Je referme
la Modification, que j'ai lu quasiment d'un trait. J'ai déjà envie de le relire. Je suis encore habitée par la voix paisible et mesurée de
Michel Butor qui m'a accompagnée tout le long de ma lecture, avec ces déchirures qui apparaissent ci et là et ensuite de plus en plus fréquemment à mesure que le train avance. Un voyage au cours duquel on assiste comme si nous le vivions nous-même à ce processus si familier de basculement de la pensée qui opère peu à peu dans cet espace temps
mobile entre deux lieux, pour en arriver à un retournement complet de ses intentions de départ et à la liquéfaction de son ardeur.
Une épreuve de la réalité qui le modifie et qu'il éprouve en direct au contact (trop) proche des autres voyageurs, lesquels opèrent comme un écho, le forcent à réfléchir, à se repositionner, mordu sans doute par quelque remords et la crainte de ne pas être à la hauteur des attentes de cette femme, Cécile, dont la promiscuité d'un train de nuit lui imposa un jour de partager l'intimité.
De plus en plus conscient, surtout, de la construction plus onirique que réelle de cet amour, qui est davantage celui d'une liberté qu'il s'octroie, de ses échappées que d'un véritable désir d'investir cette relation. L'approche de la réalité réduit peu à peu le projet, dont l'intérêt s'évanouit comme les éléments d'un rêve nous échappent au contact du réveil.
En parcourant ce livre, on vit avec lui, en toute intimité cette bascule, ces moments d'angoisse, de poids de la fatigue et de l'inconfort qui le gagne peu à peu, aidé bien sûr par l'usage de la 2ème personne et aussi ces moments où il se raccroche à la réalité directe, proche et rassurante des personnages qui l'entourent et qu'il nomme pour les rendre plus familiers. Il fait preuve d'une tendre lâcheté bien familière. Quelle expérience, je ne connaissais pas ce type littéraire, je le découvre et j'ai adoré.