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446 pages
Tallandier (10/05/1937)
3.5/5   1 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Conteur graphomane et délirant de romans d'aventure pour la jeunesse, Louis Boussenard fit les délices de la jeunesse populaire des années 1880 à 1910, où sa frénésie d'écriture, son imagination débordante, mais aussi une rigoureuse érudition, d'ordinaire plutôt fantasque et lacunaire dans ce type de littérature, lui valurent un succès constant et international - il fut longtemps abondamment traduit en Russie, où beaucoup de ses livres restent disponibles, alors qu'ils sont totalement épuisés en France depuis plus d'un demi-siècle.
En vérité, et à quelques exceptions près, Louis Boussenard n'est plus imprimé depuis 1937 (date de l'édition ci-dessus). Il est vrai qu'à l'instar des romans de Paul d'Ivoi, publiés semblablement en feuilleton par le « Journal des Voyages » et en volumes par Tallandier, c'est un type de littérature qui parait aujourd'hui bien désuet, et qui pose également des problèmes éthiques, puisque nombre de ces récits se passent dans des pays exotiques, décrits selon la vision coloniale et souvent raciste de leur temps.
Toutefois, résumer de tels romans à ces seules considérations, c'est évidemment très injuste, car Boussenard était un feuilletoniste hors pair, à l'imagination féconde et baroque, même si, là aussi comme Paul d'Ivoi, le conteur a tendance à souvent bégayer, voire même à tirer un malin plaisir à raconter les mêmes histoires en cherchant de nouvelles variations...
Comme c'est souvent le cas dans les rééditions de Tallandier, il y a en fait ici deux romans qui se retrouvent fondus en un seul, sans que ce soit jamais précisé. On retrouve donc dans ce volume : « Les Exploits d'une Ambulancière » (1897), et sa suite, « L'Île en Feu » (1898).
Ces deux romans narrent les aventures de Friquette, à ma connaissance la seule héroïne féminine de Boussenard. Ce dernier connut ses premiers succès, avec une série de romans mettant en scène Friquet, le "gamin de Paris" (1880-1886), un titi parisien vivant d'incroyables aventures à travers le monde. Incapable de s'en séparer tout à fait, Louis Boussenard le fit régulièrement revivre sous différentes incarnations, dont cette version féminine (Friquette) mais aussi sous les traits du propre fils de Friquet, nommé Totor, dans « le Fils du Gamin de Paris » (1909).
Cependant, point de filiation directe pour Friquette, dont cette appellation n'est qu'un surnom : Louis Boussenard la présente comme une lectrice assidue de… Louis Boussenard, dont elle a dévoré avec tant de passion les aventures de Friquet que ses parents l'ont surnommé Friquette. Cependant, que l'on ne s'imagine pas pour autant que cette boulimie de lecture d'évasion cache une âme oisive : Friquette est une étudiante brillante, qui a choisi la médecine. Arrivée presque à la fin de ses études – à seulement 17 ans, comme on l'apprendra plus tard (les études allaient drôlement vite en ce temps-là) -, Friquette réalise qu'elle a peu d'expérience pratique, et qu'à l'instar du héros de son enfance, elle aurait bien envie de courir le monde, là où ses jeunes talents seraient désespérément utiles. Aussi se mettant en cheville avec l'Ambassade de France, elle part comme ambulancière sur des champs de bataille internationaux, où la France est présente diplomatiquement, souvent d'ailleurs dans des guerres d'indépendance.
C'est pour l'astucieux Louis Boussenard l'occasion d'utiliser Friquette pour tirer un trait d'union entre différents conflits du monde qui défrayaient l'actualité dans les années 1895-1897. Ainsi le premier roman, « Les Exploits d'une Ambulancière », dépeint notre Friquette soignant, guérissant ou accompagnant dans leurs derniers instants des blessés en guerre de Corée (unique encore, mais doublement envahie par la Chine et le Japon), puis à Madagascar, où cette fois-ci, c'est l'armée française qui a le mauvais rôle, bien que selon l'auteur, c'est avant tout le climat difficile de l'île qui est responsable de la déchéance coloniale qui y a lieu.
Boussenard s'étale goguenard sur les aberrantes – et néanmoins authentiques - "voitures Lefebvre", des sortes de chariots métalliques, tenant de la brouette géante renversée, dont la France a inondé Madagascar dans les années 1880. Hélas, les "voitures Lefebvre" avaient été testées en France, sur un terrain plat. À Madagascar, le poids massif de ces attelages épuisait des mulets déjà peu vaillants, les roues s'enfonçaient dans les terrains sableux, ou butaient sans espoir contre des rochers abrupts. le fer des chariots brûlait rapidement les mains une fois chauffé par le soleil africain, puis finissait par rouiller, oxydé par l'air marin de l'île. Rarement une invention française aura été aussi peu inspirée, et selon Boussenard, les usines Lefebvre ne sont pas pour rien dans la révolte des malgaches contre ces colons français qui leur ont tant compliqué l'existence.
Enfin, Friquette goûte un repos bien mérité au large des côtes d'Éthiopie, où l'attend sa prochaine mission, alors que ce pays, ami de la France, est en guerre contre l'Italie. Mais hélas, Friquette vogue sur un navire qui fait du trafic d'armes. Accusée de complicité et d'espionnage par les Italiens, elle est condamnée à mort et enfermée. Là, surveillée par un gardien haineux, qui ne laisse entrer dans sa cellule que la jeune femme qui sert les repas, une éthiopienne aveugle, Friquette, qui aime autant se rendre utile en attendant la mort, soigne la jeune femme avec des médicaments qu'elle a gardé cachés dans ses chaussures (?) et son soutien-gorge (??) – seul moment un peu torride du roman, hélas – et finit par lui rendre la vue (???). La jeune fille et son père, pour remercier Friquette, lui teignent la peau et les cheveux en noir, puis, après avoir maîtrisé le gardien, la font évader, costumée en Ethiopienne. C'est le début d'une longue fuite à cheval, alors que Friquette est poursuivie sans relâche par l'armée italienne. Classique mais efficace, cette dernière partie des « Exploits d'une Ambulancière » est indéniablement la meilleure.
« L'Île en Feu » démarre de manière semblable, mais va bien vite évoluer vers un western révolutionnaire et latino. L'île en question, c'est Cuba, qui vit sa première guerre d'indépendance contre l'Espagne. C'est lors de cette révolte que naît le mot d'ordre « Cuba Libre », devenu depuis le simple nom d'un cocktail.
La France est alors aux côtés de l'Espagne, mais la cruauté des Espagnols révulse Friquette, et alors que les leaders de la révolution, un frère et une soeur, sont blessés, le colonel espagnol ayant capturé les deux leaders exige de Friquette qu'elle les remette juste assez en forme pour pouvoir les torturer et les fusiller. N'écoutant que son bon coeur, Friquette délivre les deux jeunes gens et s'enfuit avec eux pour prêter main forte à la révolution…
C'est à dessein que j'ai parlé de western, car ce roman plus linéaire que le précédent, et se passant exclusivement à Cuba, dénote une très forte influence américaine, doublant le récit historique d'une romance shakespearienne entre le leader cubain et métis, et la fille espagnole d'un planteur, qui refuse de donner sa fille à un "métèque". Touchante dénonciation du racisme espagnol, mais qui serait plus convaincante si Boussenard ne s'était déjà longuement répandu sur la race prétendument simiesque des asiatiques et sur la débilité mentale des malgaches et des éthiopiens. D'ailleurs, comme si ça ne suffisait pas, Boussenard fait tomber notre héroïne au beau milieu d'une secte vaudou et cannibale, qui prétend la dévorer avec ses amis après un rituel risible. Heureusement, tout se résoudra dans un assez violent bain de sang, où il sera bien précisé que ces gens-là étant à moitié humains, autant les réduire en charpie à coups de plomb…
Au final, tout est bien qui finit bien : l'occupant espagnol est chassé (prémonitoire, car le conflit n'était pas encore achevé au moment où parut ce roman), le beau leader métis épouse sa bourgeoise espagnole après que son père ait été tué, et Friquette elle-même, dont on se demandait si la libido s'éveillerait un jour, rencontre à Cuba un français qui est en fait un cousin indirect. Voyez comme le monde est petit !
Après qu'il l'eut fait rapatrier en France, Friquette et son cousin resté à Cuba échangent une longue correspondance qui, on le devine, débouchera sur un mariage, car Friquette, blessée par un boulet de canon, en a définitivement soupé des aventures, alors autant se marier et faire des enfants, n'est-ce pas ?...
Néanmoins, il faut relativiser ce happy end patriarcal, car « Les Exploits d'une Ambulancière » et « L'Île en Feu » sont des romans plutôt féministes, peut-être moins par idéologie que parce qu'il faut bien justifier que la jeune héroïne soit en permanence exposée à tous les dangers. Où qu'elle aille, Friquette tombe forcément sur un supérieur militaire qui l'enjoint à rentrer en France - car la guerre n'est pas faite pour les jeunes filles -, et auquel elle oppose toute sa détermination et son courage de femme qui exige d'être prise au sérieux. Son argument d'ailleurs est que les femmes sont là pour réparer ce que les hommes brisent, et que son adorable blondeur angélique (l'illustrateur de la couverture de l'édition de 1937 était apparemment mal renseigné) donne aux blessés l'envie et le courage de ne pas se laisser mourir, et d'affronter les douleurs qu'exigent les soins. Friquette sauve d'ailleurs deux hommes qui vont devenir ses assistants et ses seconds couteaux : le kabyle Barca, volontaire à Madagascar, et qui la suivra jusqu'en Éthiopie, où il épousera finalement une très jeune fille locale, et le marseillais de service, qui bien entendu s'appelle Marius, colosse débonnaire mais qui cogne dur sur les Espagnols, et interjecte des "trouns de l'air" à tout bout de champ.
Tout cela est certes fort daté, et ne manque pas de clichés balourds assez souvent ridicules, qui, en plus, nous ramènent à une époque bien lointaine où la perspective d'assister à une guerre faisait rêver nos jeunes têtes blondes. Mais il faut reconnaître que le menu de ces aventures est copieux, enlevé, même si, de par sa fonction d'ambulancière de guerre, Friquette est très limitée au niveau de ses actions, et souvent l'aventure ne commence vraiment que parce qu'elle est enlevée, enfermée, perdue, égarée et/ou en danger de mort. Cependant, increvable et d'une bonne humeur inaliénable, Friquette revient vite à ce métier sérieux et nécessaire qu'elle a fait sien, et dont il est exclu de déserter...
Enfin, ces deux romans valent aussi par leurs contextes, Boussenard ayant choisi des destinations et des conflits rarement abordés en littérature française d'évasion. le côté pédagogique, instructif, ainsi que la valeur historique de ce qui est narré ici, sont loin d'être négligeables, et compensent le manque regrettable de cette fantaisie nanardesque si réjouissante que l'on trouve habituellement dans les oeuvres de Boussenard, et qui se fait ici bien plus discrète.
Le lecteur curieux et amateur d'insolite passera donc un assez bon moment, en dépit des nombreuses redites, d'un contexte belliqueux peu attrayant et d'inévitables longueurs et piétinements, car la guerre, c'est toujours très lent, comme on peut d'ailleurs s'en rendre compte quotidiennement à notre triste époque…
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