Anatomik

Comme à son habitude, Serge Brussolo nous surprend avec des êtres que l'on a pas l'habitude de rencontrer dans nos lectures: les zombies, morts vivants, fantômes et autres esprits sont des classiques, mais des ectoplasmes prenant le relais des corps morts, voilà un intérêt nouveau.
L'auteur va donc surfer sur le scénario mettant en scène des créatures ayant quitté leur enveloppe charnelle se transformant (on ne peut pas écrire se matérialisant car rien n'est matérialisé) en un genre d'évanescence nommée ectoplasme. A partir de cet état de fait, rien de plus simple de laisser libre cours aux créations de l'auteur. Certaines parties du roman sont excellentes de créativité, d'autres sont moins pertinentes mais l'ensemble est intéressant.

En 2138, ce sont les cartels qui dominent le monde. La population est asservie, saturée de drogues distribuées gratuitement depuis une vingtaine d'années; surtout dans les grands centres.
Chuck Ozzborn, ancien militaire, tente péniblement de profiter de sa retraite au fin fond du Montana. Depuis quelques temps, d'étranges orages frappent les cimetières, permettant aux morts de réapparaître sous forme d'ectoplasmes qui s'empressent de posséder des humains au risque de finir comme de simple poltergeist ou pire, de feux follets.
Chez ANATOMIK, une firme de biotechnologie qui est parvenue à maîtriser les fantômes, Willa, la fille de Chuck se charge de leur créer des biographies fictives. Un jour, elle est envoyée sur le terrain avec Kurt Angström, un fantôme espion. Leur mission : découvrir ce qu'il se passe au Montana, pas loin de chez Chuck, où l'activité ectoplasmique et un feu éternel semblent hors de contrôle.

Dès le prologue, on sait que ce roman va être complètement délirant.
L'univers de l'auteur est plus que foisonnant, remarquablement construit, jusque dans les moindres détails. On a l'impression de passer de la guerre des mondes à Z Nation en un claquement de doigt, on est entrainé à travers les plaines du Montana jusqu'au sommet d'un volcan pour finir par explorer les fonds marins. Les créatures non humaines pullulent, toutes plus étranges les unes que les autres. Mais le génie de l'auteur est de faire en sorte que l'on parvienne à se les représenter, même celles qui sont immatérielles. C'est dire…
L'intrigue, sans être complexe, bouscule constamment le lecteur qui serait bien en peine de deviner comment tout cela va finir. D'ailleurs la fin est suffisamment ouverte pour que notre imagination continue de travailler une fois le roman terminé.

C'est un livre intéressant car assez précis mais du coup très noir et pessimiste . le paradoxe de nos héros est l'absence de contact avec les entités dites fantôme alors que nous devrions avoir ces contacts depuis longtemps. Est-ce que l'explication est à chercher dans l'effondrement inévitable et très rapide de toute civilisation technologiquement avancée (maîtrise de l'atome)? le livre contient de la violence. Cependant, il n'est pas sentimentalisé par les normes d'aujourd'hui et les meurtres qui ont lieu sont plus d'un style menaçant avec un sinistre sous-entendu que le meurtre viscéral. le livre passe d'un style narratif à l'autre et bien qu'il puisse prêter à confusion, il ne l'est pas et fonctionne très bien.
Brussolo n'utilise pas une surabondance de mots dénués de sens. Il réussit à évoquer l'émotion et à la capacité de raconter une belle histoire en utilisant le minimum de mots, ce qui permet un style de narration rapide. Brussolo incorpore également un style d'humour noir de potence dans le livre, ce qui convient à la tonalité sombre de l'ensemble. L'écriture est réellement créative et jamais ennuyeuse ; la construction tant du récit que de l'univers est sans failles. de la science-fiction certes mais politique. Un livre à lire de toute urgence par les fans de science-fiction, et par ceux qui dénigre ce genre littéraire d'une originalité et d'une force rare.
Lien : https://www.babelio.com/livr..