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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Moi qui me suis souvent posé la question sur l'effet qu'avaient produit des oeuvres telles que L'Idiot (Dostoïevski), Ulysse (Joyce), L'homme sans qualités (Musil) ou encore - notez ici le titre de votre pavé de littérature aux mille et une saveurs favoris, votre sequoia le plus grand et dont les feuilles sont couvertes de mots à vous seul connus votre Himalaya le plus inaccessible, etc. -, voilà que c'est Grégoire Bouillier, celui-là même dont j'ai lu par trois fois L'invité mystère (Allia, 2004) et me suis bien saturé de son autofiction intitulée Rapport sur moi (Allia, 2002), ce Grégoire Bouillier donc, que je pensais disparu dans une bouteille, qui vient poser ses 873 pages (pour ce premier tome) sur ma table à manger qui me sert accessoirement de bureau, étant personnellement, faute de place, dépourvu de ce meuble-là chez moi, ce Grégoire Bouillier disais-je donc encore, qui m'offre ainsi une tentative de réponse à ma question. Car c'est bien une oeuvre colossale que nous propose cet auteur qui rattrape son retard (deux livres et demi en dix-sept ans, c'était peu quand même) avec ce premier tome s'imposant (c'est le cas de le dire) comme une longue modulation de l'Invité Mystère, avec des thèmes récurrents (Zorro, le suicide, la série Dallas, le sexe, la passion, l'amour, la séparation, etc.) et dont le sujet central - quoique le centre dévie constamment - est régulièrement entrelardé de digressions souvent bienvenues. Il y a beaucoup de désenchantement dans ce livre (on pensera évidemment à Philippe Muray ou Baudoin de Bodinat), le style est direct, sec, avec une tendance à haranguer le lecteur, le secouer, lui faire lâcher prise avec le livre, impossible d'ailleurs de ne pas penser à Kafka (d'ailleurs cité dans le livre) ou même Dostoïevski (pour un certain nihilisme). Grégoire Bouillier pense sa vie, il est de ces écrivains que Søren Kierkegaard définit si bien en disant d'eux qu'ils sont existentialistes car ils travaillent des éléments voir la totalité, de leur autobiographie et prennent comme sujet leurs questionnement existentiels - et c'est bien le cas de ce Dossier M, un immense livre de ruminations sur l'art et l'amour, la littérature et la mort, un livre au final peu agréable, ce qui le rend - dans une époque comme la nôtre où l'on veut constamment nous faire croire qu'au fond "tout va très bien dans le meilleur des mondes" - extrêmement pertinent car l'on s'y perd à tel point que le temps ne s'écoule plus, il se disperse. Vivement le tome 2.
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Le dossier M dont la lecture entraîne une immense jubilation est la quintessence de l' introspection qui, sans être nombriliste, dépasse très largement les récits d' auto-fiction qui font vivre le genre. Grégoire Bouillier annonce la couleur en revendiquant l' exclusivité de sa subjectivité qui seule permet de saisir la réalité constituée par la perception. Au delà de la sincérité, une forme de vérité, peut-être la seule. C' est le récit intime et social d' un amour non consommé entre M. et l' auteur aujourd' hui cinquantenaire. Un raté amoureux grand-guignolesque qu' aucune errance sexuelle -à la fois cause et conséquence- ne parvient à éteindre. S' empilent devant nous les pièces du dossier M. consignant d' abord la rencontre puis la dérobade de M. dont il échoue à faire sa maîtresse. l'' enquête se poursuit alors là où normalement tout s' arrête en littérature. Que se passe-t-il une fois qu' ils ne vécurent pas heureux et qu' ils n' eurent pas d' enfant ?

Le tragique de cette histoire nait de l' incertitude de ce qu' est l' amour sur fond de liberté sexuelle qui ne connaît plus les obstacles de la morale, à peine ceux de la séduction à l' ère du web et de la disponibilité des corps. L' auteur tente pourtant de nous convaincre du contraire, écrivant de façon récurrente que l' amour ne serait que la continuité du désir sexuel par d' autres moyens plus policés. Mais l' épopée de Grégoire Bouillier vient jeter le doute à la lecture des pièces versées au dossier M qui gagne inexorablement en épaisseur selon différents niveaux marqués par des chiffres. On comprend très rapidement que le dossier M ne peut-être que l' interminable récit littéraire de impossibilité d' aimer et d' être aimé qui frappe Grégoire Bouillier, moteur d' un texte sans fin comme une cure analytique peut l' être , puisque cet amour malheureux est le prisme à travers lequel l' auteur vit et pense chaque acte de son existence présente, passée… et future. N' est-il pas condamné à une "peine de 10 ans » prononcée par une voix en conclusion du volume 1? le tome 2 le dira peut-être. Car nous ne sommes sûr de rien, pas plus que l' auteur ne l' est lui-même. Une incertitude qui nourrit l' intérêt qu' on porte au dossier M. dont l' effet sur le lecteur est paradoxal: tout y est analysé minutieusement à la loupe et disséqué avec le scalpel du chirurgien sans que nous sachions au final ni pourquoi il a été quitté, ni ce qui se serait passé s' il ne l' avait pas été.

La grande idée de Grégoire Bouillier est de lier son destin et ses pensées à son "éco-système" social au lieu de se contenter d' une psychologie individuelle. On cherchera en vain les mots de la psychanalyse, même s' il est question d' une scène primitive puis d' un traumatisme récurrents tout au long du livre: une mère suicidaire et un suicide obsédant dont l' auteur veut connaître sa part de responsabilité. Grégoire Bouillier forge ses propres catégories psychologiques, liant son être intérieur et son destin individuel à l' air de son temps -le nôtre- qui laisse peu de place au libre arbitre. La liberté se confond avec l' ignorance des causes et cesse là où nous commençons à les comprendre. Son analyse des années 80 -années du passage pour l' auteur à plus de maturité - est d' une grande pertinence sociologique et d' une grande drôlerie dans un livre qui ne manque pas de susciter le rire: nous sommes passés de Zorro à Dallas, du héros individuel au salaud devenu héros, ce qui ne manque pas de déteindre sur les comportements collectifs, sans qu' on sache très bien démêler cette dialectique. Mais qu' importe de savoir distinguer le miroir de ce qui s' y reflète.
La langue de Grégoire Bouillier crée une intimité avec le lecteur, souvent interpellé, sur un registre oral en apparence seulement: la fluidité du texte est assurée par un travail certain sur la langue. Ce livre n' aurait pu être qu' une logorrhée indigeste mais la finesse d' analyse qui s' accompagne de digressions plaisantes et d' une diversité de formes stylistiques -énumération, poésie, retranscription de mail…- relance sans cesse notre intérêt et notre admiration.
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Difficile de qualifier cet objet littéraire de près de 900 pages. Disons autofiction. Grégoire Bouillier nous entraine dans la relation amoureuse intense qu'il a eue pendant quelques mois avec M qu'il tente de faire céder à ses avances.
Voilà le fil conducteur de ce livre qui vaut avant tout pour son inventivité littéraire et ses innombrables digressions (La série Dallas, Zorro, Ali MacGraw, etc.), souvent drôles, dans lesquelles l'auteur dispense une vision assez nihiliste du monde tout en faisant étalage de sa culture (ce qui va bien avec le côté nombriliste de son projet).
Pour finir, j'ai vraiment beaucoup aimé le dossier M (Tome 1) dont la fin m'a donné envie de lire le Tome 2.
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"Dossier M." est un livre puissant, cruel, fascinant, si drôle, si bouleversant. Depuis deux mois, je n'oublie pas cette lecture. J'ai été tellement emportée et secouée par cette langue vivante que je n'ai pas pu souligner une seule phrase (à ma deuxième lecture j'avais envie de tout souligner).
J'attendais avec impatience ce nouveau livre de Grégoire Bouillier mais je ne m'attendais pas à ce "Dossier M." qui dit tant de choses.
Merci, merci et vivement le second tome.

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Sans jamais déstructurer le fil de sa pensée, doté d'un formidable sens de la transition et maniant avec brio l'art de la digression, Grégoire Bouillier enchaîne les idées, saute du coq à l'âne sans même que le lecteur ne s'en rende compte et situe son livre à la croisée des genre, entre journal intime, travail psychanalytique, collection de souvenirs, roman d'amour, réflexion sur la société, concentré d'autodérision ou encore autofiction. le tout mis bout à bout constitue une étude de l'époque d'une impressionnante clairvoyance.
L'article complet sur Touchez mon blog, Monseigneur...
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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