La pluie de néon

Les lampadaires illuminaient les arbres brumeux
qui s'alignaient sur l'esplanade de St Charles ;
les rails brunis et le vieux tramway vert
luisaient de reflets assourdis sous la lumière humide,
et les enseignes au néon tout embrumées,
les fenêtres éclairées, zébrées de coulures de pluie,
des restaurants et du drugstore du coin
donnaient l'impression de sortir droit d'une peinture nocturne des années quarante.

Cette partie de La Nouvelle-Orléans semblait ne jamais changer
et, d'une certaine manière,
son témoignage d'un hier perpétué par un soir d'été pluvieux
parvenait toujours à dissiper mes propres peurs
du temps qui passait
et de ma condition de mortel.

Quelqu'un m'avait dit un jour que le plus grand désir du joueur,
connaître l'avenir,
nous rendrait tous fous à lier.

Sur la route du retour, en cette chaude soirée d'été,
la lune crénelait la surface du lac et les lucioles s'allumaient dans les palmiers et les chênes,
lorsque je sentis un mince trémolo à l'intérieur de moi,
pareil au faible tintement d'un cristal
ou à la vibration presque silencieuse des cordes d'une guitare sympathique,
rien qu'un soupçon du don tragique de Cassandre
que j'essayai de mettre au rang de mes vieilles peurs d'alcoolique,
qui se tordaient dans mon inconscient comme un nœud de serpents aveugles.

Mais habituellement,
un gagnant aux courses se soucie peu de précautions
ou des nuances du clair de lune.

Mes cheveux comme ma moustache en brosse étaient toujours d'un noir d'encre, hormis la mèche blanche au-dessus de l'oreille,
et chaque nouveau matin,
je parvenais à me convaincre que le fait de vivre seul
n'était pas plus un signe de l'âge et de l'échec
que de la jeunesse et de la réussite.

Quelques authentiques amateurs de vie de bohème,
écrivains et peintres,
habitaient toujours le Carré,
et des membres de professions libérales payaient des loyers exorbitants
pour des appartements rénovés près de Jackson Square,
mais la majorité des résidents du Vieux Carré était constituée de travestis,
camés,
poivrots,
prostituées,
petits truands de tous poils,
cramés à l'acide et vagabonds résidus des années soixante.

La plupart des individus en question gagnaient leur vie
aux crochets de la classe moyenne,
membres invités aux conventions,
et familles du Middle-West qui baguenaudaient sur Bourbon Street,
l'appareil photo pendu au cou,
comme s'ils étaient en train de visiter un zoo.

Mon tiroir était comme le microcosme d'un monde aberrant
peuplé de tireurs embusqués,
de Noirs toujours armés de rasoirs-sabres,
d'artistes du braquage, petit pied et pas de cervelle,
qui finissaient par paniquer et tuaient un employé de magasin
pour soixante dollars,
de suicidés qui remplissaient leur appartement de gaz
et faisaient exploser tout l'immeuble en une boule de feu noire et orange.

Je ne l'ai jamais chopé pour quoi que ce soit.
En fait, je crois bien qu'il a foiré plus de coups qu'il n'en a réussi.
Peut-être bien qu'il a fini par se trouver une place dans la pègre grâce à la méthode Coué.

The evening sky was streaked with purple, the color of torn plums, and a light rain had started to fall when I came to the end of the blacktop road that cut through twenty miles of thick, almost impenetrable scrub oak and pine and stopped at the front gate of Angola penitentiary.