Citations sur 10 jours dans un asile (36)
A bord de l'ambulance qui longeait à toute allure les pelouses bien entretenues de l'asile, je savourai ma réussite un cours instant, rapidement refroidie par les visages désemparés des autres patientes. Pauvres femmes, il était fort peu probable qu'elles retrouvent prochainement leur liberté. On les condamnait à la prison, peut-être même à vie, et pourtant elles ne s'étaient rendues coupables d'aucun délit. En comparaison, la potence me semble préférable à cet horrible tombeau ! Quand se profila l'imposant édifice de pierre, nous sûmes que nous vivions nos derniers instants de femmes libres.
La véritable folie était de croire que je pourrais les berner.
J'ai rencontré des patientes aux lèvres scellées, condamnées au silence pour l'éternité. Elles vivent, respirent, mangent ; l'enveloppe humaine demeure, mais ce quelque chose dont le corps peut se passer mais sans lequel il ne peut exister est absent. Je me suis souvent demandé si ces lèvres dissimulaient des rêves secrets ou un vide abyssal.
Ces femmes sont envoyées dans cet endroit afin d'être guéries. Je conseille à ces mêmes experts qui m'ont envoyée à l'asile - une décision qui a prouvé leur valeur - d'enfermer n'importe quelles femme en bonne santé et saine d'esprit, de la forcer à rester assise sur des bancs à dossier droit de six heures du matin à huit heures du soir, de la priver de lecture et d'accès au monde extérieur, de lui donner pour toute récompense des coups et une nourriture infecte, et de voir combien de temps cela prendra pour qu'elle devienne folle. Deux mois de ces mauvais traitements suffiraient à la transformer en loque humaine.
"Vous devez vous forcer (à manger), sinon vous allez tomber malade. Et qui sait, dans un endroit pareil, vous finirez peut-être par perdre la raison. Pour garder la tête sur les épaules, il faut avoir l'estomac bien rempli".
"J'ai toujours clamé aux médecins que j'étais lucide et exigé d'être libérée. Mais, plus je me comportais comme une personne normale, plus ils étaient convaincus de ma folie." (P. 95)
"Mise à part la torture, quel autre traitement vous conduirait plus vite à la folie? Ces femmes sont envoyées dans cet endroit afin d'être guéries. Je conseille à ces mêmes experts qui m'ont envoyées à l'asile - une décision qui a prouvé leur valeur - d'enfermer n'importe quelle femme en bonne santé et saine d'esprit, de la forcer à rester assise sur des bancs à dossier droit de six heures du matin à huit heures du soir, de la priver de lecture et d'accès au monde extérieur, de lui donner pour toute récompense des coups et une nourriture infecte, et de voir combien de temps cela prendra pour qu'elle devienne folle. Deux mois de ces mauvais traitements suffiraient à la transformer en loque humaine." (P. 76)
Il n'était pas rare que les patientes restent debout près de la fenêtre à regarder d'un air mélancolique cette ville que, selon toute vraisemblance, elles n'arpenteraient plus jamais. New York, symbole de liberté et de vie, semblait si proche! P 91.
Ce n'est que dans les épreuves que l'on réalise à quel point la gentillesse et la compassion sont trop rares dans ce monde.
[p26]
Les "encordées", comme on les surnommaient, étaient tout entières à leur folie. Une femme au regard bleu qui m'avait surprise en train de l'observer se contorsionna et me maudit avec un sourire terrifiant qui révélait la pire des démences. Le diagnostic était sans appel. Pour qui n'a jamais vu un fou de près, l'horreur de ce spectacle échappe à tout entendement.