“J'ai toujours habité deux villes : le Creusot et la ville qui est au-dessus dans les nuages“.
Ainsi commence le dernier livre de
Christian Bobin, l'un de mes auteurs fétiches, depuis que j'ai offert, il y a de cela une dizaine d'années, un de ses premiers livres à maman. Je le lui avais même fait dédicacer, alors qu'il était venu à la faculté de lettres de Dijon, du temps où j'étais encore étudiante…
“Personne ne rêve de venir vivre au Creusot : cette disgrâce suffit pour donner à cette ville le sacrement de la plus sûre beauté, dévolue aux recalés, aux illettrés et aux boiteux de toutes sortes. Il n'y a rien ici, ni église baroque, ni demeures somptueuses. Il n'y a que les saisons qui passent, enflammant de leurs couleurs les jardins ouvriers.“
Et aujourd'hui, je partage le point de vue de
Christian Bobin. Je me rends compte que cette ville, que l'on dit industrielle, n'est ni laide, ni grise. Elle a un parc magnifique, le Parc de la Verrerie, dans lequel l'auteur se promène assez souvent, où je suis allée m'amuser toute petite, et où maintenant ma fille vient se promener avec sa grand-mère. Il est des lieux ainsi, intemporels, que l'on peut se transmettre de génération en génération. Et j'aime savoir que ma fille met ses pas là où j'ai mis les miens, que du haut de sa balançoire, elle regarde ces mêmes arbres magnifiques qui me faisaient rêver.
Aujourd'hui que je suis loin, j'ai plein de souvenirs de mon enfance et de mon adolescence au Creusot… Bien entendu, ce ne sont pas les mêmes que
Christian Bobin; j'ai même détesté ma ville natale avec férocité lorque j'étais adolescente, car je la trouvais ennuyeuse à mourir. J'y passais tous mes étés quand j'étais étudiante, et le Creusot au mois d'Août, c'est très calme…
Mais c'est justement ainsi que je sais qu'elle est pleine d'une poésie cachée. Une poésie qui ne se laisse entrevoir qu'à certains moments à qui sait ouvrir ses yeux. le bruit des usines la nuit, le givre sur les arbres du Parc, la longue perspective des rues vides, les nuits d'été dans le Parc… tout cela me parle désormais.
C'est en cela que ce livre de
Christian Bobin m'a singulièrement touchée. Ce qui m'a marqué aussi, c'est, pour la première fois peut-être dans un de ses livres, des références “sociales”, notamment au monde ouvrier qui vivait (et qui vit encore) au Creusot. Là encore, ses phrases ont ramené des souvenirs de mon grand-père, ouvrier aux laminoirs, à la fonderie…
Bien entendu, j'ai retrouvé les thèmes chers à l'auteur : l'enfance, la simplicité, le divin, et cette transcendance du quotidien qui traverse les jours et la solitude d'un enfant devenu, à force de rêve, écrivain dans une ville presque irréelle.
” J'écris ce livre pour tous ces gens qui ont une vie simple et très belle, mais qui finissent par en douter parce qu'on ne leur propose que du spectaculaire”
Merci
Christian Bobin, de m'avoir ramenée, une fois encore, à l'essentiel, à cette réalité de la vie si simple et pourtant si mystérieuse…