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Jean-Louis Chavarot (Traducteur)
EAN : 9782073013965
96 pages
Gallimard (07/09/2023)
3.83/5   300 notes
Résumé :
"Morphine" de Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), l'auteur de "Maître et Marguerite", raconte la progressive intoxication par la morphine d'un médecin qui finit par se suicider. Une narration si réaliste qu'on ne peut s'empêcher de penser que l'auteur n'était pas un simple observateur. Effectivement, ce récit relate très précisément son épisode de morphinomanie en 1917 quand Boulgakov, de retour du front, fut muté comme médecin de campagne près de Smolensk. Journal intim... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (36) Voir plus Ajouter une critique
3,83

sur 300 notes
L'écrivain (et médecin) russe Mikhaïl Boulgakov nous met sous perfusion avec cette nouvelle addictive.

“Il serait très bon que les médecins aient la possibilité d'essayer sur eux-mêmes de nombreux médicaments. Ils auraient une tout autre idée de leur mode d'agir”

Ce journal d'un morphinomane nous renseigne sur le fait que les cordonniers sont souvent les plus mal chaussés. Les soignants eux-mêmes cèdent à la drogue, si facilement accessible, de nos jours le soupçon pèse encore sur les narines de nos étudiants en médecine comme de nos éminents chirurgiens…

L'auteur met en exergue un des ressorts psychologiques les plus déroutants de l'addiction, c'est la facilité avec laquelle on préjuge de nos propres forces, n'avez vous jamais entendu quelqu'un vous dire à propos de la cigarette par exemple “ah mais MOUA j'arrête quand j'veux”… de la même manière, le morphinomane se ment, ment aux autres, toujours demain sera la fin, encore un instant monsieur le bourreau pourrait-on presque l'entendre implorer. Tantôt pris d'un espoir et d'une résolution ferme de pouvoir s'en sortir, tantôt se complaisant dans une situation qu'il ne voudrait quitter pour rien au monde, comme chantait Amy “They tried to make me go to Rehab But I said no, no, no…”

Le lecteur se retrouve pris dans la seringue glaciale d'un talent littéraire total, empreint d'ironie et de suspense, une atmosphère tout à fait séduisante et efficace concourent à l'intensité de cette expérience de lecture.

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Russie, 1918. Un médecin se fait réveiller pendant sa garde à l'hôpital, pour tenter de sauver l'un de ses collègues qui vient de se faire sauter la cervelle… Mais pourquoi donc ? Quel mal incurable le rongeait ? Avec son dernier soupir, celui-ci lui lègue un cahier qu'il a tenu, une anamnèse, dans lequel notre narrateur trouvera les réponses à ses questions.
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Le titre nous dit déjà tout de l'addiction dont il sera question, mais seule la lecture du cahier restitué par le narrateur nous décrira par quelles épreuves le morphinomane est passé : d'une simple injection pour soigner une douleur ponctuelle, il trouve agréable l'apaisement physique qui en découle mais aussi mental, qui lui permet d'oublier une rupture récente, ainsi encore que l'efficacité de son cerveau débarrassé de toute douleur physique et mentale.
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Ne pouvant plus se passer de cette sensation, il devient vite accro : désagréable avec son infirmière qui s'en rend compte et le met en garde, roublard avec les pharmacies qu'il dévalise pour s'injecter sa dose quotidienne de plus en plus importante, inconscient avec sa propre santé physique (des infections apparaissent aux endroits des piqûres) et mentale (des hallucinations pourraient le mettre en danger ou ses patients). Mais il n'en a cure et refuse de se faire interner, car déjà il ne peut plus s'en passer.
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En seulement 40 pages, on a un bon aperçu de la rapidité de la descente aux enfers alors même qu'il s'agissait d'une personne avertie. En seulement 40 pages, l'ensemble reste pourtant assez léger finalement, trop pour que je me sente réellement à la place du personnage, à trembler avec lui. Surtout lorsqu'on sait que l'expérience était autobiographique, ce que je n'aurais jamais deviné si je ne l'avais lu dans la biographie de l'auteur.
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J'espérais, en l'ouvrant, que le sujet pouvait donner matière à divers effet de plume qui permettrait de vivre ce qui était décrit (comme l'a fait par exemple Benjamin DIERSTEN avec son personnage de flic sous médicament dans La Cour des mirages entre autre, ou dans un autre style Tom Wolfe décrivant les parties d'Acid test de Ken Kesey, etc…), ce qui n'a pas été mon cas.
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Peut-être le plus intéressant aurait été ces fameuses « pages arrachées » du cahier, sans doute les plus accablantes. Celles qui restent et qu'on nous livre sont cependant révélatrices des stades, paliers et ravages de la dépendance. Un témoignage somme toute assez factuel.
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« Mais il suffit d'un instant et la cocaïne dans mon sang, en vertu de quelque loi mystérieuse dont aucune pharmacologie ne donne de description, devient quelque chose d'autre. Je sais bien quoi : c'est le diable qui se mêle à mon sang. »
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Dans les Récits d'un jeune médecin, on découvrait un jeune praticien envoyé en 1917 dans un petit hôpital de campagne de la Croix-Rouge, à Mourievo, province de Smolensk, où il pratiquait, sans expérience et livré à lui-même, toute la médecine, se déplaçant dans la boue et le froid pour consulter ses malades au plus profond d'une Russie arriérée, superstitieuse et fataliste. Ce médecin dans Morphine s'est épanoui car il a quitté son hôpital reculé pour un autre en ville. Mais bientôt une lettre de son successeur, devenu toxicomane, le ramène à son point de départ.

Comme toujours avec Boulgakov, dans ces pages largement autobiographiques, sa vision d'une Russie souvent grotesque et pathétique est passionnante et… dérangeante.

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Ce n'est pas tant la quantité, mais la qualité qui compte.
Ce lieu commun, il m'est venu immédiatement à l'esprit après avoir lu ce très court récit d'un de mes auteurs préférés, Mikhaïl Boulgakov, lecture faisant suite à la très longue, trop longue, biographie de Kessel et Druon, Les partisans.
Récit de Boulgakov tiré de son recueil de nouvelles La garde blanche.

En une quarantaine de pages, le drame de l'addiction à la drogue.

Probablement une histoire tirée de l'expérience personnelle de Boulgakov, qui connut une période de morphinomanie.
On ne peut être qu'impressionné par la capacité de l'auteur à mettre à distance par la fiction cette expérience terrible, et d'en tirer un récit saisissant, si bien construit. Tout le génie de Boulgakov dans ce diamant noir.

Le narrateur, le Docteur Bomgard, un jeune médecin, est très content d'avoir pu quitter son lieu d'exercice où il a exercé pendant plusieurs mois dans un village isolé du monde, et d'y avoir été remplacé par un collègue qu'il a connu durant ses études, le Docteur Poliakov.
Il est maintenant dans une grande ville, dans un hôpital dont il se plaît à décrire tous les équipements et toutes les facilités d'exercer son métier.
Ayant reçu un message étrange de Poliakov, qui lui demande venir à son aide, car il est atteint d'un mal mystérieux, il met du temps à se mettre en route pour, arrivé sur les lieux, apprendre brutalement que Poliakov vient de se tirer une balle dans la poitrine.
A côté de son collègue mourant, il découvre un cahier qui lui est destiné.
C'est le journal de Poliakov, qui décrit dans le détail sa descente aux enfers. C'est précis, réaliste, poignant, terrible. Tous les sentiments, l'euphorie, la lâcheté, l'impossibilité de suivre un traitement de désintoxication à l'hôpital où il a tenté de faire une cure, les hallucinations, la déchéance physique, tout cela raconté dans un style haché, frénétique.
C'est absolument bouleversant.

L'épilogue de la nouvelle, une simple page.
Le Docteur Bomgard, dix ans plus tard, relit le journal de Poliakov.
Suit cette réflexion, qui est probablement celle de l'auteur, à propos de ces pages :
« Je ne suis pas psychiatre, et ne puis dire avec certitude si elles seront édifiantes, utiles..Je les crois utiles. »
Et, un peu plus loin, les dernières lignes « signées » dont on sent la tonalité cathartique (on comprend qu'on peut y remplacer Bomgard par Boulgakov):
«Puis-je publier ce journal qui m'a été donné? Je peux. Je le publie.
Docteur Bomgard »

A vrai dire, je ne sais s'il y a d'autres récits dans lesquels la narratrice ou le narrateur raconte son expérience de la drogue, je suppose qu'il y en a, mais je n'ai pas de point de comparaison.
Néanmoins, ici, c'est la transformation d'une expérience terrible en un bijou littéraire.
La littérature c'est cela aussi, je crois.
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Parfois insérée dans les Carnets d'un jeune médecin, Morphine est une nouvelle quasiment autobiographique de Bougakov- à l'exception de la mort du héros, tragique et inéluctable, qui n'a heureusement pas été celle de l'écrivain.

Comme souvent quand Boulgakov souhaite relater quelque chose de compromettant et de personnel, il se sert du procédé littéraire de l'insertion du journal intime dans le récit. La "mise en abyme" de ce récit dans le récit se fait ici au propre et au figuré, car il s'agit aussi d'une vraie descente en enfer.Dans les abîmes trompeurs et dévorants de la morphine.

Le docteur Bomgard , en pleine guerre et troubles révolutionnaires , est transféré d'un district perdu au milieu des neiges et de sombres forêts nommé Gorielevo à un chef-lieu de canton, puis, enfin, à son grand soulagement, à Moscou!

En 1918, il est remplacé dans son trou perdu par un obscur docteur Poliakov, un ancien collègue de faculté, apparemment gravement malade, et qui sollicite de toute urgence, par lettre, son aide comme un dernier recours.

Tout à l' euphorie égoïste de sa nouvelle nomination, Bomgard diffère sa réponse à la confuse missive de son jeune collègue et est réveillé par l'annonce de son suicide. On lui fait parvenir le journal intime dudit Poliakov et il découvre la maladie de Poliakov: il est morphinomane, et a confié à son journal l'histoire rapide, brutale, terrible de son addiction.

Très vite, le lecteur est lui aussi "addict" à ce récit cru, intime, sans concession, tellement criant de vérité qu'on ne doute pas un seul instant que tous ces paravents, Bomgard, Poliakov, cachent un seul et même médecin: Boulgakov lui-même, qui" tue" en le racontant, le médecin malade qu'il a été avant de devenir l'écrivain génial, ironique, puissant et courageux, auteur de Coeur de Chien, la Garde Blanche et le Maître et Marguerite.

Boulgakov a tenu à publier ce récit difficile, l'a remanié plusieurs fois: cet acte de mort- et de renaissance- sonne avec un tel accent de vérité qu'on en reste abasourdi.


"Bref, l'être humain n'existe plus," note Poliakov dans son journal. "Il est hors circuit. C'est un cadavre qui s'agite, languit, souffre. Qui ne veut rien, ne pense à rien, sauf à la morphine. de la morphine!"

On mesure l'incroyable effort qu'il lui a fallu pour s'arracher aux bras de Sister Morphine, pour mettre à distance ce personnage dévoré, hanté, blessé qui ne pouvait plus rien faire d'autre que penser à sa piqûre. Et pour enfin retrouver l'élan créatif, le désir vital à travers le miracle de l'écriture et la pratique de l'ironie.

Une longue nouvelle poignante et sidérante, qui m'a donné envie de relire tous les autres romans du maître, échappé par la force de sa volonté et celle de sa famille à cette "diablerie" d'un nouveau genre..


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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
"En quoi réside le mécanisme du sommeil ?... Je l’ai lu jadis dans un livre de physiologie... mais c’est un machin pas clair... je ne comprends pas ce que veut dire le sommeil... comment les cellules du cerveau s’endorment-elles ?! Comprends pas, soit dit entre nous."
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Donc, le docteur Poliakov est un voleur. J'aurai le loisir d'arracher cette page. Pour ce qui est de la pratique, en tout cas, il a poussé le bouchon un peu loin. Certes, je suis un dégénéré. C'est parfaitement exact. Mon sens moral commence à se désagréger. Mais travailler, je le peux, à aucun de mes patients je ne puis causer de mal ni de tort.
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Mon cœur commence à battre si fort que je le sens dans mes mains, dans mes tempes...et puis il tombe dans un gouffre et il y a des instants où je pense que le docteur Poliakov ne retrouvera plus jamais goût à la vie...
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Les bons esprits l'ont relevé de longue date, le bonheur est comme la santé : lorsqu'il est là, on ne le remarque pas. Mais que passent les années, il vous revient en mémoire, et de quelle façon !
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Le bonheur est comme la santé : lorsqu'il est là, on ne le remarque pas.
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« le Maître et Marguerite » de Mikhaïl Boulgakov, dans une nouvelle traduction d'André Marcowicz et Françoise Morvan, c'est aux éditions Inculte.
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