Les auteurs Rodolphe et Oriol présentent une bande dessinée dont l'intrigue se passe dans le Paris des années 1890. Au travers des lieux célèbres de la capitale et des nombreux grands personnages qui ont marqué cette période, ils mettent en scène les deux amis, Hugo de Reuhman et Théo Lemoine, partis sur les traces d'un mystérieux sarcophage perdu de la collection Drovetti. Une enquête palpitante au coeur de la belle époque teintée de mystère et dont le récit est prévue sur deux tomes. A l'occasion de leur passage au festival de Quai des Bulles de Saint-Malo, nous avons eu l'occasion de les rencontrer dans une brève mais intense interview. Ils nous racontent tout sur les coulisses de cette histoire ainsi que bien d'autres choses encore
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page 131 : Et j'aurai besoin de toute la compassion de ma famille et des mensonges de mes amis médecins pour pouvoir me cramponner à la vie, à l'espoir.
Si quelqu'un ose me dire que j'ai une sale gueule, je hurle.
Fatiguée. Je suis une femme de quarante-quatre ans fatiguée. Sans intérêt. Et qu'on ne me parle pas de mon sacerdoce, de ma profession admirable : la plus grande joie que m'ait donnée cette semaine un malade incurable, c'est de me dire vous êtes jolie.
Vieillir c'est avoir peur, m'a dit ma mère. C 'est abandonner l'une après l'autre toutes les audaces qui faisaient de soi une vraie personne. C'est ne plus oser être naturelle devant son propre enfant devenu adulte ; ne plus oser lui parler normalement. J'ai eu tort d'épouser ton père, il est encore jeune, lui, et si peu angoissé qu'il le restera longtemps. Je ne l'ai trompé qu'une seule fois : sur mon âge avant notre mariage. J'ai, hélas, huit ans de plus que lui.
J'ai cru ce jour-là retrouver la mère qui avait enchanté mon adolescence. Mais elle a soudain repris son ton compassé et je suis retournée à mon silence égoïste, à mes obsessions professionnelles.
On attribue cette chance au fait que mon père est un avocat d'assises qui a un certain pouvoir ; à mon visage qui est loin d'être laid. Si j'étais plus soucieuse d'élégance vestimentaire, en somme si mes robes-sacs ou mes pantalons trop larges n'étaient pas un défi à mes formes, on attribuerait cette chance à mon corps.
C'est à dire que, dans ce milieu, les jugements ne sont pas sérieux
Dès cette époque, Irène prend en horreur toute perte de temps; et l’est pour elle l’oisiveté, même en vacances. Quand plus tard, elle « entrera en politique », elle sera exaspérée par les discussions oiseuses de ses confrères et n’hésitera pas à se lever au beau milieu d’une de ces conversations pour retourner à son cher laboratoire.
Si Solange me plaquait, pensait Jérôme, je deviendrais capable du pire. Étrange ce mouvement de bascule, entre la béatitude et l'horreur, que crée toute passion. Je me croyais préservé, serein, équilibré. Bel équilibre qui me donne des envies de meurtre alors que la situation est à peine critique.
François Caroli, de la police judiciaire de Versailles, avait été alerté par la police de la route et s'était aussitôt rendu sur les lieux. Il était évident que le meurtre n'avait pas eu lieu sur l'autoroute; c'était forcément un automobiliste qui avait déposé le corps sur la bande d'urgence : l'assassin. Les Guisard, qu'on avait contraints de rester là pour être interrogés par Caroli, répétaient inlassablement qu'ils n'avaient pas pu voir la voiture qui s'était arrêtée avant la leur. C 'était parce que le petit avait envie de vomir, etc. Bon. Le commissaire s'était dit qu'il les convoquerait plus tard et il les avait autorisés à partir.
Un cordon de policiers entouraient les lieux afin de laisser travailler les hommes de l'Identité judiciaire et le médecin légiste. " N'oubliez pas les ongles, avait dit Caroli. Le gosse s'est peut-être défendu. " Mais à 21 heures, dans son bureau, le commissaire savait déjà que le cadavre ne serait pas très bavard. Rien ou presque sous les ongles. Les prélèvements de salive sur les morsures de l'épaule et du sexe pouvaient fournir le groupe sanguin du meurtrier à condition que ce dernier n'ait pas bu d'alcool. La poussière, sur les vêtements, serait peut-être révélatrice. Restait la couverture kaki que l'on pouvait trouver dans tous les magasins. Bref, une affaire pourrie au départ, se disait Caroli, qui était encore secoué par la vision du petit corps torturé de la victime : un enfant de sept ou huit ans, mal nourri, d'une pauvreté évidente. Un avis de recherche des parents avait été lancé, mais la photographie du visage tuméfié était trop horrible et sans doute trop peu fidèle au vrai visage du gosse. Un photographe de l'Identité s'efforçait de la retoucher et de donner à cette figure d'enfant une apparence humaine.
Ce qui me tue, voyez-vous, Brigitte, c'est cet effort constant que nous faisons tous pour avoir l'air uniformément normal. On devrait rayer ce mot de notre vocabulaire.
Frémont aurait été mêlé à une affaire de pédophilie. Quelques gros bonnets seraient compromis. Ces histoires-là sortent aujourd'hui comme si c'était une mode. En fait, elles existent depuis des siècles et on fermait les yeux. Ce qui ne veut pas dire qu'aujourd'hui on les ouvre grand en dénonçant tous les milieux. Non. Seuls les sans-grades sont arrêtés. Les puissants restent impunis. Comme d'habitude.
- J'irradie cette cible (feuille d'aluminium) avec des rayons alpha provenant de ma source de polonium ; vous pouvez entendre le compteur Geiger cliqueter… J'enlève la source : le cliquetis devrait s'arrêter… mais le bruit continue…
Le compteur Geiger va continuer ainsi pendant trois minutes. C'est tout simplement incroyable : Irène et Fred viennent de découvrir la radioactivité artificielle. (…)
Trente ans plus tôt, le romancier H. G. Wells avait, dans son ouvrage, Le Monde Libéré, décrit lui-même la radioactivité artificielle, en situant de façon surprenante la date : 1933. Puis il avait prédit les applications industrielles et militaires de l'énergie atomique, la destruction des grandes villes du globe et les radiations nucléaires au cours d'un conflit mondial.
79 – [Le Livre de poche n° 4321, p.151]