A quarante-quatre ans, Franck était encore un bel homme, un torse large, des muscles longs. Il y a près de vingt ans, elle avait craqué pour son sourire franc, son assurance rassurante, mais aussi pour sa carrure de crawleur compulsif ; ça avait aidé Clotilde à se tenir à l’aimer, a se convaincre que c’était le bon. Enfin qu’il y avait pire, bien pire.
Bizarrement, maintenant qu’année après année, demi-kilo après demi-kilo, centimètre après centimètre, il avait pris ce ventre que même les plus beaux garçons finissent par prendre, elle s’en foutait. Ça ne rentrait plus vraiment en ligne de compte le corps de son mec, alors que Franck s’en faisait une montagne, une colline au moins, une jolie colline autour de son nombril.
Le temps est assassin.
Parfois, il a des circonstances atténuantes.
Hermann était persuadé que la nature était le plus grand génie créatif que la terre ait connu, qu'elle seule parvenait à l'harmonie ultime, la perfection, que les hommes devaient se contenter de l'admirer, s'en inspirer, s'en nourrir.
Le bonheur, c'est simple, il suffit d'y croire ! Les vacances servent à ça, le ciel sans nuage, la mer, le soleil. À y croire. À faire le plein d'illusions pour le reste de l'année.
Femme qui pleure devant son amoureux obtient de lui tout ce qu'elle veut;
femme qui pleure devant un homme qui ne l'aime plus est foutue.
Tout comme il existe dans les villages un vieil érudit qui en conserve l'histoire, dans les entreprises un vieux documentaliste qui en conserve les archives, il existait dans le camping un vieux touriste qui en conservait les images.
Rien n'appartient jamais à une personne seule. Qu'est-ce qu'elle en ferait ? Imagine un peu, le type le plus riche de l'histoire du monde, ce serait qui ? Celui qui aurait éliminé tous les autres ? Qui vivrait seul sur la planète, avec toutes les richesses jamais produites ?
C'est le grand jour, répéta-t-il en refermant le cahier.
Celui où les témoins doivent avouer...ou se taire à jamais.
Parce que Nicolas le cérébral n'était pourtant qu'un petit animal, comme tous les autres hommes, et que tous ses principes, toute son éducation, toutes ses lectures et sa culture ne faisaient pas le poids face aux courbes d'une peau bronzée, à deux yeux de panthère plantés dans les siens, des lèvres entrouvertes sur des promesses muettes.
Une vie se résumait à cela: profiter de la beauté du monde avant que tout ne disparaisse. Au fond, on ne meurt pas, on devient aveugle. On comprend que c'est terminé lorsque toutes les merveilles autour de nous s'éteignent.