Citations sur Ce qu'elles ne savaient pas (La gueule du loup) (28)
Un sanglot, un coup - dans un mur ? Dans la chair ? La nuit déforme leurs impressions.
Ce dont elles sont sûres maintenant, c'est que ça se passe dans la chambre d'à côté. La chambre des voisins qu'elles n'ont encore jamais croisés.
Une voix basse parle doucement - elles n'entendent pas les mots - puis les sanglots, à nouveau. C'est une femme qui pleure. La voix encore, accompagnée d'un rire incongru et inquiétant.
Quitter une ville à l'aube offre une sacrée gorgée d'amertume: pour la première fois on découvre vraiment ce qu'on abandonne, et c'est la dernière. Mais les trois ombres qui filent dans la poussière n'ont pas de temps à perdre en regrets inutiles. Deux forcent le pas sous le poids de leurs sacs et la troisième les devance, aux aguets. Celle-ci connaît la ville et ses yeux de chat devinent le chemin mieux que personne. La peur mord leurs mollets: pas de meilleur stimulant, sauf l'amour et encore.
Le ciel est boursouflé de nuages noirs. Torrentielle, la pluie cingle les arbres, les lianes, et le visage hagard des deux jeunes filles. La nuit les enroule, opaque, tandis qu’elles montent par le sentier boueux.
Elle n'a peur de rien, Mathilde, jamais. Elle ne se démonte pas. Elle plonge, elle court, se jette. dans les vagues, dans la vie, dans les bras des mecs, dans leur lit, dans l'alcool, les plans foireux, l'aventure.Plus c'est casse-gueule et plus elle y va.
« Il y a ce qu’elles savent, désormais, sans pouvoir encore le nommer. Ce qu’elles sont devenues, ce qu’elles ne seront plus. Leur nouvelle force et les choses brisées, à l’intérieur. »
Les certitudes de Mathilde sont souvent rassurantes, même quand elles sont naïves. Il lui faudra encore des abcès à crever et des joies bouleversantes pour toucher ses émotions comme on caresse du sable. Avant d’aimer correctement et de saisir les nuances… Pour l’instant, elle pense qu’elle sait et que rien ne bouge.
Elle est furax. Triste aussi, ça va sans dire. Et comme elle ne fait jamais dans la demi-mesure, Mathilde a l'impression que son monde s'écroule. Elle commande un rhum et le boit à grandes gorgées désespérées, comme pour ajouter encore un peu de tristesse à la situation : elle a le sens du drame, faut dire.
Sa mère lui répète assez souvent , pourtant: de la demi-mesure en toute chose , Mathilde !
Et puis quoi encore ? Un demi bonheur? Des demi amis? Et pourquoi pas une demi vie tant qu'on y est ?!
Si la peur ne les rongeait pas, elles seraient renversées par la beauté des lieux, elles verraient les lianes enchâssées qui tombent en franges disparates le long des troncs ruisselants. Elles trouveraient ça magique ou fabuleux, un truc dont il faudrait se souvenir, une merveille à raconter plus tard... Mais pour l'instant, les arbres sorcières, comme on les nomme ici, accentuent leur frayeur par leur formes étranges. Pas à pas, elles s'enfoncent. Le fracas de la rivière, qui jusqu'à présent se confondait avec celui de la pluie, les surprend par sa puissance.
Elle n’a peur de rien, Mathilde, jamais. Elle ne se démonte pas. Elle plonge, elle court, se jette. Dans les vagues, dans la vie, dans les bras des mecs, dans leur lit, dans l’alcool, les plans foireux, l’aventure. Plus c’est casse-gueule et plus elle y va. Lou, ça la rend dingue.