Citations sur Héritage (156)
Bien que ses yeux fussent secs et piquants, il n’y avait pas une ombre de méchanceté dans son regard. Ses sourcils étaient sauvages comme des câpriers, ses cheveux lisses et très noirs, et ses lèvres épaisses donnaient à son sourire la largeur d’un bandonéon ouvert. (pages 82-83)
Avec ses taches de rousseur, sa chevelure d’un roux sombre et ses yeux noirs dont la tristesse se confondait avec de la timidité, elle avait quelque chose d’une jeune Occitane. (page 44)
Puis, de courrier en courrier, les uns après les autres, il dut raconter à chaque sœur désespérée, à chaque femme inconsolable, à chaque père abattu, les opérations glorieuses auxquelles avait participé leur fils, leur mari et leur frère, trouvant les mots appropriés pour souligner leur courage, en se permettant l’audace de poser sur leurs lèvres des dernières paroles sublimes, pleines d’une poésie déchirante. (pages 32-33)
À six ans, il assista dans les bras de Margot à une marche en soutien d’un jeune candidat socialiste, Salvador Allende, qui se présentait à la présidentielle, mais qu’il perdit face au général Ibañez. (page 142)
Le Chili devint un pays d’arrestations, d’exécutions sommaires, de procès truqués. La Dina fouilla les universités, les bibliothèques, les laboratoires de recherche, déportant les esprits les plus éclairés du siècle. Trois mille personnes assassinées, trente mille prisonniers politiques, vingt-cinq mille étudiants expulsés, deux cent mille ouvriers renvoyés. Les prisons se remplirent de professeurs émérites, d’intellectuels, de musiciens, d’artistes. Les domaines viticoles se transformèrent en centres d’interrogatoire où on torturait des poètes, des boulangers, des luthiers, des marionnettistes. Marcher dans la rue le soir était interdit, avoir des cheveux longs était un délit, lire de la poésie était suspect. Ils voulaient construire un moulin, alors qu’ils interdisaient le vent. (page 157)
Au contact de son corps, il remarqua qu’elle avait la peau aussi douce qu’un duvet de pêche, épongée pendant des heures à l’ambre de mélasse, parfumée d’une fragrance de miel. (page 47)
Thérèse était alors au sommet de sa grâce. Elle avait quarante-quatre ans et son air d’Occitane, énamourée et avenante, éveillait chez les autres une confiante chaleur. Bien qu’elle eût une tendre expression de fleur fanée, elle appartenait à cette catégorie de femmes qui, par l’architecture de leurs traits, par la justesse de leurs formes, demeurent, par-delà les années, loyales à leur jeunesse. (page 123)
Ils voulaient construire un moulin alors qu’ils interdisaient le vent. (p. 157)
Dans tous les coins, dans la salle de bains et dans la cuisine, on trouvait sans cesse des petits bols avec des graines de tournesol, des cacahuètes et des noix hachées, mais aussi des œufs de fourmis et des teignes de ruche que Thérèse disposait comme un chemin balisé et que Lazare vidait avec exaspération. On acquit un coq, pour le symbole de la France, et même une pie sauvée des flammes qui, après avoir trouvé une braise sur le sol, avait mis le feu à son propre nid. (page 64)
Ils montèrent ensuite dans des camions militaires qui transportaient des milliers de jeunes immigrés sur les champs de bataille, venus se déchirer au sein même d’un continent que leurs pères avaient autrefois quitté sans retour. (pages 23-24)