Pour son premier roman traduit en français,
Anthony McCarten est loin du zéro pointé. Au contraire,
Objectif zéro arrive à faire souffler un vent nouveau dans le thriller.
Un zeste de dystopie, une pincée d'anticipation, une louchée d'espionnage, de bonnes gouttes d'action. Secouez le tout et vous obtiendrez un cocktail détonant.
Imaginez une sorte de cache-cache à l'échelle d'un continent. Une expérience lancée par la CIA acoquinée à un géant des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. Une sorte de partenariat public-privé à la sauce américaine.
Un grand « jeu » est lancé, avec comme objectif affiché de démontrer que les GAFAM peuvent proposer des technologies pour sécuriser le pays.
Dix candidats soigneusement sélectionnés doivent tenter de disparaître durant 30 jours. S'ils sont tous attrapés avant ce terme par la société Fusion, elle pourra vendre ses technologies à coups de milliards au gouvernement US. Si l'un des candidats arrive à déjouer l'armada de drones, caméras, enquêtes, il se verra offrir 3 millions de dollars.
Même si on va suivre de temps en temps ces différentes personnes, avec chacun leur technique plus créative et originale les unes des autres, la traque va se focaliser sur une banale bibliothécaire.
Une amoureuse des livres à l'ère du numérique, qui va pourtant arriver à déjouer la plupart des méthodes de traque. A se faire arracher les cheveux des chasseurs, surtout le patron de Fusion, qui va peu à peu dévoiler son vrai caractère.
Parce que rien n'est aussi clair dans cette affaire, et les dés sont pipés. de lourds secrets vont faire s'emballer la machine.
L'idée d'une fusion des services de renseignements et de l'économie de marché est excellente, surtout de la manière dont l'auteur la traite.
450 pages qu'on avale goulûment, à coups de chapitres courts, d'un rythme qui ne faiblit pas.
Du vrai thriller d'action, mais pas que. Les piques de réflexions sont lancées dans ce qui pourrait arriver très vite dans le réel. Une tentative de contrôle des populations, en version 1984 2.0, où c'est le capitalisme qui décide de la sécurité même d'un pays.
Jusqu'à prendre le risque de fournir à une entreprise tout ce qui constitue la vie de chaque américain, à un géant du web de devenir le voleur ultime de données.
Pour rappel, la CIA est interdite d'action sur le sol national, ce marché servant à détourner cette règle, au point même de le cacher au congrès. Imaginez les dérives…
L'écrivain est néo-zélandais, ce qui lui permet sans doute de poser un regard différent et appuyé sur la société ricaine. Avec une adresse de tous les instants.
Ces candidats sont consentants, par appât du gain ou en imaginant aider à sécuriser un pays. Rendre le monde meilleur par la peur de se faire prendre ?
Dans nos sociétés où le droit à l'intimité est en train de disparaître, où la soumission est volontaire, le point de bascule imaginé est à nos portes.
L'auteur dit des choses, mais cherche avant tout à proposer un vrai thriller qu'on ne peut pas lâcher, paranoïaque, surprenant, mené tambour battant. Son personnage de jeune bibliothécaire est épatant et bien moins lisse qu'il n'y paraît. Parce qu'il n'y a pas que le gouvernement qui trame des choses en secret.
Objectif zéro est un formidable roman qui chasse sur plusieurs terres.
Anthony McCarten réalise l'exploit de fusionner plusieurs styles de thrillers pour développer une histoire prenante et qui sort vraiment des sentiers battus. Avec un réel don pour la narration, pour au final un livre qui coche toutes les cases du bon divertissement qui fait aussi réfléchir. Excellent.