A plus de 80 ans, mon père malade s'était levé dans le milieu de la nuit, paniqué, persuadé d'avoir oublié de rejoindre son poste à l'usine. Une détresse sans appel creusait ses yeux. Cette nuit-là j'ai haï la société et ses horaires qui crucifient les âmes nomades.
Lire et écrire sont deux points de résistance à l'absolutisme du monde
La vie a besoin de livres comme les nuages ont besoin de flaques d'eau pour s'y mirer et s'y connaître.
Les nuages en aubes blanches se rendent aux offices de la lumière.
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Les papillons qui bégaient, les abeilles chercheuses d'or et le vent qui comme un fou parle à tout le monde : mes maîtres sont devant moi, qui m'instruisent sans y penser.
Le paradis est un endroit où tout est en travaux.
Le dortoir des religieuses (éd. Gallimard, 2009 - pp. 108 & 103).
Notre enfance résiste à tout. Même notre mort ne pourra lui fermer les yeux.
Sur la table du déjeuner elle a posé un bouquet de muguet dont les grosses clochettes carillonnent leur confiance en la vie incompréhensible.
Le sens de cette vie c'est de voir s'effondrer les uns après les autres tous les sens qu'on avait cru trouver.(p72)
La mort nous prendra tous un par un, aussi innocemment qu’une petite fille cueillant une à une les fleurs d’un pré.
La pluie s’est soudain mise à courir partout sur les trottoirs, éclaboussant les passants endeuillés de sa joie de gamine.
Enfant je ne sortais pas dans les rues du Creusot. Elles étaient des rivières qui menaient à l’usine-océan.
Je restais dans ma chambre, à lire. Je vivais dans un monastère dont aucun roi n’aurait pu abattre les murs de papier. Nous prenons nos métiers, nos visages et nos puissances dans l’enfance. Nous n’en changeons plus ensuite.