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Citations sur L'or des tigres (29)

Être avec toi ou ne pas être avec toi est la mesure de mon temps.

Extrait de Le menacé
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J'ai moins appris des écoles que d'une bibliothèque - celle de mon père.

Préface du recueil L'autre, le même II
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LE SOMMEIL

Si c'était, comme on veut bien le dire, une
Trêve, un simple repos que le sommeil,
Pourquoi sens-tu, lors d'un brusque réveil,
Qu'on vient de te voler une fortune ?
Pourquoi hait-on de se lever matin ?
C'est qu'on y perd un charme inconcevable,
Intime au point de n'être recevable
Que déguisé sous cet or incertain
Des rêves, don des nuits, peut-être obscure
Preuve d'un orbe intemporel dont rien
Ne nomme la magie, extrême bien
Qu'en ses miroirs la veille défigure.
Quand le sommeil t'ouvrira son mur noir,
Que verras-tu ? Qui seras-tu ce soir ?

p. 59
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Le sud

Du fond d'un de tes patios avoir regardé
les antiques étoiles,
d'un banc de l'ombre avoir regardé
ces lumières éparses
que mon ignorance n'a pas appris à nommer
ni à ordonner en constellations,
avoir senti le cercle d'eau
dans la secrète citerne,
l'odeur du jasmin et du chévrefeuille,
le silence de l'oiseau endormi,
la voûte du vestibule, l'humidité
-ces choses , peut-être ,sont le poème.
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LE SOMMEIL

Si c'était, comme on veut bien le dire, une
Trêve, un simple repos que le sommeil,
Pourquoi sens-tu, lors d'un brusque réveil,
Qu'on vient de te voler une fortune?
Pourquoi hait-on de se lever matin?
C'est qu'on y perd un charme inconcevable,
Intime au point de n'être recevable
Que déguise sous cet or incertain
Des rêves, don des nuits, peut-être obscure
Preuve d'un orbe intemporel dont rien
Ne nomme la magie, extrême bien
Qu'en ses miroirs la veille défigure.
Quand le sommeil t'ouvrira son mur noir
Que verras-tu ? Qui seras-tu ce soir ?

Du recueil L'autre, le même
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LE MENACÉ


C’est l’amour. Je devrai me cacher ou fuir.
Les murs de ma prison grandissent, comme en un rêve
atroce. Le beau masque a changé, mais comme toujours
c’est le seul. De quoi peuvent me servir mes talismans :
l’exercice des lettres, la vague érudition, l’apprentissage
des mots dont l’âpre Nord se servit pour chanter ses mers
et ses épées, la sereine amitié, les galeries de la Biblio-
thèque, les choses courantes, les coutumes, le jeune amour
de ma mère, l’ombre militaire de mes morts, la nuit intem-
porelle, la saveur du sommeil ?
Être avec toi ou ne pas être avec toi est la mesure de
mon temps.
Déjà la cruche se brise sur la fontaine, déjà l’homme se
lève à la voix de l’oiseau, déjà s’assombrissent ceux qui
regardent aux fenêtres mais l’ombre n’a pas apporté la
paix.
C’est, je le sais bien, l’amour : le désir anxieux et le
bienfait d’entendre sa voix, l’attente et la mémoire, l’hor-
reur de vivre dans la succession.
C’est l’amour avec ses mythologies, avec ses petites
magies inutiles.
Il y a un coin de rue où je n’ose passer.
Déjà les armées m’encerclent, les hordes.
(Cette chambre est irréelle, elle ne l’a pas vue.)
Le nom d’une femme me dénonce.
J’ai mal à une femme dans tout mon corps.

p.186-187
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A l’Islande

De tous les pays de ce monde de beauté
que lassèrent ma chair et l’ombre de ma chair
nul n’est plus près du fond intime de mon coeur
que toi, Thulé dernière, Islande des vaisseaux,
de la constante rame et du soc obstiné,
des filets de pêcheur tendus comme des murs,
de cette étrange lumière de soir figé
qu’épand le vague ciel entre deux lentes nuits,
du vent qui cherche les voilures égarées
du Viking; terre sainte à qui la Germanie
dut sa mémoire, dut le rachat de ses mythes,
dut ta forêt de fer et son loup et la nef
faite d’ongles de morts, horrible aux dieux eux-mêmes.
Islande, j’ai rêvé de toi bien longuement
depuis ce vieux matin où mon père donna
à l’enfant que j’étais et que je suis encore
une version de la Völsunga Saga;
ma pénombre aujourd’hui s’attaque au texte même
non sans l’aide parfois du lent dictionnaire.
Un jour vient où le corps se lasse de son homme,
un jour vient où le feu décline et devient cendre;
heureux alors l’apprentissage résigné
d’une science interminable. J’ai choisi
ta langue, ce latin du Nord qui domina
les steppes et les océans d’un hémisphère,
qu’entendirent Byzance et la vierge Amérique.
Vraiment la posséder, je m’en sais incapable,
mais les dons hasardeux de la quête m’attendent;
j’en oublierai le fruit doctement défendu.
Font-ils mieux, les chercheurs d’étoiles ou de nombres?
Islande, à toi l’amour, seul l’ignorant amour.
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POÈME DE LA QUANTITÉ


Je pense au ciel modique et puritain
avec ses feux déserts que chaque nuit
Emerson devait voir de ses fenêtres
dans sa Concord de rigueur et de neige.
Que d'étoiles ici ! bien trop pour l'homme.
L'homme ne suffit pas. Les innombrables
générations d'oiseaux et d'insectes,
de serpents, de panthères constellées,
de branches se tissant et détissant
sans fin, de grains de sable et de café,
tout grève nos matins, tout nous prodigue
un labyrinthe inutile et menu.
Peut-être est-elle unique devant Dieu,
cette fourmi que j'écrase. Il la veut
pour l'exécution des lois précises
qui gouvernent Son monde curieux.
S'il en était autrement, l'univers
serait erreur et chaos accablant.
Les miroirs de l'ébène et ceux de l'eau
et les miroirs ingénieux des rêves,
les lichens, les poissons, les madrépores,
au long du temps les files de tortues,
les lucioles d'un seul soir d'été,
les araucarias par dynasties,
les lettres au dessin bien profilé
de ce volume épargné par la nuit —
ne sont sans doute pas moins personnelles
ni moins énigmatiques que moi-même
qui les confonds. Juger Caligula,
juger la lèpre ? Non, je n'oserais.
                           Sao Paulo, 1970.

p.192-193
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LIGNES QUE J'AURAIS PU ÉCRIRE
ET ÉGARER VERS 1922


Silencieuses batailles du couchant
aux dernières banlieues,
défaites à jamais anciennes d'une guerre au ciel,
aubes ruineuses qui nous arrivent
du fond désert de l'espace
comme du fond du temps,
noirs jardins de la pluie, le sphinx d'un livre
que j'avais peur d'ouvrir
et dont l'image revient dans mes rêves,
la corruption et l'écho que nous serons,
la lune sur le marbre,
des arbres qui s'élèvent et qui durent
comme des divinités tranquilles,
la mutuelle nuit et le soir espéré,
Walt Whitman, dont le nom est l'univers,
la valeureuse épée d'un roi
dans le lit silencieux d'un fleuve,
les Saxons, les Arabes et les Goths
qui sans le savoir m'engendrèrent,
suis-je ces choses et les autres
ou sont-elles clés secrètes et algèbres ardues
de ce que nous ne saurons jamais ?

p.156-157
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L'instant

Mais où sont-ils passés, les siècles et les rois ?
Et l'herbe exterminée au sabot du barbare,
Et les sabots exterminants ? et la cithare
Héroïque, et l'autre Adam, et l'autre Bois ?
Seul est vrai le présent, ce désert. La mémoire
Bâtit le temps. L'horloge et le calendrier
Ont la succession et le dol pour métier.
L'année est simulacre aussi bien que l'histoire.
Entre l'aube et la nuit un abîme d'efforts
S'ouvre, et de soins et de lumières et de morts ;
Faussement il se croit le même, ce visage
Qui se cherche aux miroirs fatigués de la nuit.
Pas d'autre ciel, et d'autre enfer pas davantage,
Que la mince seconde à tout jamais qui fuit.
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