surtout pour savoir pourquoi un homme vivant de nos jours peut ainsi « tomber amoureux » de l'image d'une morte. J'ai déjà dit dans cette chronique combien je comprends que les femmes, même de simples passantes, puissent ensorceler les hommes par leur beauté, mais j'avoue être assez imperméable au charme d'outre-tombe, surtout en ce qui concerne une inconnue. Cela dit, je suis toujours intrigué par le souvenir des morts confié aux vivants, de ceux qui survivent dans une mémoire, un portrait, quelques notes de musique d'une chanson qu'il ont composée ou les mots d'un roman ou de lettres dont ils sont l'auteur, autant de choses qui ne pèsent pourtant pas lourd dans nos cerveaux d'amnésiques. Aurais-je voulu moi aussi inconsciemment en savoir plus sur cette femme ? Je n'en sais rien et mon intérêt tout juste suscité est retombé à la dernière page à cause des archives défectueuses, de la mémoire collective défaillante ou de cet oubli si caractéristique de l'espèce humaine.

© Hervé GAUTIER – Juin 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
Commenter  J’apprécie          10
J'ai beaucoup aimé le concept car j'aime beaucoup les enquêtes en tout genre. Par contre, du fait des recherches infructueuses, le roman tourne finalement un peu en rond et on n'en apprend guère plus sur Leilah Mahi...
Déçue aussi par la fin, car quand enfin peut-être une nouvelle piste s'ouvre à l'auteur, celui-ci décide d'arrêter là... Pour moi, ce livre est juste inachevé.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (117) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (5 - essais )

Roland Barthes : "Fragments d'un discours **** "

amoureux
positiviste
philosophique

20 questions
853 lecteurs ont répondu
Thèmes : essai , essai de société , essai philosophique , essai documentCréer un quiz sur ce livre

{* *}