Alpha & Omega, tome 5 : Dans la gueule du loup

Je ne peux pas vous aider. Je ne peux pas retourner là-bas avec vous. S'ils lui ont fait du mal (il releva la tête, et le monstre était de nouveau dans ses yeux), je tuerais tout sur mon passage pour me venger. Nul ne sera en sécurité.

- Le beurre de cacahouètes a rappelé à mon père qu’il s’était battu avec une enfant. Quelqu’un qu’il avait juré de protéger. Et parce qu’il avait senti qu’il perdait cette guerre il avait frappé quelqu’un qui ne pouvait pas se défendre. Ce n’est pas souvent qu’on donne une leçon d’humilité à mon père, mais Mercy y est parvenue cette fois-là. Il a apporté des fleurs à Evelyn et lui a présenté ses excuses en privé, puis en public. À elle, à Bryan… À Mercy, aussi. Après ça, Mercy est venue aux soirées avec cette même tenue chaque fois. Elle restait assise devant le piano pendant cinq minutes, les mains croisées sur les genoux. Mon père la remerciait solennellement pour sa prestation, elle inclinait la tête comme un guerrier samouraï, et c’était tout. Ça a duré jusqu’à ce qu’Evelyn meure – deux ans, je crois –, puis Mercy est restée assise dans le public, et mon père a cessé de lui demander de jouer.

Il aurait brûlé le passé d'Anna pour elle s'il l'avait pu... mais il n'était pas aussi aisé de mettre le feu à des souvenirs qu'à une cabane.

- Fini de te battre contre des trucs morts... reprit-elle, mais sa voix tremblait quand elle prononça le dernier mot.
Il se tendit vers elle... et elle grimpa sur ses genoux pour se blottir dans ses bras. Il posa le menton sur sa tête.
- J'aurai sans doute des cheveux gris demain à cause de ce moment où je t'ai vue attaquer l'ours à coups de pierres, lui dit-il. Fini de lancer des pierres sur les ours pour toi.

Séduisez les femmes, dit-elle, imitant à la perfection l'accent d'Asil. Ce sont les femmes qui dirigent tout, de toute façon. Si une femme dit à son homme de faire quelque chose, il le fait. C'est simple. Si l'on veut qu'un gouvernement fasse ceci ou cela, il faut y intégrer les femmes et les maîtresses.

Mais Charles avait appris quelque chose grâce à Mercy, lui aussi… Tant qu’on ne se faisait pas prendre, tout était permis.

- [...] Les soirées musicales étaient le cœur d’un conflit entre mon père et Mercy… et tu connais les sentiments de Leah au sujet de tout ce qui touche à Mercy.
- En effet, dit-elle. Je les comprends, même, bien que ça me fasse mal de l’admettre. Bran se comporte de façon bizarre avec Mercy. Si tu avais le même comportement envers elle, je ressentirais la même chose que Leah… et le fait qu’elle me soit sympathique n’y changerait rien.
- Bran ne se comporte pas bizarrement avec Mercy, lui assura-t-il, mal à l’aise. Il la considère comme sa fille, et il n’a pas d’autres filles encore en vie. Ça n’a rien de bizarre.
- Ou plutôt, c’est ce que tout le monde se plaît à croire, affirma platement Anna. Bran compris. Je dis ça, je ne dis rien. Et donc, ces soirées musicales, c’était un truc entre Bran et Mercy ?
- Pas dans ce sens-là, protesta Charles.
Il se sentait sur la défensive, car Anna avait mis le doigt sur une chose sur laquelle il fermait les yeux depuis longtemps. Il prit une profonde inspiration.
- D’accord. D’accord. Tu n’as peut-être pas tort au sujet de Père et Mercy.
Elle sourit, juste un peu.
Il leva les mains en l’air.
- OK. Oui, je l’ai vu, bien sûr. Comme Leah. Mais mon père n’aurait jamais rien tenté avec Mercy. Tu peux dire ce que tu veux sur lui… mais son loup a accepté Leah en tant que compagne, et il ne la trompera pas. Et Mercy ne l’a jamais considéré que comme une figure paternelle, et comme son Alpha. C’est ce dont elle avait besoin, et c’est ce qu’il lui a donné. Je ne pense pas que Mercy ait un jour reconnu que ça pouvait être plus que ça.
- Oui, convint Anna à son grand soulagement. C’est comme ça que je perçois leur relation, moi aussi.

Elle [Leah] aimait de tout son coeur égoïste l'enfoiré insensible et imparfait qu'était son mari et compagnon.

Il aurait brûlé le passé d'Anna pour elle, s'il l'avait pu... mais il n'était pas aussi aisé de mettre le feu à des souvenirs qu'à une cabane.

Objectivement, Leah était bien plus belle. Mais son Anna était "vraie" comme peu de gens l'étaient. Il avait essayé de l'expliquer à son père une fois, et ce dernier avait fini par secouer la tête et dire : "Fils, je crois que ça fait partie de ces choses que ta mère aurait comprises sans aucun mal, et que je ne comprendrai jamais."
Anna était en harmonie avec le monde autour d'elle comme si elle comprenait d'instinct la vision qu'en avait le grand-père maternel de Charles : que toutes les choses ici-bas faisaient partie d'un tout plus grand, que nuire à l'une revenait à nuire à toutes. Elle était soudée à ce qui l'entourait, alors que la plupart des gens se démenaient pour être connectés au moins de choses possible, parce que c'était plus sûr. Il trouvait qu'Anna était la personne la plus courageuse qu'il connaissait.