Vania. Vania Tchomatonov ! Qui est cet homme au demeurant bien ordinaire ? Est-ce un minable petit voleur ? Un suppôt du capitalisme ? Un agent au service d'une puissance étrangère hostile au Paradis des Prolétariens ? Un révolutionnaire ? Un contre-révolutionnaire ? Un contre-contre-révolutionnaire ?
Vania est dans le train qui roule vers Golokolamsk. le contrôleur s'approche de lui. Que faire ? Vania pense à tous ces portefeuilles volés qui sont répartis dans les différentes poches de son manteau… Va-t-il corrompre le gros contrôleur ? Non, il a une meilleure idée… Il ouvre son sac… Et là, horreur ! Que voit notre joufflu contrôleur ? Sur un lit de coton moelleux, repose, figée pour un éternel sommeil… une tête ! Les traits du visage sont célèbres dans le monde entier : la barbiche, les fortes pommettes, le grand front fuyant, la large calvitie…
Critique :
Me voilà avec un avis assez mitigé quant à cette farce imaginée par
Nicolas Bokov dans les années '70 en pleine période soviétique où il ne fallait pas grand-chose (parfois même rien) pour être envoyé au goulag au fin-fond de la Sibérie ou dans un asile « psychiatrique ».
Bokov a pris un risque énorme en publiant cette courte histoire sous forme de « samizdat ». Mais qu'est-ce donc qu'un « samizdat » me demandez-vous mû par une curiosité bien compréhensible ? Prenons donc la définition offerte par Wikipédia : « le samizdat (en russe : самиздат) était un système clandestin de circulation d'écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l'Est, manuscrits ou dactylographiés par les nombreux membres de ce réseau informel. » Il faut imaginer une personne recevant ce texte et le recopiant à la main ou en le dactylographiant pour le diffuser… Un texte que les autorités soviétiques ne sauraient tolérer…
Bokov a une idée de génie… Et si un petit voleur décidait de voler la tête de
Lénine dont le corps embaumé repose dans un mausolée sur la place Rouge à Moscou ? Oh, rien de politique dans cet acte ! Juste l'appât du gain ! L'espoir de la vendre à un milliardaire américain contre une petite fortune…
Mais quelles pourraient bien être les conséquences d'un tel acte ? C'est ce que
Nicolas Bokov se plaît à imaginer. On est dans la bouffonnerie, dans la grosse farce, celle qui se moque sans ambages du Paradis des Travailleurs, et surtout de la cupidité de ses dirigeants. Pas un pour sauver l'autre…
Pour nous, Occidentaux, qui n'avons pas eu le déplaisir de connaître cette « merveille » que fut le communisme russe avec ses privations, non seulement de liberté, mais aussi alimentaires ou de produits de première nécessité, le texte de
Bokov nous révèle la haine que l'on peut porter à un tel régime qui écrase tout, qui balaie tout. L'auteur se plaît à le mettre à terre, non avec un super héros à l'américaine, mais avec un petit voleur dénué de grands idéaux.
Les notes qui précèdent l'histoire en elle-même nous livrent le contexte de cette création et sont révélatrices des conditions de vie en Union soviétique.