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Citations sur L'été où tout arriva (16)

La chute du Ku Klux Klan fut aussi soudaine qu'inattendue, et c'est le rondouillard et déplaisant Stephenson qui la provoqua. En mars , il invita à dîner une jeune femme de bonne réputation du nom de Madge Oberholtzer. Au grand désarroi de ses parents, celle-ci ne rentra pas ce soir-là, ni le suivant. Quand Stephenson la relâcha enfin, elle était dans un état effroyable. Elle avait été sauvagement battue et violée. Elle avait le seins et les organes génitaux lacérés. Elle raconta à son médecin et à ses parents qu'après être venu la chercher Stephenson s'était soûlé, qu'il était devenu violent et qu'il l'avait forcée à entrer dans un hôtel, où il avait brutalement abusé d'elle à plusieurs reprises. Submergée par la honte et le désespoir, Madge avait avalé une dose mortelle de chlorure de mercure. Lorsqu’elle regagna le domicile familial, les médecins ne pouvaient plus rien pour elle. Son agonie dura quinze jours.
Stephenson, croyant que son statut de dirigeant du Ku Klux Klan dans l'Indiana le mettrait à l'abri des poursuites, fut étonné d'être reconnu coupable d'enlèvement, de viol, de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, et d'être condamné à la prison à perpétuité.
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La canicule transforma la vie des citadins. Elle créa un sentiment de calvaire partagé et suscita des échanges entre inconnus. Pour une fois, il y avait un sujet de conversation commun à tout le monde. Le quotidien prit des allures communautaires qu'on avait presque oubliées. Les gens s'asseyaient sur leur perron. Les barbiers installaient des fauteuils à l'extérieur et rasaient leurs clients à l'ombre d'un arbre ou d'un store. Partout les fenêtres étaient grandes ouvertes, celles des bureaux, des appartements, des hôtels, des bibliothèques, des hôpitaux, des écoles, si bien que les bruits de la ville circulaient partout librement. Le mugissement lointain du flot des voitures, les cris ponctuant les jeux des enfants, une dispute dans l'immeuble voisin - tous ces sons et mille autres encore vous parvenaient tandis que vous travailliez, lisiez ou essayiez de trouver le sommeil. Aujourd'hui, on rentre chez soi pour échapper au vacarme urbain ; dans les années 20, il pénétrait en grande partie avec vous à l'intérieur.
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On pourrait situer les débuts de la boxe moderne à différentes dates, mais il semble pertinent de la faire commencer avec Jess Willard. Ce géant du Kansas était laboureur, et il le serait resté toute sa vie si un organisateur de matchs, après l'avoir vu manipuler des balles de foin de 200 kilos comme si c'étaient des coussins de plume, ne l'avait pas encouragé à monter sur un ring. Cela se passait aux alentours de 1910. Avec 1.98 mètre pour 102 kilos, Willard avait assurément le bon gabarit, et sa puissance de frappa se révéla colossale. A son cinquième combat, il cogna si fort le pauvre garçon que le coup fit pénétrer une partie de sa mâchoire dans son cerveau et le tua. Willard pulvérisa un certain nombre d'adversaires, puis devient champion du monde des poids lourds à La Havane en battant par K.-O. en vingt-six reprises le grand Jack Johnson, un boxeur formidable mais ostensiblement noir et imprudemment provocateur.
La victoire de Willard marqua un tournant crucial, quoique condamnable, dans l'évolution de la boxe : le champion des poids lourds était à présent un Blanc, ce qui était malheureusement une condition sine qua non pour qu'elle devienne un grand sport populaire. Avant cela, c'était la seule discipline sportive - voir la seule activité - où un Noir pouvait se mesure d'égal à égal avec un Blanc. D'un point de vue moderne cela semble paradoxal, mais si avant 1920 la boxe était considérée comme malsaine et insupportablement vulgaire, c'était en partie parce qu'elle n'était pas raciste. Et la convertir en divertissement respectable consistait surtout à s'arranger pour que, comme tous les autres sports majeurs, elle soit dominée par les Blancs. Aucun boxeur noir n'allait avoir la moindre chance de remporter le titre chez les poids lourds pendant une génération.
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Les trains roulaient là où les rails de chaque compagnie le leur dictaient, ce qui signifie qu'ils ne prenaient pas toujours le chemin le plus court ni le plus rapide. Le Lake Shore Limited, qui reliait New York à Chicago, mettait d'abord le cap au nord, vers le Canada, pendant 240 kilomètres, avant de tourner brusquement sur la gauche à Albany, comme s'il reprenait soudain ses esprits. Les convois qui parcouraient de longues distances étaient fréquemment divisés ou rassemblés en cours de route, en un ballet compliqué leur permettant de se raccorder à d'autres lignes. Le Suwanee River Special partait tous les jours de Saint Petersburg, en Floride, à destination de Chicago, mais en différents points du trajet certaines de ses voitures étaient décrochées et rattachées à d'autres trains se dirigeant vers Buffalo, Cleveland, Detroit et Kansas City. Le Lake Shore Limited s'arrêtait à Albany pour récupérer des wagons de Boston et du Maine, puis à Buffalo pour en embarquer d'autres arrivant de Toronto, et à Cleveland certaines voitures étaient détachées et envoyées vers le sud, à Cincinnati et Saint Louis, pendant que le convoi principal continuait vers l'ouest efin de rallier Chicago. Pour les passagers, la possibilité de se réveiller à Denver ou à Memphis alors qu'on avait l'intention d'aller à Omaha ou à Milwaukee ajoutait un frisson d'incertitude à n'importe quel long trajet, tandis que les changements d'aiguillage et la recomposition des trains vous empêchaient presque systématiquement de dormir. Le côté romanesque de la chose ne sautait pas toujours aux yeux de ceux qui prenaient effectivement le train.
Pour distraire les passagers, et pour générer des revenus supplémentaires sur un marché encombré, quasiment toutes les lignes mettaient l'accent sur les repas. Alors que la taille des cambuses leur permettait à peine de faire sauter une crêpe, les cuisiniers préparaient une gamme de mets sensationnelle. Sur la Union Pacific, rien qu'au petit déjeuner le client avisé pouvait choisir entre une quarantaine de plats - bifteck d'aloyau ou côte de bœuf, escalope de veau ou côtelettes d'agneau, crêpes de froment, maquereau au sel grillé, demi-coquelet, pommes mousseline, pain de maïs, bacon, jambon, saucisses longues ou plates, œufs sous toutes les formes -, et les autres repas étaient tout aussi copieux. Les passagers qui voyageaient de nuit à bord du Midnight Limietd entre Chicago et Saint Louis pouvaient même prendre un abondant (et littéral) "lunch de minuit" tout en roulant dans les ténèbres.
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Si, à première vue, la chaise électrique paraissait une manière rapide et humaine d'exécuter les gens, dans la pratique ce n'était ni simple ni infaillible. En cas de décharge trop faible ou trop brève, la victime était souvent sonnée mais pas tuée, simplement réduite à l'état d'épave pantelante. En cas de secousse plus violente, les résultats pouvaient se révéler désagréablement spectaculaires. Les vaisseaux sanguins éclataient quelquefois, et un jour l'un des yeux du condamné avait explosé. Il était arrivé au moins une fois que celui-ci rôtisse à petit feu. L'odeur de chair brûlée était "insupportable", avait déclaré l'un des témoins. Manifestement, la science de l'électrocution exigeait professionnalisme et doigté si l'on voulait qu'elle fût à la fois efficace et relativement humaine. C'est là que Robert Elliott était entré en scène.
Appelé comme consultant pour une exécution dans l'État de New York, et conscient aussi bien des défaillances du dispositif que des souffrances infligées jusque-là, il avait compris que le truc consistait à moduler à bon escient la puissance du courant électrique d'un bout à l'autre du processus (un peu comme un anesthésiste règle le flux du gaz administré à un patient qu'on opère), afin de plonger le sujet d'abord dans l'inconscience, puis dans la mort, de manière progressive et relativement paisible.
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Le déclin moral se manifestait partout, même sur les pistes de danse. Le tango, le shimmy et le charleston, avec leurs pulsations insistantes et leurs battements de bras, évoquaient une frénésie sexuelle que bien des anciens trouvaient alarmante. Il existait une danse populaire encore plus épouvantable, le black bottom, qui se caractérisait par de petits sauts d'avant en arrière et des claques sur le postérieur - un geste d'une scandaleuse désinvolture visant une partie du corps dont beaucoup eussent préféré ignorer l'existence. Même la valse hésitation recelait une part de sensualité qui en faisait l'équivalent de préliminaires amoureux. Mais le pire de tout, c'était le jazz, souvent considéré comme un tremplin vers la drogue et le libertinage. " Le jazz fait-il un péché de la syncope ?" demandait un article du Ladies' Home Journal. Réponse : Et comment ! Un éditorial de New York American le décrivait comme "une musique pathologique provoquant irritation nerveuse et excitation sexuelle".
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Au début du mois de mai, l'inondation s'étendait sur 800 kilomètres entre le sud de l'Illinois et La Nouvelle-Orléans. En tout, un territoire presque aussi grande que l'Ecosse était sous l'eau. Depuis le ciel, le Mississippi ressemblait à un nouveau Grand Lac - et pour l'heure c'est ce qu'il était effectivement. Les chiffres de la Grande Crue furent consignés avec une précision glaçante : 6 706 132 hectares inondés ; 203 504 bâtiments emportés ou en ruine ; 637 476 personnes sans abri. Les têtes de bétail perdues furent comptabilisées avec la même exactitude : 50 490 bovins, 25 325 chevaux et mulets, 148 110 porcs, 1 276 570 poulets et autres volailles. La seule chose qui ne fut pas enregistrée avec soin, bizarrement, fut le nombre d'êtres humains disparus, mais il s'élevait certainement à plus de mille, et peut-être à plusieurs milliers. Les comptes ne furent pas tenus plus scrupuleusement parce que de nombreuses victimes, hélas, étaient pauvres et noires. C'est une terrible réalité : les décès d'animaux firent l'objet d'un recensement plus précis que les pertes humaines.
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Dans les années 20, le tennis tenait encore du passe-temps inoffensif. Au cours de la palpitante finale simple messieurs de Wimbledon en 1927, Henri Cochet battit le "Basque bondissant", Jean Borotra, grâce à un coup discutable où il semblait avoir frappé la balle deux fois, ce qui aurait dû lui coûter le point. L'arbitre lui demanda si c'était bien le cas et Cochet, prenant un air innocent, répondit : "Mais non." Le point, le match et le titre de champion lui furent donc attribués au motif que le tennis était un sport de gentlemen et qu'un gentleman ne mentait pas, bien qu'il fût évident pour tous les intéressés que Cochet venait précisément de mentir.
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Au fil du temps, notre auteur de plus en plus vite. Il recycla nombre d'intrigues et commit souvent des négligences frappantes. Son seul roman de 1927, Le Chef de guerre, commence ainsi :
" Nu à l'exception d'un pagne, de sandales grossières, de lanières de cuir et d'une coiffe à cornes de bison, un guerrier sauvage sautait et dansait au rythme des tambours."
Quatre paragraphes plus loin, on peut lire :
"Nu à l'exception d'un pagne, de sandales grossières, de lanières de cuir et d'une coiffe à cornes de bison, un guerrier sauvage se déplaçait silencieusement parmi les troncs d'arbres gigantesques."
Il lui arrivait de verser carrément dans le radotage. Voici un guerrier martien, Jeddack, susurrant des mots doux à Thuvia, vierge de Mars, héroïne éponyme d'un roman de 1920 :
"Ah ! Thuvia de Ptarth, vous restez de glace, même sous le souffle brûlant de mon ardent amour ! Elle n'est pas plus dure que votre cœur, ni plus froide, l'ersite de ce bienheureux banc qui soutient vos divines et impérissables formes !"
Ce genre de passage pouvait durer un certain temps. Manifestement, ça n'avait guère d'importance. Les lecteurs achetaient toujours dévotement les livres de Burroughs lorsque, en mars 1950, il mourut d'une crise cardiaque en Californie à l'âge de soixante-quatorze ans.
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En 1927, les américains n’étaient pas très appréciés en Europe et pas appréciés du tout en France. Les Etats-Unis réclamaient avec insistance le remboursement total, plus les intérêts, des 10 milliards qu’ils avaient prêtés à leurs alliés pendant la guerre, et les européens trouvaient ça un peu fort de café dans la mesure où tout l’argent emprunté avait servi à acheter des denrées américaines, si bien qu’en cas de remboursement l’Amérique tirerait deux fois profit du même prêt. Cela ne leur semblait pas très juste, d’autant que leurs économies nationales étaient toutes exsangues et celles des Etats-Unis, florissantes. Nombre d’américains ne partageaient pas cette vision des choses. Ils étaient d’avis qu’une dette est une dette et doit être honorée, et considéraient le refus européen de payer comme un abus de confiance assez minable. Pour ceux qui avaient des penchants isolationnistes –et notre héros Charles Lindbergh deviendrait un jour le plus ouvertement déclaré d’entre eux - , cela corroborait fortement l’idée que l’Amérique devait toujours éviter de s’impliquer à l’étranger. Dans un nouvel accès de protectionnisme, les Etats-Unis avaient augmenté leurs barrières douanières déjà élevées, empêchant ainsi de nombreuses industries européennes de retrouver le chemin de la prospérité grâce au commerce.

p.138
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