Les gestes sont souvent plus bavards que les mots.
L’homme n’est pas fait pour vivre sur l’eau, le faire c’est se prendre pour un dieu.
On regardait le reste du monde comme si on détenait une vérité que personne d'autre ne touchait du doigt. Je ne suis même pas sûre qu'on ait été vraiment prétentieux. Et on n'était jamais hostiles. C'était bien pire que ça : les autres n'existaient pas.
Il y a cette règle immuable, je crois, cette règle maritime que je fais mienne et que mes amis semblent valider : ce qui se passe en mer reste en mer.
« Même avec nous, ça me soûle en fait qu'il soit là.
- Il est sympa.
- Ouais, c'est ça le problème. Vous le trouvez sympa, ce con. Mais c'est pas une raison. Depuis quand c'est un critère ? La cour du lycée est remplie de mecs sympas. C'est pas pour autant qu'on est potes avec eux. »
Je suis restée un peu conne, sans trop comprendre.
(p. 60)
Sam faisait des blagues, il était celui qui fait rire. Dans un groupe, une fois que les rôles sont assignés, c'est compliqué de faire bouger les lignes, les perceptions. Alors voilà, Sam était lunaire et drôle. Souvent à l'affût de l'effet de ses vannes sur Clarence, qui restait notre référence, lumineux et tout-puissant.
Nous sommes entre deux murs de mer grise. J’ai l’image d’un étau, soudain, et du bateau noyé dans le ventre d’une lame immense, happé par deux mouvements contradictoires.
À l'horizon, une barre sépare ciel et océan. C'est gris suie, épais comme un incendie de pétrole, et ça se rapproche.
Ma mère a toujours l’air au bord des larmes. Ça ne date pas du divorce. Même furax, il y a la possibilité d’une larme qui affleure et menace d’éclore. Ça peut être charmant j’imagine, mais je ne supporte pas. Et je refuse le risque de lui ressembler un jour. Je travaille depuis longtemps à paraître plus dure que je ne suis, préférant que les larmes coulent à l’intérieur, plutôt que d’offrir un visage de chaton mouillé au monde. C’est pas évident, en vrai c’est exactement comme ça que je me sens quand quelque chose foire ou m’émeut. Mais les chatons mouillés ne prennent pas la mer. Les chatons mouillés n’affrontent pas les vagues. Les chatons mouillés se noient.
Ce qui se passe en mer reste en mer.