Après avoir lu le complexe et époustouflant "Confiteor" de Jaume Cabré, c'est non sans une certaine appréhension que j'ai entamé la lecture de ce livre "Les voix du Pamano", paru bien avant, en 2004.
On retrouve le style d'écriture particulier à Cabré où, au sein de presque la même phrase, il mélange la temporalité du récit, ce qui nécessite pas mal de concentration pour la lecture. A vrai dire, avant de rentrer dans le vif du sujet, il m'a fallu plus de 50 pages d'introït avant d'être à l'aise avec la lecture.
Je crois que ce livre m'a plu davantage que "Confiteor" parce qu'il est moins ambitieux, moins écrasant d'érudition, nettement plus accessible.
Il y a tellement de récits sur la guerre civile espagnole, sur la post-guerre et la Transition,mais ici la fiction de Cabré est très intéressante parce que le lecteur appréhende à la perfection les interactions entre les personnages de camps opposés, les ramifications politiques et sociales, le népotisme des vainqueurs et la corruption profonde qui s'est enracinée dans la classe politique espagnole de l' après- guerre.
Le Pamano est un torrent dans la vallée d'Àssua, un torrent réel qui passe dans le village fictif de Torena où Cabré situe l'action de son histoire. La tradition de l'endroit veut que ceux qui entendent la rivière Pamano à Torena, vont mourir sous peu.
Nous sommes à la fin de la guerra civile espagnole et le personnage principal est une maitresse femme, riche et belle, Elisenda Vilabrú qui ne vivra que pour venger son père et son frère assassinés par les "rouges" du village. Elle sera mal mariée, puis veuve et utilisera les hommes que pour assouvir sa vengeance.
Mais elle tombera amoureuse d'Oriol Fontelles, l'instituteur du village, marié, pendant les longues séances de pose car l'instit possède des dons remarquables pour la peinture et le portrait en particulier.
Soixante années après avant la démolition de l'école et totalement par hasard, l'institutrice d'alors va retrouver cachés derrière le tableau, des cahiers manuscrits par l'instituteur Fontelles, cahiers destinés à son enfant qu'il n'a pas connu, expliquant sa lâcheté d'agent double.
Il y a tant de péripéties dans ce livre et les personnages sont tellement bien campés; ils ont une telle épaisseur humaine, qu'il est difficile de s'en séparer.
L'événement du livre qui m'a le plus étonné est l'idée émanant d'Elisenda Vilabrú de la béatification d'Oriol Fontelles, son ancien amant, soixante années après. Elisenda dépensera des sommes folles pour ceci avec des tractations avec le Vatican et implications de l'Opus Dei, dignes d'un roman d'espionnage ! Et tout ceci pour venger la mémoire de Fontelles et obliger les habitants du village à lui rendre un culte posthume ! Le pauvre Cabré a signé avec cet épisode son excommunion, je pense.
Une série pour la télévision espagnole fut filmée en 2009; deux épisodes de 90 minutes que j'ai bien l'intention de me procurer via l'Institut Cervantes de Paris.
Livre excellent. Le lien ci-après est en espagnol.
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