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Jessica Jones tome 3 sur 3
EAN : 9782809473308
136 pages
Panini France (12/09/2018)
5/5   2 notes
Résumé :
L'Homme-Pourpre s'est échappé de prison et il revient régler ses comptes avec Jessica Jones. Suite et fin des aventures de l'héroïne sous la plume de ses créateurs, Brian M. Bendis et Michael Gaydos.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce tome fait suite à Jessica Jones Vol. 2: The Secrets of Maria Hill (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Dans la mesure où il s'agit d'une saison complète, il faut avoir commencé par le premier tome. Ce tome comprend les épisodes 13 à 18, les derniers de la série, initialement parus en 2018, écrits par Brian Michael Bendis, dessinés et encrés par Michael Gaydos, mis en couleurs par Matt Hollingsworth, avec des couvertures réalisées par David Mack, la même équipe créatrice pour tous les épisodes de la série. Il se termine avec une postface d'un page en petits caractères, écrite par Bendis pour dire au revoir au personnage.

Jessica Jones en a eu la confirmation : Zebediah Killgrave (Purple Man) est à nouveau libre de ses mouvements. Il peut être n'importe où, avoir pris la main sur l'esprit de n'importe qui, s'apprêter à reprendre le contrôle du corps et de l'esprit de Jessica Jones comme il a l'a fait par le passé. Elle est dans un état de paranoïa aigüe et de panique totale. Consciente de sa propre détresse, Jessica Jones se fait violence, et contre toutes ses habitudes, elle va demander de l'aide, en l'occurrence à Carol Danvers (Captain Marvel), sa meilleure amie. Elle frappe à sa porte, en portant sa fille Danielle Cage dans son siège bébé-auto. Dans un parc aquatique, Zebediah Killgrave s'est assis au milieu de la foule dans les gradins pour jouir du spectacle d'un orque dressé effectuant des acrobaties. Sa voisine engage la conversation en l'interrogeant sur sa couleur de peau, bien que sa copine ne soit pas entièrement rassurée par l'allure de Killgrave. Ce dernier se lasse rapidement de ce bavardage et lui demande de quitter les gradins, puis il intime à tous les spectateurs de partir.

Carol Danvers a accepté d'apporter son aide à Jessica Jones et l'a emmenée avec sa fille Danielle dans une base secrète abandonnée de Nick Fury. Carol conseille à Jessica d'appeler son mari Luke Cage pour lui expliquer la situation. Elle suppose qu'elle et Luke ont établi un mot de passe secret pour ce genre de situation, afin que Jessica ait l'assurance qu'il n'est pas sous l'emprise mentale de Killgrave. À Harlem, Luke Cage est en train de se battre contre Armadillo (Antonio Rodriguez) qu'il envoie au tapis avec force. Tant bien que mal Cage finit par comprendre qu'il doit prononcer le mot de passe au téléphone. Dès qu'il a compris que Killgrave est dans la nature, Cage raccroche, plante Daniel Rand sur place, et bondit le plus vite qu'il peut vers Ryker's Island pour aller dire sa façon de penser au gardien qui a laissé Purple Man s'échapper, et qui en plus n'a averti personne. Dans la planque souterraine délaissée de Nick Fury, Carol Danvers indique à Jessica qu'elle va aller trouver Cage pour éviter qu'il n'aille trop loin et qu'il se retrouve lui-même en prison. À peine est-elle partie que Jessica découvre que Zebediah Killgrave est beaucoup plus près d'elle qu'elle n'aurait pu le craindre.

C'était clairement annoncé dans la dernière page du tome précédent : celui-ci est le dernier et Jessica Jones se retrouve face à Zebediah Killgrave, l'individu qui lui a fait subir un sort pire que le viol pendant plusieurs mois, un individu au pouvoir tel qu'il peut prendre le contrôle de votre esprit à votre insu, et choisir si vous en êtes conscient ou non, bref le pire cauchemar qu'on puisse imaginer. le premier épisode commence dans le plus pur style Bendis des années 2000, avec des cartouches de texte pour un flux de pensée, accompagnés par une mise en page en provenance tout droit de la même époque : une quinzaine de cases de la même taille avec une tête différente dans chaque case. Par la suite, le lecteur retrouve les dialogues dit à la Bendis, des personnages qui se coupent la parole, qui répètent ce qu'ils viennent de dire, qui réfléchissent à haute voix. Michael Gaydos fait feu de tout bois pour varier les mises en pages à ces occasions, y compris des cases de la hauteur de la page avec un tête en train de parler en bas de page, et une alternance de phylactères entre les 2 interlocuteurs, pour un moment à l'intérêt visuel très limité, une forme de mise en scène pour feuilleton avec un budget un peu limité. le lecteur a également le droit à la mort d'un personnage qui en fait ne l'est pas et c'est révélé 2 pages plus loin, comme si les auteurs avaient juste voulu bénéficier de l'effet choc de la scène. Gaydos s'amuse également avec quelques inscriptions sur teeshirt ou sur des panneaux publicitaires, à la gloire de Dazzler (Alison Blaire), ou carrément à la gloire du scénariste, l'un d'entre eux proclamant : Bendis sauve le monde. de ce point de vue, ils revisitent les tics d'écriture qu'ils ont développés sur la série initiale [ASIN:0785121218 Alias]], consacrée à Jessica Jones (2001-2004, 28 épisodes).

Ce tome est donc celui où les auteurs se font plaisir et disent au revoir à leur création, entre autres parce que par la suite ils sont partis travailler pour DC Comics. Si le lecteur est devenu allergique aux spécificités narratives de Bendis, il vaut mieux qu'il passe son chemin car il y serait exposé à haute dose dans ce dernier tome. Si le lecteur est attaché à Jessica Jones, il est aux anges. L'enjeu du récit est d'offrir au personnage sa revanche sur l'immonde individu qui a détruit sa vie en la soumettant à son contrôle mental. Pour le lecteur qui a lu la première série Alias, c'en est la suite directe. Il retrouve les dessins photoréalistes de Michael Gaydos qui font toujours penser à ceux d'Alex Maleev sur la série Daredevil quand elle était écrite par Brian Michael Bendis. L'artiste utilise des photographies de décors réels (façades de rue, intérieur de magasin ou d'appartement) qu'il modifie ensuite par des logiciels d'image. le résultat donne une impression photoréaliste, sans être surchargé car Gaydos joue sur les contrastes pour ne conserver qu'une partie des axes structurant des photographies, l'augmentation du contraste aboutissant à l'équivalent de traits encrés un peu épais, à l'enveloppe parsemée d'irrégularités. À la fois le lecteur peut se projeter dans chaque décor car ils sont très concrets ; à la fois ils sont simplifiés de telle sorte à ne pas surcharger les cases. En outre, les couleurs de la photographie sont entièrement éliminées, Matt Hollingsworth travaillant dans le même sens que Gaydos pour conserver un bon niveau de lisibilité. Ainsi il n'adopte pas une approche naturaliste, mais il met en oeuvre des camaïeux sur la base d'une teinte majeur pour les décors. Il ne tartine pas tout dans un mélange homogène, car s'il y prête attention, le lecteur se rend compte qu'il joue sur les nuances pour souligner discrètement la distance entre les différents plans.

Michael Gaydos a donc fort à faire pour trouver des solutions graphiques aux scènes conçues par Bendis. Dans le même temps, le lecteur sait qu'ils collaborent de manière assez proche. Il commence par apprécier la solution pour rendre compte de la paranoïa montante de Jessica Jones, sachant que Killgrave peut prendre possession de n'importe qui, dans 3 compositions en double page inattendues. Il retrouve 2 ou 3 trucs et astuces développés sur la série précédente, pour réaliser une page à moindre frais, à base de photocopiage de cases, mais en quantité très limitée et employée avec pertinence. Il se rend compte que l'usage de décors à base de photographie permet à l'artiste de conserver un intérêt visuel aux cases, avec un décor consistant apportant des informations. L'artiste utilise une direction d'acteurs de type naturaliste, qui donne des indications sur l'état d'esprit et sur le caractère des protagonistes, en fonction de la manière dont ils réagissent, dont ils se tiennent, dont ils se déplacent. Cette approche à nouveau réaliste est couplée à une mise en scène qui ne dramatise pas chaque scène, chaque mouvement, qui ne transforme pas chaque posture en un geste théâtral. Ce choix de mise en scène donne plus de crédibilité, à la fois à des gestes banals comme de boire à la bouteille, et à des incidents dévalorisants comme Jessica finissant un vol autonome mal assuré, en s'écrasant contre une poubelle de rue.

Dans le même temps, Michael Gaydos sait aussi composer des cases plus impressionnantes pour elles-mêmes, et pas juste comme une étape dans la narration séquentielle : l'orque sautant hors de l'eau, Danielle se tenant debout, une licorne décorant le mur d'un restaurant, une foule en train de se massacrer, ou encore le pauvre Armadillo en train de dérouiller. Mis à part l'épisode 17, le lecteur ressent un bon équilibre dans la nature des séquences, et une forte implication de l'artiste pour ne pas s'en tenir à une narration visuelle mécanique, réalisée au kilomètre. Il en va de même pour le scénario de Brian Michael Bendis qui, certes, se fait plaisir, mais donne aussi l'occasion de sa revanche à Jessica Jones sur son tortionnaire pervers. Cela aboutir à une balle en plein coeur particulièrement satisfaisante, mais qui n'est pas la fin. En effet le scénariste donne au lecteur ce qu'il attend par 2 fois. Il est évident que les superhéros se sont préparés à l'éventualité de la réapparition de Purple Man dans la vie de Jessica Jones et qu'ils ne prendront pas de gant. Cette phase du récit alimente un suspense de qualité, avec une paranoïa des plus justifiées, pour un bon thriller. Mais ce n'est pas suffisant.

Dans une autre phase, Bendis choisit de ne pas se limiter à la solution de facilité qui est celle de la vengeance, et de placer son héroïne face à un choix moral plus complexe, une tentation irrésistible. Elle doit aussi faire face à de nouvelles humiliations, à commencer par la possession de Captain Marvel (sa meilleure amie) par Killgrave. À travers ces épreuves (tentation + humiliations), le scénariste sonde le caractère profond de son personnage. Il évoque l'angoisse de l'incertitude absolue générée par des événements arbitraires (Purple Man en devient l'incarnation), la peur de perdre son enfant, la tentation d'envisager le monde uniquement d'un point de vue égocentrique, la difficulté d'être courageux (quitte à chercher de l'aide dans des produits comme l'alcool), la possibilité de pardonner, le droit à la rédemption. le lecteur retrouve un auteur questionnant la nature humaine, s'interrogeant sur les valeurs morales, la vanité de ce concept que tout à chacun met à mal chaque jour de sa vie. Là encore, il ne choisit pas la voie de la facilité et son personnage devient l'instrument de ses propres questionnements. Enfin, il a l'élégance de terminer avec un dernier épisode dans lequel Jessica Jones réussit à résoudre une enquête à sa manière, n'y arrivant que parce que c'est elle et qu'elle utilise les leçons apprises au fil de son histoire personnelle. Il en profite aussi pour justifier les apparitions d'Armadillo dans cette histoire et dans les autres séries qu'il a écrites au même moment.

Avec ce dernier tome, le lecteur se souvient de tous les tics d'écriture qui ont fini par le lasser dans l'écriture de Brian Michael Bendis. Dans le même temps, il constate aussi les qualités de narrateur de Michael Gaydos, sa complémentarité avec ce scénariste. Bendis apporte la confrontation tant attendue entre Jessica et Killgrave, comblant les attentes du lecteur, et les dépassant, en renouant avec ses meilleurs polars, reconnaissant la noirceur de l'humanité, et mettant à nu ce qui permet à Jessica Jones (et sûrement à lui) d'y résister. 5 étoiles pour une fin réussie.
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Ce tome fait suite à Jessica Jones, tome 2 : Les Secrets de Maria Hill (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Dans la mesure où il s'agit d'une saison complète, il faut avoir commencé par le premier tome. Ce tome comprend les épisodes 13 à 18, les derniers de la série, initialement parus en 2018, écrits par Brian Michael Bendis, dessinés et encrés par Michael Gaydos, mis en couleurs par Matt Hollingsworth, avec des couvertures réalisées par David Mack, la même équipe créatrice pour tous les épisodes de la série. Il se termine avec une postface d'un page en petits caractères, écrite par Bendis pour dire au revoir au personnage.

Jessica Jones en a eu la confirmation : Zebediah Killgrave (Purple Man) est à nouveau libre de ses mouvements. Il peut être n'importe où, avoir pris la main sur l'esprit de n'importe qui, s'apprêter à reprendre le contrôle du corps et de l'esprit de Jessica Jones comme il a l'a fait par le passé. Elle est dans un état de paranoïa aigüe et de panique totale. Consciente de sa propre détresse, Jessica Jones se fait violence, et contre toutes ses habitudes, elle va demander de l'aide, en l'occurrence à Carol Danvers (Captain Marvel), sa meilleure amie. Elle frappe à sa porte, en portant sa fille Danielle Cage dans son siège bébé-auto. Dans un parc aquatique, Zebediah Killgrave s'est assis au milieu de la foule dans les gradins pour jouir du spectacle d'un orque dressé effectuant des acrobaties. Sa voisine engage la conversation en l'interrogeant sur sa couleur de peau, bien que sa copine ne soit pas entièrement rassurée par l'allure de Killgrave. Ce dernier se lasse rapidement de ce bavardage et lui demande de quitter les gradins, puis il intime à tous les spectateurs de partir.

Carol Danvers a accepté d'apporter son aide à Jessica Jones et l'a emmenée avec sa fille Danielle dans une base secrète abandonnée de Nick Fury. Carol conseille à Jessica d'appeler son mari Luke Cage pour lui expliquer la situation. Elle suppose qu'elle et Luke ont établi un mot de passe secret pour ce genre de situation, afin que Jessica ait l'assurance qu'il n'est pas sous l'emprise mentale de Killgrave. À Harlem, Luke Cage est en train de se battre contre Armadillo (Antonio Rodriguez) qu'il envoie au tapis avec force. Tant bien que mal Cage finit par comprendre qu'il doit prononcer le mot de passe au téléphone. Dès qu'il a compris que Killgrave est dans la nature, Cage raccroche, plante Daniel Rand sur place, et bondit le plus vite qu'il peut vers Ryker's Island pour aller dire sa façon de penser au gardien qui a laissé Purple Man s'échapper, et qui en plus n'a averti personne. Dans la planque souterraine délaissée de Nick Fury, Carol Danvers indique à Jessica qu'elle va aller trouver Cage pour éviter qu'il n'aille trop loin et qu'il se retrouve lui-même en prison. À peine est-elle partie que Jessica découvre que Zebediah Killgrave est beaucoup plus près d'elle qu'elle n'aurait pu le craindre.

C'était clairement annoncé dans la dernière page du tome précédent : celui-ci est le dernier et Jessica Jones se retrouve face à Zebediah Killgrave, l'individu qui lui a fait subir un sort pire que le viol pendant plusieurs mois, un individu au pouvoir tel qu'il peut prendre le contrôle de votre esprit à votre insu, et choisir si vous en êtes conscient ou non, bref le pire cauchemar qu'on puisse imaginer. le premier épisode commence dans le plus pur style Bendis des années 2000, avec des cartouches de texte pour un flux de pensée, accompagnés par une mise en page en provenance tout droit de la même époque : une quinzaine de cases de la même taille avec une tête différente dans chaque case. Par la suite, le lecteur retrouve les dialogues dit à la Bendis, des personnages qui se coupent la parole, qui répètent ce qu'ils viennent de dire, qui réfléchissent à haute voix. Michael Gaydos fait feu de tout bois pour varier les mises en pages à ces occasions, y compris des cases de la hauteur de la page avec un tête en train de parler en bas de page, et une alternance de phylactères entre les 2 interlocuteurs, pour un moment à l'intérêt visuel très limité, une forme de mise en scène pour feuilleton avec un budget un peu limité. le lecteur a également le droit à la mort d'un personnage qui en fait ne l'est pas et c'est révélé 2 pages plus loin, comme si les auteurs avaient juste voulu bénéficier de l'effet choc de la scène. Gaydos s'amuse également avec quelques inscriptions sur teeshirt ou sur des panneaux publicitaires, à la gloire de Dazzler (Alison Blaire), ou carrément à la gloire du scénariste, l'un d'entre eux proclamant : Bendis sauve le monde. de ce point de vue, ils revisitent les tics d'écriture qu'ils ont développés sur la série initiale [ASIN:0785121218 Alias]], consacrée à Jessica Jones (2001-2004, 28 épisodes).

Ce tome est donc celui où les auteurs se font plaisir et disent au revoir à leur création, entre autres parce que par la suite ils sont partis travailler pour DC Comics. Si le lecteur est devenu allergique aux spécificités narratives de Bendis, il vaut mieux qu'il passe son chemin car il y serait exposé à haute dose dans ce dernier tome. Si le lecteur est attaché à Jessica Jones, il est aux anges. L'enjeu du récit est d'offrir au personnage sa revanche sur l'immonde individu qui a détruit sa vie en la soumettant à son contrôle mental. Pour le lecteur qui a lu la première série Alias, c'en est la suite directe. Il retrouve les dessins photoréalistes de Michael Gaydos qui font toujours penser à ceux d'Alex Maleev sur la série Daredevil quand elle était écrite par Brian Michael Bendis. L'artiste utilise des photographies de décors réels (façades de rue, intérieur de magasin ou d'appartement) qu'il modifie ensuite par des logiciels d'image. le résultat donne une impression photoréaliste, sans être surchargé car Gaydos joue sur les contrastes pour ne conserver qu'une partie des axes structurant des photographies, l'augmentation du contraste aboutissant à l'équivalent de traits encrés un peu épais, à l'enveloppe parsemée d'irrégularités. À la fois le lecteur peut se projeter dans chaque décor car ils sont très concrets ; à la fois ils sont simplifiés de telle sorte à ne pas surcharger les cases. En outre, les couleurs de la photographie sont entièrement éliminées, Matt Hollingsworth travaillant dans le même sens que Gaydos pour conserver un bon niveau de lisibilité. Ainsi il n'adopte pas une approche naturaliste, mais il met en oeuvre des camaïeux sur la base d'une teinte majeur pour les décors. Il ne tartine pas tout dans un mélange homogène, car s'il y prête attention, le lecteur se rend compte qu'il joue sur les nuances pour souligner discrètement la distance entre les différents plans.

Michael Gaydos a donc fort à faire pour trouver des solutions graphiques aux scènes conçues par Bendis. Dans le même temps, le lecteur sait qu'ils collaborent de manière assez proche. Il commence par apprécier la solution pour rendre compte de la paranoïa montante de Jessica Jones, sachant que Killgrave peut prendre possession de n'importe qui, dans 3 compositions en double page inattendues. Il retrouve 2 ou 3 trucs et astuces développés sur la série précédente, pour réaliser une page à moindre frais, à base de photocopiage de cases, mais en quantité très limitée et employée avec pertinence. Il se rend compte que l'usage de décors à base de photographie permet à l'artiste de conserver un intérêt visuel aux cases, avec un décor consistant apportant des informations. L'artiste utilise une direction d'acteurs de type naturaliste, qui donne des indications sur l'état d'esprit et sur le caractère des protagonistes, en fonction de la manière dont ils réagissent, dont ils se tiennent, dont ils se déplacent. Cette approche à nouveau réaliste est couplée à une mise en scène qui ne dramatise pas chaque scène, chaque mouvement, qui ne transforme pas chaque posture en un geste théâtral. Ce choix de mise en scène donne plus de crédibilité, à la fois à des gestes banals comme de boire à la bouteille, et à des incidents dévalorisants comme Jessica finissant un vol autonome mal assuré, en s'écrasant contre une poubelle de rue.

Dans le même temps, Michael Gaydos sait aussi composer des cases plus impressionnantes pour elles-mêmes, et pas juste comme une étape dans la narration séquentielle : l'orque sautant hors de l'eau, Danielle se tenant debout, une licorne décorant le mur d'un restaurant, une foule en train de se massacrer, ou encore le pauvre Armadillo en train de dérouiller. Mis à part l'épisode 17, le lecteur ressent un bon équilibre dans la nature des séquences, et une forte implication de l'artiste pour ne pas s'en tenir à une narration visuelle mécanique, réalisée au kilomètre. Il en va de même pour le scénario de Brian Michael Bendis qui, certes, se fait plaisir, mais donne aussi l'occasion de sa revanche à Jessica Jones sur son tortionnaire pervers. Cela aboutir à une balle en plein coeur particulièrement satisfaisante, mais qui n'est pas la fin. En effet le scénariste donne au lecteur ce qu'il attend par 2 fois. Il est évident que les superhéros se sont préparés à l'éventualité de la réapparition de Purple Man dans la vie de Jessica Jones et qu'ils ne prendront pas de gant. Cette phase du récit alimente un suspense de qualité, avec une paranoïa des plus justifiées, pour un bon thriller. Mais ce n'est pas suffisant.

Dans une autre phase, Bendis choisit de ne pas se limiter à la solution de facilité qui est celle de la vengeance, et de placer son héroïne face à un choix moral plus complexe, une tentation irrésistible. Elle doit aussi faire face à de nouvelles humiliations, à commencer par la possession de Captain Marvel (sa meilleure amie) par Killgrave. À travers ces épreuves (tentation + humiliations), le scénariste sonde le caractère profond de son personnage. Il évoque l'angoisse de l'incertitude absolue générée par des événements arbitraires (Purple Man en devient l'incarnation), la peur de perdre son enfant, la tentation d'envisager le monde uniquement d'un point de vue égocentrique, la difficulté d'être courageux (quitte à chercher de l'aide dans des produits comme l'alcool), la possibilité de pardonner, le droit à la rédemption. le lecteur retrouve un auteur questionnant la nature humaine, s'interrogeant sur les valeurs morales, la vanité de ce concept que tout à chacun met à mal chaque jour de sa vie. Là encore, il ne choisit pas la voie de la facilité et son personnage devient l'instrument de ses propres questionnements. Enfin, il a l'élégance de terminer avec un dernier épisode dans lequel Jessica Jones réussit à résoudre une enquête à sa manière, n'y arrivant que parce que c'est elle et qu'elle utilise les leçons apprises au fil de son histoire personnelle. Il en profite aussi pour justifier les apparitions d'Armadillo dans cette histoire et dans les autres séries qu'il a écrites au même moment.

Avec ce dernier tome, le lecteur se souvient de tous les tics d'écriture qui ont fini par le lasser dans l'écriture de Brian Michael Bendis. Dans le même temps, il constate aussi les qualités de narrateur de Michael Gaydos, sa complémentarité avec ce scénariste. Bendis apporte la confrontation tant attendue entre Jessica et Killgrave, comblant les attentes du lecteur, et les dépassant, en renouant avec ses meilleurs polars, reconnaissant la noirceur de l'humanité, et mettant à nu ce qui permet à Jessica Jones (et sûrement à lui) d'y résister. 5 étoiles pour une fin réussie.
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Tout Daredevil par Ed Brubaker est disponible en 3 volumes dans la collection Marvel Deluxe
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Daredevil T01 : Connaître la peur (Marvel Deluxe) - Chip Zdarsky & Marco Checchetto
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LE titre par lequel débuter selon nous : Aurélien : Daredevil : Sous l'aile du Diable (Marvel Must-have) de Kevin Smith & Joe Quesada Emile : Daredevil : Renaissance (Marvel Must-have) de Frank Miller & David Mazzucchelli
Notre histoire préférée : Aurélien : Daredevil : L'homme sans peur (Marvel Must-have) de Frank Miller & John Romita Jr. Emile : le Décalogue (histoire disponible dans le 4ème et dernier tome du Daredevil de Brian M. Bendis)
Merci à Emmanuel pour le montage et ClemB pour l'habillage sonore.
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