UN NÔTRE FUTUR
Alors nous allons vivre; curieux, dérangés, insatiables, furieux, révoltés, amoureux, jaloux, anxieux, stupides, fiers, puissants, inarrêtables, incompris, sereins, heureux, désinvoltes et sûrs d'une chose: nous sommes demain.
Nous sommes déjà demain.
Benoît Minville, Je suis sa fille
sur le fronton, en lettres noires, bombées à la hâte :
NOUS N'AURONS QUE
CE QUE NOUS PRENDRONS
Faudrait se décider, hein. Parce que la vie, ça passe.
Tu peux entendre : Seul comme un rat, enterré dans sa campagne. Mais tu peux aussi choisir : Solitaire qui médite dans un décor champêtre.
En elle la guerre, à présent.
- "Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente..." Brassens : l'arme fatale, la caution moustachue.
- Trop facile !
- Ah non. C'est pas si facile, de planer au-dessus du monde. Ne pas prendre part au conflit, observer une calme indifférence, résister à la colère [...] Tu verras. La liberté, la révolution... c'est compliqué, tu sais. Tu y viendras, ma rêveuse, au survol aérien.
- Non. Je veux pas étre indifférente, je veux pas m'enterrer dans un trou avec des bouquins comme si le reste du monde n'existait pas.
- Le système est déjà mort, tu vois. Pourri jusqu'à l'os. Les gouvernements s'échinent à fliquer, contrôler, tabasser, pour essayer de garder le contrôle. Quand tu vois ce que ça donne, là où on s'oppose vraiment... Tu te rends compte que la révolution a déjà commencé.
C'est une fête qui commence. Ou une cérémonie? Un instant de grand-plein pour combler le grand-vide. Une soirée d'éclat avant de se retirer, d'aller voir ailleurs s'ils y sont, s'il y seront, s'ils sauront se refaire une place, un nid. C'est une fête parce qu'il n'y a que comme ça que les choses se passent, à moins de mourir encore vivant. Ils ne veulent pas mourir, ils ne veulent pas se laisser faire. Bêtes apprivoisées, pas si mal élevées, qui reprennent leurs droits à la sauvagerie. Ils danseront ce soir, cette nuit. Ils boiront jusqu'au tournis, jusqu'à chialer comme des gosses, morve et vagues salées, tous ensemble. Longtemps, jusqu'au matin. Jusqu'à ce que les flics, à sept heures pétantes, défoncent la porte à coups de bélier.
De l'extrême gauche pacifique aux autonomes anarchistes des Black Blocs, tous ont le même but aujourd'hui : dire qu'ils existent, qu'ils refusent le nouvel ordre mondial, le capitalisme au visage immonde. Des mains trempées dans la peinture blanche s'ouvrent vers le ciel, vers les caméras fixées sur les hélicoptères tournoyant au-dessus de la foule. Des doigts se tendent, dérisoires insultes, cris de vindicte-et des poings serrés par milliers.