Jamais un coup de pinceau n'abolira la fortune. Machiavel, sans doute, ne croit guère à l'efficacité de ces habiletés érudites, de ces devinettes d'humanistes facétieux qui croient pouvoir circonvenir le peuple en plaçant devant ses yeux quelque image rutilante d'un passé contrefait. Il ne cesse de le répéter, avec obstination : résiste à l'"éclat trompeur des mots" pour accéder à la "vérité effective de la chose".
« Léonard et Machiavel n'étaient pas de ces éclaireurs à l'avant-garde, mais au coeur de la bataille, dans la mêlée confuse, où rien ne se discerne nettement sinon la vérité du combat. Ils n'ont pas fait leur temps ; parce qu'ils furent si intensément du leur, ils sont toujours du nôtre. Il y eut entre eux un temps commun, qui les fit contemporains ».
Machiavel en est convaincu désormais:César Borgia est le seul, en Italie, qui puisse tenter la fortune,la séduire et la ravir,la détourner de son lit où l'ordre des pères croit encore pouvoir la maintenir.
Les voici enfin réunis, et pour de longs mois. Mais pourquoi dire enfin ? Qui s'en impatientait, sinon peut-être le lecteur de cette histoire ? Machiavel et Léonard de Vinci se sont rencontrés, longtemps, ils se sont très certainement parlé, souvent. Les échos de ces conversations se retrouveront, plus tard, dans des projets communs qui ne seraient guère compréhensibles sans cette connaissance préalable qu'ils firent l'un de l'autre. Il y sera question de fleuve et de fortune, de guerre et de pouvoir, de la façon de voir le monde tel qu'il est et d'en saisir le rythme.