Une cloche résonne dans l’un des bâtiments extérieurs à la cour de la ferme, à bonne distance de l’étable dans laquelle je m’efforce de faire entrer les vaches.
L’été, habituellement, elles restent aux champs, mais on l’on prévoit un orage d’une violence peu commune ce soir à Lannilis. Les bêtes perçoivent l’agitation exceptionnelle qui a saisi le manoir du Bergod, et cela les rend craintives. Toute la ferme est tournée vers la naissance du premier enfant de Corentine. Il n’y a que moi qui continue comme chaque jour avec toutes mes tâches.
C’est normal, Corentine est la maîtresse, je suis la servante.
Il n’y a pas si longtemps, les parents de Houarn, Gwendal Pogam, mon parrain, et Gaïdic le Pourhiet, son épouse, étaient les maîtres du Bergod. La ferme était prospère lorsque nous sommes nés, tous deux, il y a dix-huit ans, dans des foyers apparentés. Nous avons été promis en mariage dès notre naissance et élevés comme frère et sœur de lait. C’est une vieille coutume de notre Bretagne que ma mère, Anna, avait voulu faire revivre.
Les deuils nous ont laissés si pauvres, que nous n’avons pas encore pu nous marier. Corentine s’attache à m’abaisser à la condition de servante, mais elle sait que rien n’y pourra changer : son frère et moi sommes liés l’un à l’autre devant Notre sainte Mère l’Eglise, et, bientôt nous l’espérions, nous serons mari et femme.
Il y a trois jours, Houarn est parti chercher fortune. Je savais qu’un jour il quitterait la ferme.