Juste avant de commencer ce livre, j'ai eu une crainte, qu'il ne soit à peu de choses près une variation sur le thème du roman précédent de l'auteur,
Les saisons de la solitude, qui m'avait très légèrement laissée sur ma fin, après le magnifique Chemin des âmes. Voulant garder intactes les premières impressions sur ce nouveau roman que je n'aurais pour rien au monde raté, je n'ai pratiquement rien lu le concernant. Je me suis donc retrouvée en plein XVIIème siècle, lorsque les missionnaires jésuites commencèrent à s'immiscer en Nouvelle-France pour tenter de convertir les populations locales. Leur intérêt se porta d'abord sur les groupes d'agriculteurs dont le mode de vie paraissait plus proche de celui des français, plutôt que les chasseurs... C'est ainsi qu'ils tentèrent d'approcher les Hurons et de les convertir.
Trois voix alternent dans ce roman, celle d'un jésuite « pionnier », un des tout premiers « Corbeaux » à entrer en territoire indien, celle de Chute-de-Neige, une toute jeune fille enlevée par une tribu ennemie, celle d'Oiseau, chef de cette tribu de Hurons.
Les points de vues, les sentiments, la spiritualité de chacun est ainsi vécue de l'intérieur d'une manière étonnante. Que cela ne vous laisse pas croire qu'il s'agit d'un livre contemplatif, vraiment pas, les évènements s'y succèdent sans laisser le temps de reprendre pied. Pour les âmes sensibles, sachez que les actes qui sont perpétrés entre ces pages sont parfois insoutenables (j'ai laissé deux ou trois fois glisser mon regard un paragraphe plus bas pour les éviter) mais vraiment pas de manière gratuite. Hurons et iroquois se menaient une guerre impitoyable, et de par leurs traditions, avaient à coeur de montrer le courage de leurs adversaires en les poussant jusqu'aux dernières limites de la douleur. L'auteur, dans un entretien que j'ai lu, avoue avoir hésité à décrire ces séquences, mais s'être senti obligé de ne pas les passer sous silence. Les scènes de vie quotidienne, d'entraide, de respect mutuel, d'amitié, viennent heureusement en atténuer le choc.
L'aspect historique m'a semblé parfaitement bien documenté, et je me suis prise d'intérêt autant pour les cultures pratiquées (les « trois soeurs » maïs, courge et haricot), que pour la création d'un village pour les premiers colons, le commerce des peaux et des armes, les épidémies qui touchèrent les indiens, les querelles fratricides, l'influence grandissante des jésuites ou les relations qu'ils faisaient de leurs expériences au Canada. La fin, d'un réalisme des plus angoissants, laisse bouche bée et le coeur battant…
Terriblement bien écrit, bien construit, c'est une fresque bouleversante, un hymne aux populations natives du Canada, un très grand roman !
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