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« La locomotive ivre » rassemble 26 chroniques et nouvelles publiées par Mikhaïl Boulgakov dans les années 20. Chose surprenante, l'éditeur ne précise jamais la date et le lieu de publication de ces textes. Je suppose que les chroniques se déroulant dans le milieu du chemin de fer ont été diffusées par la revue «Goudok », équivalent de « la Vie du rail »,où Boulgakov a longtemps assuré un travail de rédacteur. Pour les autres, je n'en ai aucune idée… Je serais pourtant curieux de savoir où ont bien pu être publiés les textes les plus corrosifs, lorsque l'auteur relate ses démêlés avec la police politique lors de son exil à Vladikavkaz, en pleine guerre civile, ou lorsqu'il raconte l'incendie d'un immeuble de Moscou habité autrefois par l'élite, population remplacée après la Révolution par une plèbe bruyante et irrespectueuse (le thème du feu est important dans son oeuvre).
De nombreux récits abordent les questions du logement et de l'alcoolisme. Boulgakov parle souvent des difficultés de trouver une chambre à Moscou dans ses livres, notamment dans « Coeur de chien » et « le Maître et Marguerite ». Une préoccupation que l'on comprend d'autant mieux qu'il revient sur ses difficultés personnelles à se loger lors de son arrivée dans la capitale en 1921. le sujet est souvent traité de manière satirique comme dans ce récit où des Moscovites emménagent dans des wagons de tramway, l'idée est si bonne, que de nombreuses familles et même les administrations suivent leur exemple. Quand on loge entassés dans des « boîtes en carton », de nouvelles difficultés apparaissent, celles de la cohabitation et de la promiscuité, d'autant plus que la consommation d'alcool frelaté excite les tempéraments. Et là, c'est un thème inédit qui apparaît chez Boulgakov dans des tournures plus réalistes. Il aborde les ravages de l'alcoolisme dans le cercle familial, avec notamment les violences conjugales, mais aussi sur le lieu de travail. « La locomotive ivre » c'est le récit d'une noce où les employés des chemins de fers, mais également les machines, sont assommés par l'alcool, créant des situations extrêmement dangereuses. Boulgakov évacue par la satire les solutions de facilité proposées par les syndicats et la tolérance des responsables devant l'ivrognerie.
Boulgakov traite les difficultés dans les relations de travail avec son ironie mordante en narrant des faits rapportés par les lecteurs. Il revient aussi sur les réunions syndicales ou politiques où un public raille le verbiage intellectuel de l'orateur.
D'autres billets ont un touche plus autobiographique. J'ai évoqué plus haut les passages sur son exil dans le Caucase ou sur son arrivée à Moscou. Plus surprenant, il évoque son entrevue avec Nadejda Kroupskaïa, l'épouse de Lénine pour lui réclamer…un logement. La rencontre est probable quand on sait que Boulgakov a travaillé au sein du journal dirigé par Kroupskaïa. Journaliste le jour, écrivain la nuit, il aborde également ses problèmes d'inspiration.
A mes yeux, une nouvelle sort du lot. Boulgakov revient sur quatre étapes de sa vie depuis son arrivée à Moscou, chaque étape se déroulant dans un lieu différent offrant un panorama dégagé sur la capitale.

A quelques exceptions près, le lecteur de « La locomotive ivre » découvre le «Boulgakov rédacteur » plus que le « Boulgakov littérateur ». le recueil doit être lu après les autres travaux de l'auteur pour obtenir un éclairage sur une période la vie de Boulgakov qui, dans les années 20, souhaitait se lancer dans la littérature mais qui, freiné par les événements tragiques de l'époque et la censure, vivotait en plaçant des piges dans différentes publications. le début du « Roman théâtral » revient sur cette période difficile pour l'auteur. Si l'intérêt du recueil est moindre au regard de l'oeuvre de Boulgakov, la qualité est bien présente : les textes sont courts, riches d'ironie et de satire, il se lisent facilement et offre un aperçu sur les premières années de la République socialiste fédérative soviétique de Russie.
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Mettez en arrière-fond du Chostakovitch, compositeur soviétique contemporain de Boulgakov, et laissez-vous envoûter...


L'esprit espiègle, railleur et guilleret de ce pot-pourri folklorique de courts récits tranche éloquemment avec la réalité souvent peu reluisante de la vie soviétique qu'ils décrivent, même si l'on est encore à dix mille bornes des grincements sinistres des barbelés du goulag stalinien.


Lorsqu'il s'agit d'écrire une réalité sociale, historique, économique, etc. qui est en elle-même sombre (guerres, dictatures, systèmes totalitaires, crises économiques...), l'écrivain a deux choix: celui du recul qu'introduit un recours immodéré à la plume alerte et légère de la satire, ou celui de retranscrire cette réalité telle qu'elle est, y compris dans ce qu'elle a de plus affreuse.


Boulgakov a choisi à l'évidence la première option. Il est vrai que la Russie soviétique des années 20 demeure encore suffisamment tolérante, même s'il s'agit déjà d'une dictature, pour admettre une certaine insolence, que favorise un climat d'optimisme croissant au fur et à mesure que s'éloignent les années de terreur de la guerre civile russe. L'ancien médecin monté à Moscou fut à l'évidence contaminé par cette atmosphère.


On surprend même Boulgakov le Blanc, le tsariste contre-révolutionnaire, auteur d'un premier roman dont le titre est à lui seul un programme, la Garde Blanche (et qu'il a eu le culot de publier en 1925, la censure l'ayant laissé passer malgré ses réserves), écrire une nouvelle dépeignant en termes très élogieux la femme de Lénine, Nadejda Konstantinovna Kroupskaïa...La dernière phrase de ce récit est quand même, excusez du peu: "Nadejda Konstantinovna, je vous remercie" (sic!)


Il faut se pincer pour y croire, et pourtant je vous assure que pour une fois, le narrateur, derrière lequel Boulgakov n'est jamais très loin, était sincère et s'exprimait sans l'ombre d'une intention railleuse. Il faut dire qu'elle était très humaine pour une bolchevik, tentant même de protéger des victimes des Grandes Purges, à tel point que Staline la détestait à cause de cela et l'a peut-être même fait empoisonner, en 1938...


Les autres bolcheviks dépeints dans cette nouvelle apparaissent plus stupides que réellement dangereux. Point n'est question ici de purges, d'arrestations nocturnes et de délations...Il y est en revanche question d'orateurs communistes qui s'expriment en des termes incompréhensibles pour ces mêmes prolétaires qu'ils prétendent défendre (quel ouvrier russe moyen aurait pu comprendre les allusions à la Révolution française faits par ce camarade du Parti?)


On assiste aussi à la naissance d'un écrivain: par rapport aux Récits d'un jeune médecin, d'où tout fantastique était absent et qui demeuraient très autobiographiques, Boulgakov accorde désormais une place accrue à cet imaginaire fantastique qui progressivement deviendra la marque incontournable de son écriture (certaines nouvelles sont de manière évidente des déformations satiriques voire fantastiques de la réalité...).


Un ensemble révélateur d'une symbiose heureuse entre la vie d'un écrivain et la réalité de son temps.
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Drolatique et tragique, à base de micro récits et petites nouvelles, les tracas de la vie quotidienne en URSS dans les années 20, et l'oeil malicieux de Boulgakov pour une narration savoureuse des misères du peuple russe. Ça m'a donné envie de relire le Maître et Marguerite, que j'avais adoré et que j'ai complètement oublié, à part l'humour de Boulgakov
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Boulgakov arrive çà Moscou sans le sou et nous souffre des nouvelles retraçant quelque peu sa trajectoire et l'état d'esprit, le système dans la Russie communiste des années 20.
A u menu lourdeur bureaucratique, ironie mordante et absurdité à bien des étages.
Intéressant, plein d'esprit mais très inégal.
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LA LOCOMOTIVE IVRE de MIKHAÏL BOULGAKOV
Recueil de nouvelles sur l'époque 1920, la vie en Russie, drôle et terrible en même temps.
Un humour corrosif et une vision sans concession.
Comme souvent avec cet auteur le fantastique affleure dans les récits.
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Très disparate mais le reflet d'une (brève et étrange) époque.
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De Boulgakov je ne connaissais, comme tout le monde ou presque, que "Le maitre et Marguerite" ainsi que le petit récit "Morphine"; je suis donc tombé sur celui-ci par hasard lors de la foire du livre de Paris...

Et le hasard fait vraiment bien les choses parfois, tant cette succession de petits textes, absurdes comme a pu l'être le monde communiste dans sa grande splendeur administrative, est un pur régal qui se lit tout seul... Difficile donc d'en faire un résumé car c'est une succession de nombreux petits textes alors disons simplement ceci : imaginez que Kafka prenne une bonne dose de gaz hilarant avant de décrire à nouveau le monde qui l'entoure...
Lien : http://yannfrat.com/blog/201..
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Entrez dans le Moscou des années 20. Boulgakov avec son rythme, sa fantaisie, son oeil parfait nous entraîne d'immeubles, en places, de gares en réunions politiques. Ce monde bousculé, pris dans la tempête d'un communisme de guerre et de la NEP a le visage d'un peuple qui garde en son coeur son âme russe.
Moscou ivre d'un destin qui lui échappe.
A lire sans aucune modération.

Astrid SHRIQUI GARAIN
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