La demi-heure qui avait précédé l'annonce faite à la fillette avait surtout été employée à discuter des conditions financières concernant sa scolarité. Quant à son salut, lorsqu'on la laissa à l'entrée du couvent des bénédictines situé à Mamers, à seulement quelques lieues de sa vielle natale, les visions qu'elle eut en chassèrent tout de suite l'espoir et terrifièrent la petite fille qu'elle était encore. Elle sut ce qui l'attendait ici.
Bien sur, le nouveau culte de l'Être suprême dépassait la compréhension de la plupart, mais qu'importe. S'amuser avant de mourir, avant d'être emporté par ce flot sanglant qui depuis cinq ans déferlait sur la France.
On n’entre pas comme ça dans la confrérie des frères de l’ombre. Ils doivent d’abord te jauger.
Paris ne se reposerait pas. Paris ne se reposait jamais. Paris se contentait de fermer un œil, mais toujours, que ce soit en plein midi ou au milieu de la nuit, la ville continuait à vivre et à bouillonner.
Car c'est dans cet espace réduit, l'ancienne place (place du Carrousel) où les monarques donnaient leurs fêtes dans les palais qu'ils avaient construits, que se tenait le véritable gouvernement de la France de l'an II. D'un côté le Comité de salut public qui régnait sur les Tuileries et de l'autre côté, siégeant Hôtel de Brionne, le Comité de sûreté générale qui agissait dans l'ombre et n'hésitait pas à utiliser ruses, extorsions, chantage pour arriver à ses fins.
Les brumes de la Loire s'étaient refermées autour d'eux. On n'entendait que le clapotis des rames, comme étouffé par les miasmes qui montaient de l'eau noiratre du fleuve. Il n'y avait qu'obscurité et volutes à perte de vue. La nuit engloutissait tout. Même les lanternes allumées de part et d'autre de la barge ne produisaient qu'une bien pauvre lumière, comme des feux follets au coeur des marécages.
Le serpent, c’est la femme aux belles paroles, l’enjôleuse que tu as déjà rencontrée. Le cœur, cela se passe de commentaire, c’est l’amour. Associé aux oiseaux, c’est un gage, le début d’une passion, associé au cercueil, seuls restent le chagrin et les regrets.
La Révolution avait créé un mouvement et rien ne l’arrêterait, pas même la nuit.
Ceux qui possédaient le pouvoir et l’impunité iraient s’encanailler dans
quelque établissement douteux. Les riches continueraient leurs trafics, ils spéculeraient sur la cherté des marchandises, ils accumuleraient des stocks toujours plus énormes faisant monter les prix pour s’enrichir toujours plus.
Ce n’était plus qu’une ruine, un souvenir d’une époque révolue qu’on n’abattait pas par manque d’argent et qu’on laissait s’écrouler petit à petit.