En attendant Bojangles, premier roman d'
Olivier Bourdeaut (dont on se souvient du succès mérité !), mettait en scène une mère prise de folie douce, modelant tout son univers familial par sa passion. Si
Florida propose à nouveau un personnage de mère « folle », la passion est, cette fois, vraiment dévastatrice, et la comédie tourne très vite au drame, sous la plume joyeusement grinçante de l'auteur. le portrait rose kitsch de la couverture annonce la couleur : à sept ans, la petite Elizabeth se voit, à cause du caprice de cette « Reine Mère », transformée en « poupée », en candidate hebdomadaire des concours de beauté, en mini-miss aspirante à la couronne. le père, « le Valet » de ce mauvais jeu, reste le spectateur falot et impuissant de l'emprise qu'entend exercer la mère sur sa fille, la transformant en jouet de son fantasme de gloire. Un jour, pourtant, désespérée de n'être que la victime de cette obsession maternelle, qui rapporte à ses parents un peu d'argent à cause des retombées publicitaires, sans qu'ils lui témoignent quelque amour en retour, la petite fille devenue adolescente se rebiffe, créant le scandale sur scène… Et ce n'est que la première étape d'un long processus de vengeance, mais aussi d'autodestruction, marqué par les transformations successives de son corps. Si on se laisse, d'un bout à l'autre du récit, séduire par l'humour vachard, la verve acide d'
Olivier Bourdeaut, si on prend vrai plaisir à fréquenter sa galerie de personnages un peu foutraques comme Alec, le Rasta Blanc, ou César, le tyrannique coach en culturisme, la plus grande réussite de ce roman-fable, en effet, est d'interroger notre relation au corps, quand notre désir de beauté se transforme paradoxalement, pour soi-même ou autrui, en manipulation sadique ou masochiste.
Florida, le visage d'une Amérique botoxée et grimaçante, qui nous ressemble aussi… Un nouveau coup de maître du magicien Bourdeaut !