AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,67

sur 573 notes
Superbe exercice de style que ce roman écrit à la 2ème personne du pluriel - afin que le lecteur s'approprie l'histoire. Cependant, plus profondément et au-delà des thèmes abordés autour de la conscience humaine et son inconstance, c'est le rythme de l'écriture - calée sur le rythme du voyage en train - qui construit le lecteur ("vous").
Commenter  J’apprécie          80
Rarement un titre ne m'a semblé s'appliquer aussi bien à ce qui se passe dans le roman qu'à ce qui se passe dans la tête du lecteur. C'est le miracle de ce livre. Peut-être parce que le récit est écrit à la deuxième personne. Il s'adresse au personnage principal, Léon, cadre supérieur de 45 ans, responsable de la filiale française d'un fabricant italien de machines à écrire, mais sans qu'on y prenne garde il s'adresse aussi au lecteur.

C'est dans le train pour Rome que je suis monté gare de Lyon avec Léon, prêt pour un long voyage de 21h35. Mais c'est sans entrain que j'ai lu les premiers chapitres, qui décrivent dans le moindre détail et avec une précision presque rébarbative, le compartiment, ses occupants, leurs bagages, le monde extérieur vu de la fenêtre et tout ce que vous pouvez imaginer apercevoir de votre siège. Par petite touche, Butor nous livre les premiers éléments biographiques du personnage principal: marié, 4 enfants, Léon se rend souvent à Rome où se trouve le siège de son employeur. Par une série de flashbacks, qui au fur et à mesure que le train progresse dans son itinéraire, s'éloignent du passé immédiat pour s'amplifier et gagner le passé proche avant de s'enfoncer dans un passé plus lointain, nous apprenons que Léon rejoint Cécile, sa maîtresse, installée à Rome, pour lui annoncer qu'il vient de lui trouver un travail à Paris et pour lui proposer de le rejoindre définitivement à Paris pour y vivre ensemble.

Peu à peu, au fil des chapitres, le charme opère. La modification se produit. Je me suis retrouvé happé dans ce récit, passionné par l'évolution de cet homme parti dans un élan de liberté et de rajeunissement pour arriver en ayant abandonné ses faux espoirs et ses illusions au terme d'une longue introspection et d'un voyage dans ses souvenirs. Attention, la lecture du roman est susceptible de provoquer chez le lecteur un même processus d'introspection et de face à face avec le dilemme des désirs que l'on ne réalise pas.

La construction du roman est brillante. Les neufs chapitres se répartissent en trois parties (3 x3). Comme un refrain, au terme de chaque chapitre, Léon se lève de son siège et sort du compartiment.

A la fin de la première partie, le train est arrivé à Dijon, Léon a médité sur l'impasse de son mariage, il s'est remémoré de précédents voyages à Rome et les circonstances de sa rencontre avec Cécile. Il est encore décidé à mettre un terme à l'hypocrisie de sa situation sentimentale et conjugale. Il partage le compartiment avec d'autres voyageurs, en particulier un ecclésiastique et un jeune couple en voyage de noces sur lesquels il projette ses propres espoirs et résolutions. Il imagine l'ecclésiastique en rupture avec Rome, en rupture avec son engagement comme lui-même est sur le point de rompre son engagement conjugal.

A la fin de le seconde partie, après avoir traversé des paysages balayés par la pluie, le train est arrivé à Turin, il a traversé la frontière et les Alpes. Léon a lui aussi traversé une frontière et il est passé de l'autre côté. Il est en proie au doute et il ne sait plus quoi faire. Sa mémoire est allée rechercher des souvenirs enfouis et oubliés. Il s'est remémoré les fausses notes qui ont marqué quelques rencontres précédentes avec Cécile. Dans le passé, Cécile est venue passer quelques jours à Paris et ce voyage fut un fiasco.

A la fin de la troisième et dernière partie, au terme d'une nuit où Léon sombre dans un demi-sommeil peuplé de cauchemars et de pensées fantasmagoriques, après avoir traversé des paysages où seule la lune se distingue, le train est arrivé à Rome à l'aube. Léon a perdu ses illusions, il a abandonné son projet. L'introspection plus ou moins contrôlée lui a fait prendre conscience qu'il se trompait. Les masques sont tombés. Son cheminement peut être vu comme de la lâcheté mais aussi comme une accession progressive à la vérité. Après la traversée du mauvais temps et de la nuit, il retrouve la lumière en arrivant à Rome. Il réalise que son amour pour Cécile est inséparable de sa passion pour Rome.

Les deux capitales sont omniprésentes dans ce livre. Butor décrit des promenades passant dans des lieux emblématiques des deux villes. Dans un passage, Léon se souvient d'une longue visite au Louvre pendant laquelle il s'était attardé devant des peintures représentant Rome. Les nombreux aller-retour effectués entre Paris et Rome qui reviennent à la mémoire de Léon forment comme un fil conducteur tout au long du livre.

Un livre qui m'a demandé de la persévérance mais qui au final m'a enthousiasmé.
Commenter  J’apprécie          40
Ce livre est hallucinant. Il est tellement complexe au niveau de la composition, que je peux comparer la création d'un tel ouvrage avec la construction d'une immense cathédrale gothique. Quelle conception! Sa réalisation est minutieuse et juste parfaite. Il s'agit là d'une véritable littérature, son essence même et non sa substitution, comme dans la plupart des romans commerciaux modernes.

On suit le trajet du personnage principal de Paris à Rome, on observe non seulement des objets réels qui nous accompagnent dans ce voyage, mais en même temps on se plonge dans les souvenirs du protagoniste, qui deviennent aussi tangibles pour nous que le compartiment du train.

On peut dire qu'à la première approche le sujet est banal: l'adultère, les doutes d'un commerçant quadragénaire qui ne se sent pas vraiment prêt de quitter sa famille, mais qui ne peut plus respirer dans l'atmosphère familiale. Puis après un certain moment le déroulement de l'intrigue devient moins prévisible et le personnage en sort tout neuf. C'est vrai que pour lui va commencer une toute autre vie, certes, mais qui ne sera pas celle à laquelle le lecteur s'attend.

J'ai pas vraiment aimé le caractère du personnage principal et j'ai pas cru, qu'un être si médiocre puisse effectuer un travail si particulière et complexe, que l'auteur du livre lui impose comme une seule issue à sa situation. Mais le style, la manière d'écriture si abondante et scrupuleuse m'a tout à fait convaincue, que je ne lisais pas un livre, mais que je faisais un véritable voyage spirituel à travers ses pages. J'ai découvert un écrivain qui est tout de suite devenu une âme proche. Bel événement dans la vie de tout lecteur, de tout être humain.


Commenter  J’apprécie          4418
En dehors du plaisir tout personnel de retrouver les souvenirs d'enfance des voyages dans les trains SNCF des années cinquante-soixante dont la description détaillée et précise de l'auteur ressuscite avec un talent fou l'ambiance particulière, le récit qui se déroule sous nos yeux à la vitesse d'un Paris-Rome de l'époque en 3ème classe nous entraîne, par la magie de la littérature, bien au-delà des limites du compartiment.
L'histoire est banale : un homme, anonyme, désigné par vous ou il, entreprend un voyage vers Rome pour retrouver sa maîtresse et lui annoncer qu'il quitte sa femme. Ce voyage, au fur et à mesure de la progression du train, de gare en gare, par une journée d'automne pluvieuse, se transforme en une introspection de plus en plus profonde avec la mise en perspective d'une vie qui se déploie à travers les souvenirs d'autres voyages entrepris dans le passé entre Paris et Rome, vers cette ville chargée de symboles qui pour le personnage principal a pris le visage de la liberté rêvée, la possibilité d'échapper pour quelques jours à un travail fastidieux et à une vie de famille devenue pesante. L'ambition de ce livre n'est pas tant de nous raconter le moment clé dans la vie d'un homme que de nous faire partager ses réflexions et ses pensées pour mieux nous les approprier et nous faire vivre nous aussi un voyage intérieur, voyage auquel nous invite toute littérature digne ce nom pour mieux nous ouvrir à d'autres horizons. Pour les nostalgiques de Rome, ce roman, qui pourrait s'appeler voyage d'une vie, se teinte de mélancolie à l'évocation des lieux les plus célèbres et des noms de gare aux consonances étrangères, promesse d'un dépaysement assuré : Roma Trastevere, Roma Ostiense, Roma Termini… Il est temps de quitter le compartiment.
Commenter  J’apprécie          194
La pire lecture de mes 16 ans...
Commenter  J’apprécie          02
Je referme la Modification, que j'ai lu quasiment d'un trait. J'ai déjà envie de le relire. Je suis encore habitée par la voix paisible et mesurée de Michel Butor qui m'a accompagnée tout le long de ma lecture, avec ces déchirures qui apparaissent ci et là et ensuite de plus en plus fréquemment à mesure que le train avance. Un voyage au cours duquel on assiste comme si nous le vivions nous-même à ce processus si familier de basculement de la pensée qui opère peu à peu dans cet espace temps mobile entre deux lieux, pour en arriver à un retournement complet de ses intentions de départ et à la liquéfaction de son ardeur.
Une épreuve de la réalité qui le modifie et qu'il éprouve en direct au contact (trop) proche des autres voyageurs, lesquels opèrent comme un écho, le forcent à réfléchir, à se repositionner, mordu sans doute par quelque remords et la crainte de ne pas être à la hauteur des attentes de cette femme, Cécile, dont la promiscuité d'un train de nuit lui imposa un jour de partager l'intimité.
De plus en plus conscient, surtout, de la construction plus onirique que réelle de cet amour, qui est davantage celui d'une liberté qu'il s'octroie, de ses échappées que d'un véritable désir d'investir cette relation. L'approche de la réalité réduit peu à peu le projet, dont l'intérêt s'évanouit comme les éléments d'un rêve nous échappent au contact du réveil.

En parcourant ce livre, on vit avec lui, en toute intimité cette bascule, ces moments d'angoisse, de poids de la fatigue et de l'inconfort qui le gagne peu à peu, aidé bien sûr par l'usage de la 2ème personne et aussi ces moments où il se raccroche à la réalité directe, proche et rassurante des personnages qui l'entourent et qu'il nomme pour les rendre plus familiers. Il fait preuve d'une tendre lâcheté bien familière. Quelle expérience, je ne connaissais pas ce type littéraire, je le découvre et j'ai adoré.
Commenter  J’apprécie          30
« La modification » offre au lecteur une aventure littéraire pour le moins particulière. Une histoire nous est contée, celle de Léon Delmont, 45 ans, qui voyage en train afin de rejoindre sa jeune maîtresse Cécile, en Italie. Marié à Henriette et père de quatre enfants, Léon vit à Paris. L’objectif de son voyage est d’annoncer à Cécile qu’il va enfin quitter son épouse et convaincre ensuite la jeune femme de venir vivre avec lui à Paris. Parti avec des certitudes, Léon va pourtant subir une modification lors de ce cheminement physique et psychologique.

Ce qui frappe évidemment dès la première ligne est le style narratif utilisé par Michel Butor : l’auteur utilise le « vous » plutôt qu’un « il » impersonnel et implique de ce fait le lecteur dans l’histoire de Léon qui devient la sienne. Les pensées, les réflexions et les décisions de Léon deviennent celles du lecteur. Au gré de son cheminement intellectuel, nous partageons avec le personnage toute une vision de la vie d’un homme : la naissance de l’amour, l’usure du quotidien, les doutes, l’espoir (illusoire ?) d’une nouvelle vie qui sera meilleure. Léon navigue dans le temps, entre ses souvenirs passés, le présent et les espoirs futurs. Avec lui, en se fondant en lui, nous réalisons une introspection qui bouleverse nos décisions premières.
Point d’action dans cette histoire qui se passe uniquement dans le compartiment du train - ce n'est pas le but - mais qui ravira surtout les adeptes du courant du Nouveau Roman.
Commenter  J’apprécie          120
Mouais, ok il y a un style, une tentative de regard tronqué par un Vous... mais non ça m'a saoulé, j'ai pas adhéré à cette vision, cette lecture, ce texte. Déçu.
Commenter  J’apprécie          10
Oui, je sais je n'aurai jamais du lire ce roman. Pas pour moi, ce genre de chose. Il faut chercher la technique littéraire de l'auteur, le vocabulaire employé et essayer de comprendre quelles pulsions l'ont amené à écrire ce livre ... sinon effectivement, on ne comprends pas. Un homme médiocre et commun se questionne sur lui-même ... et vous endort plus sûrement que le balancement et le bruit d'un train pendant des heures. Hors visée thérapeutique (insomnies, ..) , prenez une personne dans la rue, offrez lui un café ou un demi au bar du coin et discutez avec lui, ce sera beaucoup plus intéressant, moins long, moins cher et tellement plus vivant ...
Commenter  J’apprécie          40
Je ne connaissais pas Butor avant de lire ce roman. Ce dernier est plutôt pas mal, j'ai en effet passé un bon moment, même si le roman tire parfois un peu trop en longueur.
Commenter  J’apprécie          30




Lecteurs (1668) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3724 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}