Et Je Danse Aussi est un roman épistolaire et en tant que forme littéraire ça m'intéresse parce qu'elle évite la nécessité d'avoir un narrateur omniscient qui explique tout, et ça donne aux personnages plus de puissance de se révéler directement au lecteur par ce qu'ils écrivent et répondent aux autres. (Ça a l'air plus authentique parce que ça ressemble à la façon dont nous apprenons à connaître les gens dans notre expérience quotidienne).
En outre c'est une forme qui utilise un mode ‘asynchrone' de communication. Il y a un écart entre un courrier et le suivant pendant lequel des actions peuvent se passer. Un personnage peut se présenter de différentes façons aux différents receveurs. Donc il y a la possibilité des malentendus et des décalages ce qui crée complexité et tension.
Et Je Danse Aussi met le roman épistolaire bien à jour. Contrairement à la langue plus formelle des ‘lettres' qui constituent le classique Les Liaisons Dangereuses (peut-être le roman épistolaire le plus connu en français), celle des e-mails est beaucoup plus informelle et plus courante. Cela renforce le sens de réalisme dans ce roman contemporain.
L'échange des lettres dans Les Liaisons Dangereuses mène l'intrigue. Dans leurs lettres les personnages essaient de faire avancer leurs buts. Dans
Et Je Danse Aussi, en revanche, on a l'impression d'une correspondance qui se développe d'une manière naturelle et sans but précis. En ce qui concerne l'intrigue elle est presque invisible.
Il semble que ces caractéristiques s'accordent avec le mode de création de ce roman. Dans un interview sur YouTube les auteurs expliquent qu'ils commencent l'écriture avec un échange de mails entre eux sans aucun sujet précis. Selon
Anne-Laure Bondoux – j'étais partie sur l'idée qu'on allait s'amuser un peu et
Jean-Claude Mourlevat ajoute - dans mon esprit c'était aussi un jeu mais peut-être avec une idée derrière la tête (au commencement il s'agissait de l'écrivain bloqué et du contenu d'une grande enveloppe). Ensuite
Bondoux avait l'idée d'ajouter d'autres correspondants (fictives) et dès lors il semble que la correspondance qui constitue la matière du bouquin se développait organiquement.